En hiver, dans le Sundgau (Haut-Rhin), on joue du théâtre. Depuis plusieurs décennies, deux troupes se produisent à partir de la mi-janvier. C’est la dernière ligne droite, et malgré les nerfs à venir, un plaisir auquel aucun acteur ne renoncerait.
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Réunissez-vous entre amis, amusez-vous, restez ensemble, relevez de nouveaux défis et surmontez le trac. Les motivations des comédiens amateurs qui, année après année, montent des pièces en alsacien dans leur village, sont multiples. Et les heures qu’ils y consacrent, incalculables.
La Troupe de Théâtre de Burnhaupt-le-Haut prépare « Heilazer, Ruppaschisser un co. », une pièce d’Alphonse Glock, déjà donnée il y a quelques années à Scherwiller. La troupe du Théâtre Alsacien d’Helfrantzkirch vous invite à une croisière sur « S’Trauimschiff » (le bateau de rêve), une pièce du Sundgauvien Claude Hermann.
Les deux groupes y travaillent depuis des mois. Début janvier, quelques jours avant la première, il s’agit de peaufiner l’œuvre. Et le stress monte.
Dans la salle des fêtes, Carré Martin Studer, le décor est déjà planté. Peintures sur les murs, canapé et coin repas. « Cette fois, c’est une déco plus classiquereconnaît Fabienne Ramis, la présidente de la troupe. Parfois, c’est plus original. L’année dernière, nous avons joué dans un laboratoire… »
Mais le titre du morceau, un peu énigmatique, n’a rien de classique. « Antoine Heilazer (lézard) est un modeste employé dans une entreprise qui vend des « Luller » (tétines) importées de Chine, indique le résumé de l’intrigue. Son épouse Mireille, née Rupaschisser (pyrale des chenilles)rêve de créer une multinationale qui fabriquerait elle-même du « Luller » made in France.
Ajoutez à cela une histoire de pyjamas égarés, ainsi qu’une bonne dose d’autodérision de la part de quinquagénaires prêts à jouer les rôles post-teen, et les ingrédients sont là pour garantir une bonne dose de crampes à vos zygomatiques.
Depuis plusieurs années, la petite troupe de sept comédiens travaille sans metteur en scène. “On n’en a plus, et ça marche plutôt bien comme ça, estime Fabienne Ramis. Chacun donne son idée, et certains en ont même beaucoup… Pour commencer, on lit le livret deux ou trois fois, et c’est parti. Une tâche facilitée par le fait que, sauf cette année où la salle était en construction, ils ont accès à la scène dès le début des répétitions, en octobre, et peuvent immédiatement travailler sur les placements, entrées et sorties.
Seule particularité de la troupe : depuis des années, elle est composée d’une large majorité de femmes. Mais les deux hommes sont fidèles parmi les fidèles, présents depuis plus de 35 ans. Eric Schlienger, veste et nœud papillon, endosse avec délectation le rôle du fils à papa. “Mon père est directeur de banque et je connais une des filles de cette famille qui veut faire “Luller”, révèle-t-il. Je vais, je viens, je regarde… Mais je n’ai pas de rôle central, ceux-ci sont joués par des femmes.
Toutefois, Fabienne Ramis continue de recruter des femmes. Sylvie Schaeffer, la dernière arrivée, est un peu vexée car c’est la première année qu’elle joue. «Ça me met la pressionelle admet. Originaire du village, j’habitais ailleurs depuis 1976. Mais le premier jour de mon retour, Fabienne a frappé à ma porte : « Tu es de Burnhaupt, donc tu dois jouer. Sinon, nous ne pourrons pas monter la pièce ! Même si je lui ai dit que je n’avais jamais fait ça… On verra si je m’évanouis à la première.
Sabine Schlosser a rejoint la troupe il y a trois ans. “J’aime faire des bêtises dans la vie, explique-t-elle. Je les ai racontés à Fabienne, qui était ma coiffeuse. Et elle a insisté : « Il faut participer ! Il faut jouer ! » J’ai donc essayé, d’abord avec un petit rôle, et l’année suivante, avec un rôle plus important. Et là, je joue la fille de la famille, qui a 18 ans.
Durant cette dernière semaine, c’est le compte à rebours. Et comme c’est souvent le cas dans ces cas-là, « Les choses qui fonctionnaient toutes seules ne fonctionnent plus » déplore Fabienne Ramis. Mais elle reste philosophique : « Nous nous en sommes toujours sortis. Le trac nous stimule. Et puis le public nous stimulera.
“Heilazer, Ruppaschisser a co” sera joué
Samedi 18 janvier et samedi 25 janvier à 20h15, et dimanche 19 janvier à 14h30
au Carré Martin Studer, 28 rue Binnen à Burnhaupt-le-Haut.
Dans la salle polyvalente d’Helfrantzkirch, la scène a été transformée en pont d’un paquebot. Pour emmener les spectateurs naviguer sur la Méditerranée. Mais avec des passagers un peu surexcités, et un équipage aux petits soins, et prêt à en faire des tonnes, rien ne se passera comme prévu.
