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Courrier Réveil du 22 janvier 2025

Russie, en 2026. Le pays est ravagé par la famine et, aux frontières, les armées occidentales repoussent les Russes qui tentent de prendre le chemin de l’exil. Vladimir Poutine est hospitalisé et mourant. Quand le film commence, les infirmières changent ses draps souillés. “La caméra s’attarde, enfin, pas avec délectation, mais très longtemps, sur les excréments du président”, décrit le Journal sud-allemand.

Montrer un dictateur à la fin de sa vie, alors que son corps lui fait défaut, est un thème déjà abordé à de nombreuses reprises, en littérature comme au cinéma. Mais la scène décrite provient d’un objet cinématographique très étrange, souligne Le miroir quotidien, un autre quotidien allemand :

«Ce qui est traître dans cette première scène, c’est le visage de Poutine, reconstruit grâce à l’intelligence artificielle. L’espace d’un instant, l’illusion est parfaite.

Bienvenue à Poutine, le dernier film du cinéaste polonais Patryk Vega. Le long-métrage est sorti en Allemagne et en Autriche le 9 janvier, puis en Pologne le 10 janvier. En , il reste inédit.

« Mais qu’est-ce qu’il y a alors ? »

De ce côté-ci de l’Europe, le nom de Patryk Vega ne veut probablement pas dire grand-chose. Mais, dans son pays, cet homme de 48 ans, au crâne rasé et tatoué jusqu’au cou, est une star. Un scénariste, réalisateur et producteur qui cartonne au box-office mais dont les productions sont boudées par la plupart des médias. « Il est leenfant terrible* du cinéma polonais », l’euphémise Frankfurter Rundschau, un quotidien de Francfort. Il est le spécialiste de “poubelle” et le “impolitesse”, résumé plus brusquement Onet, un média en ligne polonais.

En Pologne, Poutine floppé. Le quotidien conservateur polonais République note que “moins de 40 000 personnes” vu le film le week-end de sa sortie, alors que le précédent long métrage de Patryk Vega en avait attiré 200 000. “Si ce n’était pas mon devoir de journaliste, j’aurais quitté le cinéma au bout de cinq minutes, mais je me suis sacrifié pour prévenir les autres spectateurs”, fait l’éloge du critiqueOnet.

En Allemagne, c’est une autre affaire. Le film, s’il n’a pas fait sensation au box-office, a été regardé avec curiosité par les grands journaux du pays, qui débattent pour déterminer ce qui a été mis sous leurs yeux. Comme le Süddeutsche Zeitung :

« Il faut néanmoins préciser que Poutine n’est pas un biopic au sens strict du terme. Ni au sens large. Ni en aucun cas, d’ailleurs. Mais qu’est-ce que c’est alors ?

Une idée audacieuse

Le long métrage, un film de série B comme Patrick Vega signé sur la chaîne, suit le parcours du dirigeant russe depuis son enfance dans les rues de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg), lorsqu’il commence à commettre le crime au poing au contact des gangs de rue. . Entre exagération, caricature et invention franche, il “prend de grandes libertés” avec les faits, prévient le Journal sud-allemand. Et n’a pas peur de montrer son personnage dans des situations humiliantes, dès sa scène d’ouverture.

«La biographie effrayante de Poutine écrite par Patryk Vega est tout sauf raffinée. La subtilité ne fait pas partie des qualités de ce réalisateur controversé, reconnaît le Miroir quotidien. Mais il fallait encore réfléchir à la dénonciation de l’autocrate russe grâce à la technologie des deepfakes.»

De ce point de vue, le film devient “plus qu’une interprétation polémique de la vie d’un leader”, développe le Frankfurter Allgemeine Zeitung, un autre quotidien allemand :

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“C’est en quelque sorte une tentative d’assassinat par le cinéma.”

Copier Poutine pour le démasquer

Interviewé par le Francfort Rundschau, Patryk Vega dit avoir voulu entremêler biopic et regarder l’époque actuelle, avec la guerre en Ukraine en toile de fond. “Je décrirais le genre dans lequel je sers histoire en direct [‘histoire en direct’]», ajoute-t-il en expliquant que c’est pour cela qu’il semblait impossible de travailler avec un acteur maquillé : “Tout le monde connaît le visage de Poutine.”

Patryk Vega a donc décidé de confier le rôle à Slawomir Sobala – un acteur polonais habitué à parodier le dirigeant russe – mais en modifiant son visage. La technologie deepfake existante a rapidement montré ses limites : “Il est facile de créer un deepfake pour le smartphone, par exemple un Donald Trump avec une certaine expression faciale, un rire, dans une vidéo d’une minute”, explique encore le cinéaste. Mais tourner un film de près de deux heures, destiné à être projeté sur grand écran, demande une tout autre finesse dans le rendu des expressions faciales. Avec l’aide d’un studio californien, le cinéaste a mis deux ans pour programmer une intelligence artificielle sur mesure, baptisée « Exis AI ».

Cette quête de ressemblance devrait, pour Patryk Vega, servir à mieux démasquer Poutine : entrer dans sa tête, révéler ses rouages, ses faiblesses aussi. Il aurait pu les chercher dans la vie sexuelle du maître du Kremlin. Il préfère les retrouver dans la peur de la finitude que cache, selon lui, le visage botoxé du leader. « Poutine est un lâche et a une peur panique de la mort » affirme-t-il au quotidien autrichien La norme.

La sagesse du navet

Le portrait qu’il dresse est aussi cruel que gonflé. Poutine peut ainsi se regarder “comme un pamphlet qui utilise l’obscénité pour révéler une personnalité impossible à approcher autrement, analyser le Frankfurter Allgemeine Zeitung. Une forme de porno de vengeance [‘porno de vengeance’] dont la pornographie ne réside pas dans l’acte lui-même mais dans sa grossièreté, dans le fait que tout est montré sous un jour pâle.

Le Frankfurter Rundschau continue sur la même note :

Poutine est un film mème. Il contient des dizaines d’images mémorables qui dureront longtemps sur Internet.

Mais est-ce que ça marche ? “Dans Poutineles faits, les inventions et les illusions se fondent dans un mélange politiquement douteux. Mais l’humiliation est peut-être la dernière arme des impuissants. décoration Le miroir quotidien. Malheureusement, la satire finit par devenir “complètement inopérant” à force de croître toujours plus dans la surenchère, juge le Zeitung du sud de l’Allemagne. « Ce n’est qu’un pétard humide, ce n’est que du bruit, tout cela n’est pas grave et il n’y a rien de vraiment révélateur là-dedans. Poutine ne devrait pas s’en tirer aussi facilement au cinéma.»

D’autres journaux germanophones, plus étrangement, ont fouillé Poutine des clés pour comprendre le dirigeant russe et traiter avec lui. “On peut dire que ce film est un navet”, concède Frankfurter Allgemeine Zeitung. Mais cela a au moins le mérite de rappeler à quel point Vladimir Poutine « est imprévisible pour un monde politique occidental qui s’appuie toujours sur la rationalité », ajoute le quotidien de Francfort. Et ainsi, conclut le Standard, le film pourrait constituer un « belle source d’inspiration » pour nos dirigeants – s’ils avaient besoin d’un navet polonais pour se rappeler que Poutine ne comprend que l’équilibre des pouvoirs.


*En français dans le texte.

 
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