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Le miroir d’eau centenaire de l’ancien jardin de l’atelier d’Ernest-Cormier retrouvé intact

Le miroir d’eau de l’ancien jardin de l’atelier Ernest-Cormier, où les muses de l’architecte montréalais dansaient le charleston à l’abri des regards, a été retrouvé intact à une quarantaine de centimètres sous la surface du sol. La structure rectangulaire en béton, remblayée au milieu des années 1940, pourrait bientôt reprendre du service, a-t-on appris. Devoir.

«La piscine est en très bon état», explique le propriétaire du studio Ernest-Cormier, Luc Lachapelle. C’est tellement triste que ce soit underground, il faut le montrer ! » L’entrepreneur en construction souhaite recréer le jardin luxuriant créé en 1923 autour du bassin réfléchissant qui ornait la façade de l’immeuble de briques rouges de la rue Saint-Urbain.

Les fouilles archéologiques réalisées il y a un peu plus d’un an dans la zone de protection de ce monument classé ont permis de mettre au jour des pans entiers du bassin au fond duquel a été retrouvée la base massive qui servait autrefois de base à une fontaine. inséré sous la sculpture d’un homme accroupi. «On va l’utiliser pour exposer des œuvres contemporaines ou pas», précise Luc Lachapelle.

Le bassin réfléchissant sur lequel Cormier faisait naviguer son voilier miniature restera sec, prévient l’entrepreneur qui a acquis le studio à trois étages pour un peu moins d’un million de dollars en 2016. « Cela ressemblera à une partie de pétanque, dit-il. Nous allons récupérer la structure en béton et les pierres qui l’entourent. »

Un mur végétal doit assurer l’intimité de la version 2.0 de cet écrin de verdure inspiré des jardins parisiens modernes fréquentés par Cormier lors de son séjour en Europe entre 1907 et 1918. « On ne reconstruira pas la palissade, car ce serait le festival des graffitis sur Rue Saint-Urbain», explique l’amateur d’art, qui attend un permis de la Ville de Montréal pour avancer.

À l’exception du bassin, les fouilles effectuées il y a un peu plus d’un an à l’angle des rues Saint-Urbain et Milton n’ont révélé aucun élément associé à la période d’occupation des lieux par Cormier entre 1923 et 1935. Le même C’est le cas des plantes du jardin disparu, dont le sol était contaminé par des mauvaises herbes, comme l’indiquent les analyses archéobotaniques consultées par Devoir.

Éros

Le jardin Cormier était autrefois entouré d’une imposante clôture de trois mètres de haut, sur laquelle étaient accrochés des bas-reliefs en plâtre représentant notamment Eros, le dieu de l’amour. Ce mur d’intimité permet à l’architecte d’une quarantaine d’années de vivre en plein air sa relation ambiguë avec ses muses Clorinthe et Cécile Perron.

« Cormier a construit son atelier un peu comme une garçonnière », explique le professeur Aliki Economides, de l’École d’architecture de l’Université Laurentienne. Il pourrait y mener sa vie intime et sa vie créative. En témoignent les centaines de photos des sœurs Perron prises par Cormier entre les deux guerres. « Il s’est comporté en réalisateur pour ces photos », constate la spécialiste, qui a consacré sa thèse à l’architecte.

L’atmosphère détendue du jardin a été immortalisée en 1926 sur un film familial conservé à la Cinémathèque. On y voit les muses de Cormier pratiquer le charleston, une danse alors considérée comme immorale, voire dangereuse, car elle pouvait entraîner des problèmes cardiaques et une « lassitude d’esprit ».

Le jardin clôturé de la rue Saint-Urbain illustre la segmentation des espaces souhaitée par l’architecte soucieux de son image. « Clrinthe Perron était issue du milieu populaire et elle posait nue comme modèle pour les artistes », se souvient Aliki Economides. Pour Cormier, il n’était pas possible d’avoir une relation ouverte avec elle. »

L’architecte bourgeois menant une vie de bohème poussera à l’extrême sa logique de segmentation sociale dans sa prochaine maison de l’avenue des Pins, dans laquelle Clorinthe sera longtemps reléguée dans les espaces privés périphériques. Cormier finit par épouser sa complice en 1976, de mauvaise humeur, quatre ans seulement avant sa mort.

Notoriété

Ernest Cormier est surtout connu pour ses édifices judiciaires, comme la Cour d’appel du Québec (1926) à Montréal, qui porte aujourd’hui son nom, et la Cour suprême du Canada (1940), à Ottawa. On lui doit également le pavillon principal de l’Université de Montréal (1943), reconnaissable à sa tour Art Déco.

La réputation de l’architecte au nœud papillon atteint son apogée à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Il est alors choisi pour représenter le Canada au sein du comité d’architectes chargé de concevoir le siège des Nations Unies à New York, aux côtés du Français Le Corbusier et du Brésilien Niemeyer. « Il était à la fois local et cosmopolite car il avait étudié à Paris », souligne Aliki Economides.

Cet épisode new-yorkais est le chant du cygne de l’architecte boudé par l’Union nationale de Maurice Duplessis, revenu au pouvoir en 1944. Le grand séminaire de l’Université Laval achevé en 1969 sera le dernier grand projet de Cormier. « Ce n’est pas une grande réussite », observe Aliki Economides en repensant à ce bâtiment labyrinthique qui abrite aujourd’hui la succursale de BAnQ à Québec. Cela ressemble à un mélange entre Art Déco et Gotham City Batman. Cormier avait perdu sa touche magique. Il était originaire du Vieux », conclut le spécialiste.

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