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Derrière la porte | Maxime n’est « pas génial » la première fois

La presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre, dans l’intimité, loin, très loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Maxime*, 22 ans

Maxime a été attaqué. Pas dans une ruelle. Ni par un étranger. Mais par un dateun gars que j’ai rencontré sur une application. Parce que c’est aussi comme ça que ça se passe. Narratif.

« Les expériences négatives sont plus fréquentes qu’on ne le pense sur ces candidatures », dit-il. Et cela arrive aussi aux hommes.

Cette agression était aussi sa première fois, à 17 ans, il y a à peine cinq ans. «Horrible», comme le disent tous ceux à qui il se confie. « Tout simplement horrible, et horrible comme la première fois », paraphrase-t-il.

Maxime a aujourd’hui 22 ans. Il est à l’étranger pour l’hiver, pour sa session universitaire, alors nous avons parlé virtuellement, tout récemment. Le jeune homme, qui semble timide, se prête au jeu des confidences sans qu’on le lui demande.

«Je suis sorti vers 13 ou 14 ans, à l’âge où on voit des copains de lycée se mettre en couple», raconte-t-il. A cette époque, il ne s’intéressait plus ou moins uniquement aux jeux vidéo. “Je n’avais pas vraiment d’autres soucis !” dit-il en plaisantant, mais en voyant les autres, on se pose des questions… »

Son annonce passe bien auprès de sa famille – « même si nous ne sommes pas la famille où l’on parle le plus de ses émotions » – et encore mieux auprès de ses amis. «Je n’ai eu aucun problème», confirme-t-il. Nous sommes à une époque où il y a des modèles, être homosexuel n’est pas étranger. »

Ce n’est que quelques années plus tard, vers l’âge de 17 ans, qu’il se met officiellement en mode « dating » et s’inscrit sur une application. « Si on n’est pas hétéro, c’est quand même un peu difficile de se rencontrer. […] Avec une application, les rencontres sont plus accessibles. »

Je n’avais pas d’intention claire. C’était vraiment plus de curiosité.

Maxime, 22 ans

Il faut dire qu’à part un peu de porno ici ou là, il n’a encore rien vu, rien vécu. « Ma toile est vierge », dit-il en rougissant.

Là, il découvre un monde, et pas forcément dans le sens positif du terme. Tout de suite, il ressent un certain « mal ». C’est uniquement sur l’application en question (Grindr), tout le monde peut écrire à tout le monde. C’est très « frontal », résume-t-il. « Les applications sont très axées sur le physique, mais ici, j’ai l’impression que c’est exacerbé. Et pour quelqu’un de très jeune comme moi, je pense que cela a un peu affecté mon estime de soi. » Un commentaire désobligeant ici (« tu n’es pas mon type »), un choix de bite là, puis un rejet ailleurs… « Ce n’est pas traumatisant, ajoute-t-il, mais j’ai certainement été touché. Quand on est bloqué, c’est un sentiment de rejet qui n’est pas agréable. Ceci dit, moi aussi j’ai fait ça à d’autres ! »

Et puis, dans le lot, toujours à 17 ans, un correspondant se démarque particulièrement. « Il avait l’air plus intéressant, il avait de l’humour, il avait l’air d’être une personne sympa. » Ils échangent quelques messages, « 15 à 20, max », avant de fixer un rendez-vous. Et encore une fois, Maxime n’a pas vraiment d’intention claire. « Cela peut paraître naïf, concède-t-il, peut-être que je voulais de l’attention, de l’affection ? Mais ce n’était pas direct, du genre : je veux absolument vivre ma première fois. »

Pourtant, il se rend chez le gars en question. Ils jouent d’abord aux jeux vidéo, puis font de la musique. «C’était un beau moment», se souvient-il. Mais je n’étais pas particulièrement à l’aise. […] Il y avait des choses non dites. Clairement, il avait une intention… » Mais ils n’en parlent jamais explicitement, on comprend.

