C’est l’acquisition, en 2011, de l’italien Parmalat qui propulse Lactalis comme premier groupe laitier mondial. Non sans troubles en Italie, où le rachat de ce fleuron industriel a suscité un tollé.
Avec plus de 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2022, Lactalis a détrôné un autre mastodonte, Danone, comme leader français de l’agroalimentaire et est entré dans le top 10 mondial du secteur. Ce chiffre d’affaires a quintuplé depuis 2000, année où Emmanuel Besnier, troisième génération à la tête de l’entreprise, a pris les commandes.
En deux décennies, il rachète plus de 100 entreprises, étendant son règne des grandes marques (la division fromages du géant américain Kraft) aux fromages locaux. La multinationale se targue également d’être « le premier acteur mondial de l’AOP ».
Le groupe, qui a fêté ses 90 ans en octobre, compte 270 sites de production dans 51 pays et 85 000 salariés. Ses produits, dont les emballages ne portent aucune mention de Lactalis, sont commercialisés dans 150 pays.
Un patron énigmatique
Petit-fils du fondateur de l’entreprise, Emmanuel Besnier n’avait pas encore 30 ans lorsqu’il a repris les rênes de Lactalis, après le décès brutal de son père Michel. Le jeune patron perpétue la tradition familiale, attachée au vieil adage : « Le bruit ne fait pas de bien et le bien ne fait pas de bruit ». Discrets, voire invisibles, rares sont ceux qui ont croisé la route d’Emmanuel Besnier, sur ses terres en Mayenne, dans ses usines ou dans les ministères à Paris.
Pendant longtemps, on n’a connu qu’une seule photo de lui, prise lors d’un voyage en Croatie, en 2007. La photo, au cadrage serré, laisse apparaître ses yeux clairs sous ses lunettes rectangulaires et les touches poivre et sel de ses cheveux.
En 2023, le magazine Forbes classe Emmanuel Besnier au sixième rang des fortunes françaises et 71e mondiale, lui attribuant 22 milliards de dollars. Six ans plus tôt, sa fortune était estimée à 11,3 milliards d’euros.
Le patron introverti a été contraint de sortir de sa réserve lorsque le scandale du lait contaminé a éclaté fin 2017, confronté notamment à une commission d’enquête parlementaire. Depuis, il a accordé quelques interviews et fait visiter ses usines. Depuis 2020, l’entreprise tient même un stand au Salon de l’Agriculture.
Le groupe n’est guère plus communicatif : non coté en bourse, Lactalis n’a communiqué, jusqu’à récemment, aucun chiffre financier, s’attirant des critiques dénonçant son opacité.
Une image ternie par les entreprises
Le géant du lait est en conflit récurrent avec les éleveurs, qui lui reprochent de ne pas les payer suffisamment.
À l’été 2016, des producteurs ont bloqué pendant neuf jours le siège social de Lactalis à Laval pour obtenir un « juste prix ». Certains témoignent également de méthodes musclées, voire de menaces à leur encontre s’ils tentent de passer à la compétition.
Les critiques contre l’opacité du groupe ont atteint leur paroxysme en 2017-2018, lors de la gestion chaotique de la crise du lait infantile – des dizaines de nourrissons avaient été touchés par la salmonellose en France.
Lactalis est mis en examen depuis février 2023 dans cette affaire, notamment pour tromperie aggravée et blessures involontaires.