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Le Bocuse d’Or, les très politiques « Olympiades » de la cuisine : Actualités

Depuis 1987, le prestigieux concours du Bocuse d’Or est le terrain de jeu des meilleurs chefs du monde. Mais aussi un outil d’influence politique croissant pour des pays dont les gastronomies s’affinent, rivalisant avec l’hégémonie française.

Champs-Elysées, le 27 novembre, au Pavillon Ledoyen, restaurant du chef triplement étoilé Yannick Alléno. « Team » donne une réception pour remercier les donateurs qui ont financé la formation du candidat français Paul Marcon, fils du chef triplement étoilé Régis Marcon, pendant 15 mois.

Le Bocuse d’Or, “c’est l’élite”, “les JO de la cuisine”, s’enthousiasme Romuald Fassenet, meilleur ouvrier de France et président de “l’Equipe de France”, rencontré par l’AFP à cette occasion.

Les 26 et 27 janvier, pendant plus de cinq heures, les finalistes s’affronteront devant le public au Sirha, le Salon mondial de l’alimentation et de la gastronomie, à Lyon.

Le niveau de cette compétition marathon, créée par Paul Bocuse, ne cesse de monter. Pour concevoir leurs plats, les chefs travaillent avec des designers et des scientifiques.

Les Français détiennent, pour l’instant, le record de victoires. Mais ces dernières années, les pays nordiques, qui prônent une gastronomie plus minimaliste, adaptée aux enjeux écologiques, se taillent la part du lion.

– « Faites-le briller » –

“La France regardait son nombril” mais “les gens autour d’elle ont avancé”, estime Davy Tissot, Bocuse d’Or 2021.

Les pays scandinaves ont été les premiers à investir massivement dans la formation des jeunes pour remporter les épreuves. Le candidat danois, Sebastian Holberg Svendsgaard, dont le pays a remporté la dernière édition, a été assistant de deux précédents prétendants au Bocuse d’Or et membre des équipes juniors.

“Ils ont compris que la gastronomie était un vrai sujet” pour “faire briller” leur pays “autrement qu’à travers les fjords et les aurores boréales”, poursuit M. Tissot.

Dans les années 1990, les candidats français « s’entraînaient la nuit », murmure-t-il.

Et jusqu’en 2019, lorsque Romuald Fassenet reprend « l’Equipe de France », « il n’y avait même pas de planche (à découper), pas de recette », raconte ce dernier.

“Aujourd’hui, on a les moyens” et “la sécurité sociale pour l’employé”, se félicite-t-il. Six cent mille euros de financements privés et de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont été mobilisés pour consacrer Paul Marcon et son équipe à plein temps à la préparation des épreuves dont les produits demandés sont le chevreuil, le foie gras, le thé, le céleri, etc.

Une « Clairefontaine de la gastronomie » (du nom du centre espoirs dédié au football), centre dédié à la formation des professionnels français de l’alimentation aux compétitions internationales, a été initiée en 2022 et sera officiellement inaugurée mercredi.

– « French Bashing » –

Un sujet pris au sérieux au sommet de l’Etat. Emmanuel Macron a été le premier chef d’Etat à assister au concours, en 2021, et suivra encore “de très près” la finale, selon Guillaume Gomez, ancien chef des cuisines de l’Elysée et représentant personnel du président en matière de gastronomie.

« La France pratique la gastrodiplomatie à travers ce concours », explique Vincent Marcilhac, maître de conférences en géographie alimentaire à l’université de Cergy Paris. Un néologisme qui représente les efforts des pays pour promouvoir leur cuisine, outil de « soft power » touristique (diplomatie d’influence).

Opérations dans les ambassades, « plan haute gastronomie »… La France met tout en œuvre pour contrer un « French Bashing » sur un prétendu déclin de la cuisine française, né en 2003 dans le contexte de l’opposition de Paris à la guerre en Irak, pour ​« affaiblir son soft power international », selon M. Marcilhac.

« La Tour Eiffel ou les châteaux de la Loire sont très beaux. Mais est-ce plus beau que les pyramides d’Egypte ? demande Guillaume Gomez.

“Ce qui fait la différence, c’est le camembert, le champagne, le vin rouge, le macaron, le croissant.”

Car dans la première destination touristique mondiale, la restauration n’est pas seulement le symbole d’un art de vivre mais un secteur économique qui représente 35,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

La France dans la gastronomie, “c’est comme le Brésil dans le football, on veut le battre”, ose Romuald Fassenet, qui souligne que les cuisines françaises forment beaucoup de chefs étrangers.

“Aujourd’hui, nous ne restons pas assis sur nos lauriers.”

 
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