C’est au moment où ils s’assoient pour regarder un film que le mec commence à le caresser. Maxime comprend : « Il voulait une relation sexuelle. » Sauf qu’il ne sait pas trop quoi faire. Alors il « se laisse faire », poursuit-il, visiblement de plus en plus mal à l’aise. « Aucun geste n’est venu de ma part… » Le gars est entreprenant, un geste en entraîne un autre, « et il s’abandonne à la relation complète »…

Je lui dis que ça fait mal. Il me dit : « Tu es belle quand tu as mal », et il continue…

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Maxime, 22 ans

Il n’y a pas eu de « oui » enthousiaste, c’est le moins qu’on puisse dire. « Je ne sais pas si je me suis bien amusé, mais quand je suis arrivé là-bas, je ne me suis certainement pas amusé, et quand c’était fini, je me suis immédiatement habillé et je suis rentré chez moi. Je n’ai pas vraiment compris ce qui s’était passé… »

Comment se sent-il ? «Mauvais», répond Maxime sans hésiter. Peut-être un peu sale… »

En fait, ce n’est que plusieurs mois plus tard qu’il a compris. «C’était une agression sexuelle», réalise-t-il. Grâce à un livre que j’ai lu dans mon cours de français au cégep : Consentement by Valérie Springora. Cuckoo…”

Un soir, à coups d’alcool, il finit par se confier à ses amis. “Et nous avons juste pleuré ensemble…”

Maxime n’a plus jamais revu le gars en question. Mais il lui écrivit un an plus tard. «J’avais besoin fermeturecomme on dit en anglais […]. D’après sa perception, je devais savoir dans quoi je m’embarquais. […] Honnêtement, je pense que je n’en suis pas encore revenu… »

Pour preuve, l’année dernière, lors d’une date avec un autre gars, coincé sur un canapé, dans un scénario similaire, Maxime n’arrivait pas à contrôler ses tremblements. « Un peu comme si mon corps réagissait encore… »

Certes, il a également vécu de meilleures expériences depuis. Et surtout appris. Fini les coups d’un soir, « ça n’en vaut pas la peine ». Il explique également à ses connaissances ce qui lui est arrivé : « Ma première fois n’a pas été géniale. Je dois prendre mon temps, je n’aime pas être pressé… »

Non, ce n’est pas vraiment facile. “Même en ce moment, je pense que je suis tout rouge…” dit-il, rougissant devant la caméra.

Pour chaque personne, il faut que ça recommence, car à chaque fois, je ferme…

Maxime, 22 ans

Sauf que ça paye. Un été, Maxime a passé plusieurs mois avec le même gars. «Nous allions dateon passait nos journées ensemble, on faisait plein d’activités, se souvient-il. On a pris le temps, on s’est caressé, on s’est embrassé. Et puis j’ai réalisé qu’il n’y avait pas besoin de pénétration pour que ça soit agréable ! » Bref, il n’est pas nécessaire de « reproduire des schémas hétéronormatifs », dit-il.

S’il était à refaire, il se poserait cette question : “Es-tu celui qui a vraiment envie de se rencontrer, ou est-ce que tu te sens plutôt obligé de faire ça parce que c’est ce qu’on fait ?” »

Il le sait, Maxime a fait du chemin ici. D’ailleurs depuis qu’il est à l’étranger, il n’est plus sur les applis. Il se concentre sur ses études. Et surtout ses amis. Pourtant, il ne le cache pas. Il aimerait avoir une vraie, vraie relation. Mais pas à n’importe quel prix. « Si cela doit arriver, j’aimerais que cela se produise pour de vrai. Naturellement, conclut-il. Notre génération est trop au téléphone, dans tous les aspects de notre vie. J’aurais aimé que ce soit plus organique. C’est ce que je souhaite pour moi. » Nous aussi, osons-nous ajouter.

*Prénom fictif, pour protéger l’anonymat.

 
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