L’Orchestre Métropolitain (OM) a annoncé mardi l’annulation de deux programmes de sa saison en cours, « Amour fatal », en mars, et « Fiesta latine », en mai, en raison « des défis importants que traverse actuellement l’ensemble de l’environnement culturel ». Il s’agit pour l’instant du choc post-pandémique le plus symbolique du monde musical classique.
“Nous vivons un effet de ciseaux”, a déclaré le Devoir Fabienne Voisin, PDG de l’OM. « L’orchestre est en déficit depuis deux saisons, comme tous nos concitoyens de l’écosystème culturel. » Madame Voisin voit trois raisons à ce déficit : « Un coût de production qui s’est envolé – certains disent 30 %, et on peut s’entendre sur ce pourcentage –, le public pour qui l’inflation arrange différemment les choix et une stagnation des subventions. »
Fabienne Voisin dit travailler avec le ministère de la Culture et reconnaît le mérite de faire « le maximum pour défendre le milieu et l’OM, qui prend du retard en matière de financement par rapport aux autres groupes symphoniques ». Mais elle a choisi « de prendre des décisions pour mettre l’orchestre sur la voie de la pérennité et éviter de se retrouver sans leviers d’action ».
Centre nerveux
Les concerts annulés sont donc « Amour fatal », mis en scène par Nicolas Ellis, qui devait être donné le 13 mars à Saint-Léonard et le 14 mars à la Maison symphonique, incluant la création du Concerto pour basson par Airat Ichmuratov et Bacchus et Ariane de Roussel, et « Fiesta latine », le 16 mai à la Maison symphonique, avec la chef d’orchestre Joana Carneiro et la pianiste Gabriela Montero. Les détenteurs de billets recevront un remboursement dans les dix jours ouvrables suivant cette annonce.
De nombreuses institutions s’étaient relativement solidifiées pendant la pandémie avec des aides et des subventions maintenues, face à une réduction importante des dépenses de production. Mais ce pécule n’a pas duré longtemps. « L’aide masquait une réalité plus dure que la COVID. L’inflation a frappé cette saison plus durement que la saison dernière », analyse Fabienne Voisin.
Contrairement à d’autres cas du secteur, lente érosion des institutions ou déraillements stratégiques, les causes de cette situation surprenante à l’OM sont certes multifactorielles, mais on ne peut contredire Fabienne Voisin lorsqu’elle parle de « maîtrise d’une croissance, si l’on veut viser des objectifs budgétaires ». équilibre.” Une institution culturelle ne peut pas s’enliser dans un effet de levier, c’est-à-dire creuser un trou pour se développer.
-L’OM avait la possibilité d’annuler ces deux semaines, car, en termes d’activité, l’orchestre était au-dessus du nombre de semaines contractuellement dû aux musiciens. Mais Fabienne Voisin le reconnaît : « Dès qu’on supprime deux concerts, l’orchestre étant un pôle d’emploi pour l’écosystème, ça fragilise tout le monde. » Pour les musiciens, le coup est dur, car le centre névralgique de leur activité est désormais touché, alors que la périphérie l’était déjà. Par exemple, l’ancien Orchestre Symphonique de Longueuil, qui représentait un complément de salaire pour plusieurs musiciens de l’OM, n’est plus qu’une ombre. Les instrumentistes de l’OM sont parmi le tiers des musiciens qui ont jeté l’éponge suite à l’arrivée du violoniste Alexandre Da Costa, et, pour les survivants, le musicien ne rapporte plus beaucoup, au point qu’un concert du désormais « Orchestre Philharmonique de Québec » », le 1est Février, présenté comme « historique », avec rien de moins que le Boléroa été annulé.
Un signal
« Si l’OM, solide sur pied, finit par annuler deux concerts, ce n’est pas une décision neutre, qui doit passer inaperçue : c’est un signal important qui montre la fragilité de la culture dans une ville qui brille justement par sa richesse culturelle. », précise Fabienne Voisin, qui réfute l’idée d’avoir voulu faire passer un message et évoque seulement son retour à l’équilibre. « Ce n’est pas seulement cela : les enregistrements n’auront pas lieu et les concerts gratuits dans les parcs n’auront pas lieu. Nous ne les avons pas annulés ; nous ne les engageons pas. » De manière pragmatique, la saison 2024-2025 passe de 36 à 33 concerts et la programmation 2025-2026 débutera sur une base de 30 concerts.
Le réalisateur, qui salue « l’énorme attention de Yannick Nézet-Séguin envers ses musiciens, son courage et sa compréhension totale de l’économie, de l’écosystème et de la place d’un orchestre dans la société d’aujourd’hui », n’a pas voulu remettre en cause la tournée européenne en Juin : « Le rayonnement international des talents locaux pousse les philanthropes à soutenir cette démarche. Il en va de même pour le concert au pied du mont Royal : il est une source de ralliement de nouveaux philanthropes. »
Fabienne Voisin conteste l’interprétation d’une hausse de 33 % du soutien à la mission du Conseil des Arts et des Lettres. « Ce n’est pas notre analyse ; nous sommes dotés 15 % de moins que tous les autres orchestres, y compris régionaux. Ainsi, les subventions ne couvrent pas les frais de fonctionnement et l’OM parvient à solliciter la philanthropie pour combler ce manque. »
L’orchestre a toujours poursuivi son activité dans les quartiers. « Oui, les communes paient, mais ce n’est même pas 10 % des coûts. Nous sommes historiquement soutenus par le Conseil des arts de Montréal en tournée, sans lequel ces concerts seraient impossibles, mais c’est l’OM qui assure la majorité des besoins financiers de ces concerts. C’est l’ADN de l’orchestre et nous ne pouvons y renoncer, mais nous recherchons également des mécènes pour nous aider à maintenir et déployer cette activité. »
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