Le communiqué est parvenu juste avant l’ouverture de la bourse. Bouygues a annoncé ce lundi 18 septembre sa volonté de retirer d’Euronext sa filiale Colas, spécialisée dans les routes, les matériaux de construction, le ferroviaire et le transport de l’eau, de l’énergie et des fluides. Comment ? En déposant “dans les jours à venir” un projet d’offre publique de retrait auprès de l’Autorité des marchés financiers. Autrement dit, le géant français du BTP coté au CAC 40, détenant déjà 96,8% du capital de son entité depuis son rachat en 1985 au groupe SCREG. [Société chimique routière et d’entreprise générale, Ndlr]rachètera les 3,2 % restants.
« Il y avait plus d’inconvénients que d’avantages avec ce flotteur très faible. [partie des actions échangeable sur le marché, ndlr], comme toutes les contraintes liées à la communication et au reporting financier. Nous y réfléchissons depuis longtemps. » justifie, à La Tribune, un porte-parole de Bouygues.
La séparation du directeur général et du président est également enregistrée
Cette décision a en effet été prise lors d’un conseil d’administration extraordinaire de Colas tenu le 17 septembre. Au cours de cette réunion, la séparation des fonctions de président du conseil d’administration et de directeur général a également été constatée. Ce dernier pourra « se concentrer sur la direction opérationnelle » de la filiale Bouygues, c’est ce qu’écrit la major dans un communiqué adressé aux journalistes.
La nouvelle n’a pas seulement fait le bonheur des gens. Le projet de radiation de Colas et les modalités d’exercice de la direction générale de l’entité « n’a pas répondu à mes attentes personnelles » du PDG Frédéric Gardès. De ce fait, cette dernière a “a présenté sa démission”. En interne, certains estiment que la dissociation a été vécue comme une rétrogradation par le patron sortant, tandis que d’autres font état d’une incompatibilité d’humeur entre ce dernier et Olivier Roussat, directeur général du groupe Bouygues.
A rejoint Bouygues Offshore en 1994, est resté après l’acquisition de Saipem [recherche et forage pétroliers, ndlr] jusqu’en 2011, Frédéric Gardès rejoint Colas en 2011. Il dirige la filiale Réunion, puis prend la tête de la direction régionale Océan Indien, avant la direction générale de l’Europe du Nord et du Moyen-Orient. Nommé Directeur Général International Réseaux, Grands Projets en 2018, il devient logiquement Directeur Général en mai 2019, puis Président-Directeur Général de Colas en février 2021.
“Ce n’est pas un problème d’ego”
Demandé par La galerie plusieurs fois dans la journée, Frédéric Gardès a fini par accepter de donner sa version des faits à La galerie.
« Ce n’est pas un problème d’ego. J’ai vécu quatre années et demie passionnantes, certes pas les plus faciles entre le Covid, l’inflation et la guerre en Ukraine, mais avec ces nouveaux changements, je sentais que je n’aurais pas assez d’autonomie, assume ce centralien franco-suédois de 52 ans.
“Et cela, alors que j’étais arrivé au terme d’une fin d’un cycle de transformations, et que j’étais prêt à en attaquer une seconde”, il continue.
Colas vient de recevoir deux grands navires, capables chacun de transporter 21 000 tonnes de bitume à 30 millions d’euros chacun. « Avec Shell, nous sommes co-leader mondial du négoce de bitume » assure Frédéric Gardès. Elle entendait également poursuivre le déploiement de sa stratégie de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE) baptisée ACT, et notamment la décarbonation de l’entité qui s’était engagée à réduire de 30 % ses émissions directes et indirectes de CO2.
« Je reste salarié de Bouygues SA et je remercie toutes les équipes qui sont de grande qualité. J’ai confiance en leur avenir et en leur capacité à réussir notre plan de transformation », assure Encore Frédéric Gardès.
Un nouveau président et un nouveau CEO viennent d’être nommés
Pourtant, un ancien manager a confié à La galerie que le futur ex-patron de Colas a transformé la filiale en une grande administration, synonyme de moins d’autonomie pour les agences locales sur le terrain. « Des synergies ont été mises en place, mais pas au détriment du terrain », rétorque l’intéressé.
Un fin connaisseur du secteur regrette que « les Colas d’aujourd’hui ne sont plus les Colas d’hier ». Frédéric Gardès répond que 60 % du chiffre d’affaires – 15,5 milliards en 2022 – est effectivement réalisé à l’international et 40 % en France. Un dirigeant rappelle que le potentiel de croissance de l’entité a été recherché aux États-Unis et au Canada – comme le font déjà Saint-Gobain et Holcim – ainsi qu’en Allemagne et en Europe du Nord.
Le conseil d’administration de Colas a néanmoins procédé à deux nominations ” avec effet immédiat ” : Pascal Grangé, directeur financier du groupe Bouygues, est nommé président non exécutif, tandis que Pierre Vanstoflegatte revient dans la major en tant que directeur général. Pour mémoire, le nouveau patron est parti chez Latour Capital en avril 2023 du poste de président de Bouygues Energies & Services, six mois après la nomination de Jérôme Stubler à la présidence d’Equans, entité d’Engie désormais réunie à Bouygues Energie & Services.
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