
Sam Altman, patron d’OpenAI et créateur de ChatGPT, parcourt le monde pour rassurer sur l’intelligence artificielle et prévenir une réglementation trop contraignante (AFP/Stefani Reynolds)
Du Brésil au Nigeria, de l’Europe à l’Asie, Sam Altman, patron d’OpenAI et créateur de ChatGPT, parcourt le monde pour rassurer sur l’intelligence artificielle et prévenir une réglementation trop contraignante, notamment en Europe, d’où il menace de se retirer.
Mercredi à Londres, dixième étape de sa tournée des cinq continents, Sam Altman a durci le ton en avertissant qu’OpenAI pourrait « cesser de fonctionner » dans l’Union européenne si la future réglementation européenne lui imposait trop de contraintes.
“Nous allons essayer (de nous conformer) mais il y a des limites techniques à ce qui est possible”, a-t-il déclaré à la presse britannique, expliquant qu’il avait “beaucoup” de critiques à l’égard du futur EU AI Act. . Ce qui a suscité jeudi la colère du commissaire européen Thierry Breton.
“Cela ne sert à rien d’essayer de faire chanter les gens en prétendant qu’en développant un cadre clair, l’Europe retarde le déploiement de l’IA générative.
Au contraire ! Avec le +AI Pact+ (qui doit précéder un règlement européen sur l’IA, ndlr) que j’ai proposé, nous visons à aider les entreprises dans leur préparation”, a-t-il tweeté, accompagnant son message d’une image portant la mention “est-ce une menace ?”
Le patron de Microsoft Brad Smith le 12 novembre 2022 à Paris (AFP/JOEL SAGET)
Le patron de Microsoft, Brad Smith, a fait mieux, affirmant que les éditeurs du texte feraient bien d’écouter “ceux d’entre nous qui en savent peut-être plus sur le domaine technique” et de voir “ce qui ne fonctionnera probablement pas”.
“J’ai 35 ans d’expérience de travail avec l’Union européenne (…) la raison prévaudra” car “la législation est une affaire de compromis” et “l’IA est tellement importante pour la compétitivité future des entreprises”, a-t-il lancé.
Le projet inquiète également Google, qui a dépêché cette semaine son directeur général Sundar Pichai à Bruxelles. Pour le moment, face aux contraintes réglementaires, Google a renoncé à déployer son AI Bard dans l’UE.
– “Messie” –
Défendre ChatGPT contre des réglementations trop contraignantes, tout en affirmant qu’il doit être encadré : c’est la position de Sam Altman lors de son « OpenAI Tour », qui l’emmène dans seize métropoles.
Sam Altman (d), patron d’OpenAI et créateur de ChatGPT, lors d’une rencontre avec le président français Emmanuel Macron à l’Elysée, le 23 mai 2023 à Paris (POOL / Yoan VALAT)
---Au programme, des tête-à-tête avec des chefs d’État – dont Emmanuel Macron mardi -, des conférences et un détour par le groupe Bilderberg, le club très discret des dirigeants mondiaux.
Cette tournée illustre la stature de gourou mondial de l’IA acquise par Altman, 38 ans, depuis le succès fulgurant de son chatbot, qui a pourtant déclenché une avalanche de peurs : désinformation, manipulation des élections, destruction massive d’emplois voire menace pour l’Humanité.
Une réponse d’OpenAI devient urgente : de nombreuses personnalités publiques ont appelé à une pause dans les recherches, l’Italie a suspendu ChatGPT pendant trois semaines pour siphonnage de données personnelles et le G7 a décidé samedi de créer une task force IA.
Sam Altman, patron d’OpenAI et créateur de ChatGPT lors d’une audition devant des sénateurs américains, le 16 mai 2023 à Washington (Getty/WIN MCNAMEE)
La campagne de séduction a commencé le 16 mai devant des sénateurs américains, avec Sam Altman lançant de manière surprenante, en substance, “régulez-moi”, et déclarant que son cauchemar était que l’IA causerait “des dommages importants au monde”.
Mais il a aussi assuré que de nombreux emplois seraient créés et souligné que trop de réglementation serait néfaste, car “si l’industrie américaine ralentit, la Chine ou quelqu’un d’autre peut progresser plus vite”.
Le lendemain, le jeune patron s’est envolé pour Rio, puis Lagos (Nigéria) et Lisbonne, avant Madrid, Londres, Paris, Varsovie, Munich et encore Paris vendredi, sur le campus de start-up Station F. Prochaines étapes : Tel Aviv, Dubaï, New Delhi, Singapour, Jakarta, Séoul, Tokyo et Melbourne.
« Au Bilderberg, il faisait un peu peur, confie un participant, mais il a aussi fait miroiter la recherche d’un pays dans lequel installer son siège européen ».
La position de Sam Altman lors de son “OpenAI Tour” est de défendre ChatGPT contre des réglementations trop contraignantes (AFP/Stefani Reynolds)
A Paris, Varsovie et Madrid, il est reçu avec le respect d’un chef d’Etat par des responsables politiques désireux de saisir cette opportunité économique, mais qui rappellent aussi la nécessité de l’encadrer.
Au Nigeria, il a promis une floraison de start-up et tenté de redorer l’image d’OpenAI, qui a fait appel à des travailleurs africains à bas coût pour former son modèle.
A Rio, il espérait que ChatGPT générerait « une amélioration du niveau de vie des gens ».
L’accueil a été moins consensuel à Londres, où une poignée de manifestants ont manifesté. “Nous ne devrions pas laisser les multimillionnaires de la Silicon Valley avec un complexe de messie décider de ce que nous voulons”, a déclaré un étudiant.