«Jouer avec le feu», «Le Brave», «Emil typique»

“Jouer avec le feu”

Pierre a deux fils et les élève seul. Là où le plus jeune, Louis, réussit ses études et emprunte un chemin tracé à l’avance, l’aîné, Fus, est plus problématique. Tout commence par une rumeur que Pierre entend lors d’une réunion de travail. Son aîné fréquenterait un groupe d’extrême droite. Mais comment savoir si c’est la vérité ? Pour ce faire, Pierre observe et finit par découvrir que Fus sombre bel et bien dans la radicalisation. Alors il essaie de le raisonner. Mais il est trop tard et Fus finit par se faire prendre.

Ce nouveau film des sœurs Coulin opte pour la sobriété et l’observation, épousant le regard du père, Vincent Lindon, justement récompensé par un prix d’acteur à Venise. La rigueur et la composition du cadrage, l’économie du récit nous familiarisent avec un drame dans lequel chaque partie renforce ce qui a été construit auparavant. S’enfermant dans un étau engendré par ses propres démons, Fus compose un personnage perdu, en tous points opposé à son frère modèle.

Le côté obscur pour Benjamin Voisin, la lumière pour Stefan Crépon, deux tendances irréconciliables que seuls les liens du sang peuvent préserver. L’un est le miroir de l’autre, comme les deux faces d’une même existence, avec cette question à laquelle « Jouer avec le feu » n’apporte pas de réponse : comment arrive-t-on à rejoindre l’extrême droite ? Brillant.

Note: ***

•= haineux, °= à vos risques et périls, *= bon, **= intéressant, ***= excellent, ****= chef-d’œuvre

“Jane Austen a ruiné ma vie”

Ce qui surprend le plus dans ce film de Laura Piani, c’est son titre. Cela dit, sous ses dehors irrévérencieux, il cache les questions sentimentales d’une jeune libraire dont la vie amoureuse est un désert alors qu’elle rêve d’une romance avec Jane Austen. Rarement mise en avant et encore moins dans un premier rôle, alors qu’elle tourne depuis près de quinze ans, Camille Rutherford impose sa présence discrète et imprègne l’ensemble du tournage de sa personnalité contrastée. Il contribue à révéler l’empreinte très franco-française du drame sentimental, genre qui ne se renouvelle guère malgré les efforts de multiples auteurs, d’Emmanuel Mouret à Jean-Pierre Améris.

Autre fait notable, Laura Piani insuffle des nuances anglophones à cette comédie, ce que pourrait expliquer son passé de libraire au magasin Shakespeare & Co à Paris. C’est donc finalement une forme très littéraire, et fondée sur la déconstruction, que montre son auteur, offrant au passage un rôle important à l’excellent Pablo Pauly.

Note: **

•= haineux, °= à vos risques et périls, *= bon, **= intéressant, ***= excellent, ****= chef-d’œuvre

« Émile typique »

Emil Steinberger seul. On pourrait ainsi résumer ou définir ce documentaire qui nous révèle la vie et l’œuvre de sans doute le comédien le plus célèbre de la scène suisse. Aucun épisode ne manque, plusieurs documents d’archives servent de fil conducteur à la narration, et on finit par comprendre, même si aucune analyse n’est tentée en ce sens dans ce film de Phil Meyer, l’extrême popularité de cet homme qui continue, à 92 ans, jouer avec des projets.

La structure classique du documentaire est ici la bienvenue. Le réalisateur ne cherche jamais à prendre de la hauteur ou de la distance par rapport à son sujet. Emil, sur scène ou avec les Knies, reste au cœur de tout, un comique providentiel que le public a toujours adoré, y compris en Suisse romande, où les différences linguistiques peuvent être fatales.

Note: **

•= haineux, °= à vos risques et périls, *= bon, **= intéressant, ***= excellent, ****= chef-d’œuvre

« Les courageux »

Comment une femme, une mère, une voisine, peut-elle prouver aux autres, notamment à ses proches, qu’elle est une bonne femme ? Jule (superbement interprétée par Ophélia Kolb, que l’on voit actuellement dans la série « Panda ») – c’est son nom – élève du mieux qu’elle peut ses trois enfants. C’est-à-dire avec peu d’argent, peu d’aide, peu de moyens.

Sous surveillance électronique (pour quelle raison ? mystère), elle franchit parfois la ligne rouge, mais continue de tenir tête à cette existence qui ne lui rend jamais service. C’est en l’observant que « Les Courageux » de Jasmin Gordon prend tout son sens. Le film, c’est elle, et le mouvement qu’elle lui donne en détermine le rythme. A découvrir pour toutes ces raisons.

Note: ***

•= haineux, °= à vos risques et périls, *= bon, **= intéressant, ***= excellent, ****= chef-d’œuvre

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