La douzaine d’acteurs s’en donnent à coeur joie. Parmi les doyennes, Marie-Rose Troendlé et Monique Runser, qui se présentent : « Nous sommes tous les deux du village, nous étions à l’école ensemble, nous faisions du théâtre ensemble, nous avons arrêté, et pendant vingt ans, nous avons recommencé. Ensemble.”
Leur motivation ? « Plongez-vous dans la vie de quelqu’un d’autre », pour Monique Runner. “C’est un petit virus dont on ne se débarrasse pas facilement, reconnaît son amie. Nous hérité de nos parents, eux aussi jouaient déjà.“
Il paraît qu’à Helfrantzkirch, le théâtre est souvent une affaire de famille, qui vous tient à coeur. C’est également le cas de Christelle Rapp, qui supervise la régie et la mise en scène, poste que son oncle exerçait avant elle. Et parallèlement, depuis 40 ans, elle monte aussi sur scène.
«J’ai commencé à 14 ansdit-elle. Un jour, on m’a demandé de jouer… Ben non, on ne m’a pas demandé, ils m’ont juste mis le texte dans les mains en disant : ‘Cette année, tu participes.’Avec le recul, elle se rend compte qu’il y avait quelque chose “paradoxal” dans cette injonction, car jusque-là, ses parents lui parlaient principalement en français. Mais malgré ce départ quelque peu forcé et forcé, elle ne s’est jamais arrêtée.
“Mon père jouait et mon oncle était le régisseur, donc je n’avais pas le choix, elle admet. Mais après, c’est devenu un plaisir, on s’est fait des amis dans l’association. Cela fait partie de ma vie et de chaque hiver. Et quand mon oncle est décédé il y a six ans, il a fallu que quelqu’un prenne la relève, sinon tout se serait arrêté.»
A chaque représentation, elle jongle entre la scène et « jouer le chef d’orchestre ». Parce que dans les coulisses. c’est toute la troupe qui assure la direction. « Tout le monde s’occupe un peu de la lumière et du son. Et c’est parfois un peu sportif. Pour chaque geste à réaliser, chaque bouton à tourner, chaque musique à déclencher, Christelle a listé les noms. “Mais nous restons ensemble, assure-t-elle. Tout le monde aide l’autre et ça marche. Et ses propres enfants, de jeunes adultes, participent également à l’aventure.
Aimé Schmitt, le bras droit de Christelle, l’aide à choisir les pièces et c’est lui qui les adapte si besoin. « C’est parfois un peu compliquéil admet. Nous sommes un groupe avec beaucoup d’acteurs et aucun d’entre eux ne veut abandonner le jeu. » Vous devez donc trouver les pièces en conséquence. «Nous avons déjà interprété des pièces venues d’Allemagne ou de Suisse», et si nécessaire, il les transcrit en alsacien sundgau.
L’autre objectif est de tout faire pour assurer la relève. « Nous nous efforçons d’attirer les jeunes, pour que nos racines ne se perdent pasconfides Aimé Schmitt. Parce qu’il n’y a rien de plus beau que notre dialecte alsacien.
Pour cela, Christelle Rapp a d’abord créé une petite troupe d’enfants, qui présentait en début de soirée un petit spectacle, des sketchs et des chansons. Mais depuis plusieurs années, les enfants et adolescents jouent dans la même pièce que les adultes. Et cette fois, bien sûr, ils endossent le rôle de mousses.
« Cette année, nous avons vraiment commencé à jouer. L’année dernière et il y a deux ans, nous n’étions que des figurantsdit Faustine vendredi. Mais depuis qu’on est petits, on est là, avec les adultes. – “Quand nous ne jouions pas, nous étions dans les coulisses” ajoute Camille, la plus jeune. La troupe, “C’est un peu notre deuxième famille, on les connaît depuis toujours” conclut Faustine. La famille, toujours.
Mais cette grande famille d’Alsaciens du Sundgau n’hésite pas à intégrer des membres venus de l’extérieur. Même si pour un non-dialectophone, la tâche peut être difficile. “Il manquait une personne pour jouer un rôle, et je ne pouvais pas refuser cette offrerigole Carole Carrey. Au début, je ne savais pas si c’était un défi ou un suicide.
Car non seulement elle a dû, comme les autres, mémoriser son texte, mais elle a aussi dû en intégrer le sens et, surtout, la prononciation. « J’ai dû travailler le à, le ù, le ì, toutes ces intonations qui ne sont pas du tout naturelles pour quelqu’un qui ne parle pas le dialecte, explique-t-elle. Christelle a fait les enregistrements pour moi, et j’ai passé beaucoup de temps avec les textes écrits et un iPod, et j’ai répété en cuisinant, en repassant, en me brossant les dents… Alors j’espère que les gens comprendront ce que je dis. Et que je ne coulerai pas le bateau de croisière.
Le spectacle S’Trauimschìff sera toujours joué à la salle polyvalente d’Helfrantzkirch, 1 rue Principale
Samedi 18, samedi 25, vendredi 31 janvier et samedi 1er février à 20h
Dimanche 19 janvier à 14h45 et dimanche 26 janvier à 14h15
réservation possible au 07 70 27 00 76
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