Gilbert Rozon n’aura pas le choix face à un article de loi qui vise à protéger les victimes d’agressions sexuelles. La juge Chantal Tremblay de la Cour supérieure a déterminé dans un jugement rendu jeudi que l’article contesté s’applique bel et bien à son procès civil.
La disposition législative qui était dans la mire de M. Rozon est l’article 2858.1 du Code civil du Québec (CCQ), entré en vigueur le 4 décembre, quelques jours seulement avant le début de son procès, dans lequel il est poursuivi. en dommages et intérêts de neuf femmes qui l’accusaient d’agression sexuelle.
L’article précise que certains éléments considérés comme des « mythes et préjugés » concernant les victimes de violences sexuelles et domestiques sont « présumés non pertinents » dans les procédures judiciaires.
Cela concerne par exemple tout fait lié au passé sexuel de la victime présumée, le fait qu’elle n’ait pas immédiatement porté plainte à la police ou encore qu’elle soit restée en contact avec son agresseur présumé : ces faits ne peuvent être utilisés contre la victime, notamment pour discréditer son témoignage et la fiabilité de ses propos. Les règles du procès garantissent que ce qui n’est pas pertinent ne peut pas être présenté comme preuve.
Toutefois, l’article 2858.1 ne constitue pas une interdiction totale : toute personne peut toujours les proposer au tribunal, mais il lui appartiendra de démontrer qu’elles sont nécessaires.
Avant ou après l’adoption de l’article, peu importe
M. Rozon a fait valoir, par l’intermédiaire de ses avocats, que l’article 2858.1 du CcQ ne s’applique pas à son procès, puisque les procédures des demandeurs ont été initiées avant son adoption. Selon le fondateur de Juste pour rire, c’est la loi en vigueur au moment des faits reprochés – des agressions sexuelles qui auraient eu lieu dans les années 1980 et 1990 – qui s’applique.
-De plus, il soutient que l’article 2858.1 du CcQ le pénalise en lui imposant un nouveau fardeau de la preuve et en portant atteinte à son droit de présenter une pleine défense.
Les demandeurs et le procureur général du Québec sont plutôt d’avis que cet article de loi s’applique au présent procès : de toute façon, tous ces éléments relatifs aux mythes et préjugés étaient déjà reconnus comme « non pertinents » par la jurisprudence, ont – ils se sont soumis. Et puis, 2858.1 ne fait que modifier la procédure à suivre et n’affecte pas les droits du défendeur.
La juge Tremblay était d’accord avec eux : l’article s’applique, écrit-elle.
M. Rozon peut désormais demander que cet article soit déclaré inconstitutionnel — il avait déjà annoncé que telle était son intention.
Le procès prend une pause de deux semaines et reprendra le 3 février.
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