News Day FR

L’armée suisse renonce à l’élégance pour acheter des armes


Désormais, la tenue camouflée sera la seule que les recrues suisses devront emporter chez elles.

Keystone / Laurent Gillieron


Comme dans la plupart des pays occidentaux, le mot d’ordre des pouvoirs publics suisses est désormais d’économiser. Cette tendance touche même l’armée, malgré un budget global en augmentation. Cette cure d’austérité fait une victime : l’uniforme de sortie des troupes.

Ce contenu a été publié sur

18 janvier 2025 – 09h00

Les touristes qui se promènent en Suisse sont parfois surpris de voir des soldats en tenue de camouflage dans les trains ou dans les restaurants. Ce genre de scène risque de devenir encore plus fréquent, puisque l’armée suisse voit l’avenir presque exclusivement en tenue de combat.

En début d’année, on prend souvent de bonnes résolutions. Pour l’armée, il s’agit évidemment d’économiser de l’argent. C’est ainsi que mardi 7 janvier, un communiquéLien externe a annoncé que le Groupe Défense a décidé de ne plus distribuer d’uniformes de sortie à toutes les troupes.

«Pour des raisons économiques, l’uniforme de sortie de l’armée suisse ne sera désormais fourni qu’à des fins de représentation», précise le communiqué. Cette tenue sera distribuée à environ 1 500 personnes par an, contre environ 20 000 aujourd’hui. Ces « fins de représentations » concernent par exemple la musique militaire ou les ordres des officiers.

Produites en Asie et en Europe de l’Est, les tenues de sortie coûtent environ 330 francs pièce. Leur distribution à toutes les recrues génère des dépenses annuelles d’environ 5,2 millions de francs. « Si seulement les personnes qui assument les tâches de représentation étaient équipées, 55 millions pourraient être économisés d’ici 2035 », précise le communiqué.

La décision a été immédiatement mise en œuvre. Aucun uniforme de sortie n’a été distribué lors de l’école d’hiver des recrues, qui a débuté plus tôt cette semaine.

Fini les uniformes de sortie distribués à l’école des recrues, comme le montre le RTS Téléjournal du lundi 13 janvier :

Quant aux tenues de sortie actuellement en possession des militaires, elles doivent être restituées au plus tard à la fin de leur service militaire. Ils seront stockés pour une utilisation ultérieure ou détruits.

Le camouflage devenu omniprésent

Autrefois, un seul uniforme était généralement porté en toutes circonstances. Mais l’utilisation d’armes qui tirent plus loin, plus vite et avec plus de précision a eu une profonde influence sur l’évolution des uniformes.

La première évolution fut l’abandon des couleurs chatoyantes, qui permettaient de se reconnaître de loin. Il fallait désormais se montrer discret pour échapper aux tirs ennemis. Les uniformes sont ainsi devenus plus ternes, avec des teintes gris-vert, kaki, olive ou bleu horizon. L’armée suisse a emboîté le pas pendant la Première Guerre mondiale, passant du bleu foncé au gris-vert.

La Seconde Guerre mondiale provoque une autre évolution avec l’utilisation de plus en plus fréquente de vêtements de camouflage pour se fondre dans le terrain environnant. L’armée suisse se convertit à cette nouvelle mode avec l’adoption d’une première tenue camouflée en 1957.

Normalement, l’uniforme de camouflage est utilisé pour l’entrée en service et le service lui-même, tandis que l’uniforme de sortie est utilisé pour les périodes de congé et de détente.

-

Goûts et couleurs…

Mais en réalité, l’uniforme de sortie est de moins en moins utilisé, notamment dans le cadre des cours de répétition. L’idée de sa suppression était dans l’air depuis quelques temps déjà et la décision prise début janvier n’est pas une totale surprise.


Lequel trouvez-vous le plus élégant ?

armée suisse

Même attendu, cet abandon fait parler de lui dans un pays où une bonne partie de la population – masculine au moins – sert ou a un jour servi sous les drapeaux. Les avis exprimés sont contrastés. Dans les médias, plusieurs commentaires ne regrettent pas cette tenue jugée notamment « moche », « mal coupée » et « pas pratique ». D’autres commentaires ont en revanche un ton plus nostalgique et n’hésitent pas à plaisanter sur les « économies de fin de bougie ».

Les avis sont également partagés parmi les cadres de l’armée. “Je pense que c’est une bonne nouvelle”, a déclaré sur la RTS Guillaume Genoud, président des Sociétés militaires du canton de Genève. C’est de l’argent qui peut être utilisé pour des dépenses plus urgentes dans le contexte actuel de menace. Cette tenue était de moins en moins portée ; le soldat moyen sera heureux de s’en débarrasser.

Mais dans les discussions privées, le ton est parfois aussi plus critique. «C’est dommage, une tenue différente permet de déterminer immédiatement si un militaire est en permission ou en service», m’a par exemple expliqué un capitaine d’infanterie.

« Au profit de la défense »

D’une manière générale, le budget de l’armée est en augmentation. En septembre, le Parlement l’a augmenté de 4 milliards de francs pour la période 2025-2028, pour un total de 29,8 milliards. Cela permettra au budget militaire d’atteindre 1% du PIB d’ici 2030 et non d’ici 2035 comme prévu initialement.

Malgré ces fonds supplémentaires, l’armée souhaite faire des économies. Parallèlement à la suppression des uniformes de sortie, elle annonçait une économie de 210 millions de francs de frais de personnel – sans licenciements – d’ici 2030. Et en novembre, l’Armée de l’Air avait déjà indiquéLien externe réduire leurs engagements de démonstration, afin de contribuer aux mesures d’économies du Groupe DéfenseLien externe.

Un ensemble de mesures d’économies dans un contexte budgétaire en hausse peut paraître étrange. Mais cela s’explique par la situation sécuritaire en Europe. « Les moyens débloqués seront affectés à l’équipement de l’armée, renforçant ainsi les capacités de défense », explique le Groupe Défense dans son communiqué.

L’intention est louable, mais reste à savoir si l’argent est toujours bien investi. Par coïncidence, c’est également début janvier qu’une enquête du SRF a révélé que de nouveaux drones de reconnaissance achetés en Israël et qui devaient être mis en service en 2019 restaient cloués au sol en raison d’un défaut technique. Seuls quatre des six commandés ont été livrés et ils ne devraient être opérationnels qu’en 2029 au mieux.

Le problème du drone rapporté dans le RTS Téléjournal du 5 janvier :

Cet achat représente un montant de 300 millions de francs, soit l’équivalent de plus de 900 000 tenues de sortie.

Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 
-

Related News :