Quel arachnide l’a mordu ? A 66 ans, confortablement installé au fauteuil de la Caisse des Dépôts, Éric Lombard a décidé de s’asseoir sur le siège éjectable du ministère de l’Économie. Son prédécesseur, Antoine Armand, n’est resté en fonction que trois mois, emporté par la censure du gouvernement de Michel Barnier. Une menace qui plane une nouvelle fois sur l’équipe de François Bayrou, plus pressée que jamais de faire adopter le budget 2025.
Pour autant, le nouveau patron de Bercy « aborde cela avec une grande sérénité ». Comme il l’a confié au Point, il se voit « un peu comme l’homme-araignée » de la célèbre bande dessinée américaine, dont il revendique le mantra : « Un grand pouvoir s’accompagne de grandes responsabilités ».
Dans son nouveau costume, Éric Lombard tente déjà de faire preuve de souplesse. Selon le sénateur PS Patrice Kanner, il a redonné espoir, avec sa ministre du Budget, Amélie de Montchalin, aux socialistes qui ont reçu lundi 6 janvier « une proposition de modification », voire « d’évolution de la réforme des retraites ». Manière d’instaurer d’emblée le « dialogue fructueux » qu’il souhaite approfondir « avec les partis de gauche » plutôt qu’avec le Rassemblement national, au risque d’ouvrir un front avec Marine Le Pen, qui y voit un « très mauvais signal ». .»
« Toujours rocardien »
Le requérant avait pourtant prévenu, dès sa prise de fonction fin décembre : « Je porterai mes convictions, n’en doutez pas ». Et de citer, en tête de ses priorités, « l’urgence sociale » avant celle du déficit et de la dette.
Car sous le masque du financier, ancien directeur de BNP Paribas et de Generali, l’homme a, dit-on, gardé son cœur à gauche. « Rocardien un jour, rocardien toujours », affirme son ami de longue date, l’ancien président de la Fédération de l’assurance Bernard Spitz, rencontré sur les bancs des classes préparatoires aux grandes écoles, avant qu’Éric Lombard n’opte pour HEC.
« Il n’a pas rejoint l’Ena mais il s’est toujours intéressé aux affaires publiques », ajoute ce fidèle, travaillant alors dans des cabinets ministériels, au tournant des années 1980 et 1990, puis au sein des Gracques, un groupe de hauts responsables sociolibéraux. serviteurs fondé en 2007 dans l’espoir – non réalisé – d’une alliance Royal-Bayrou.
Dans ce cercle gravite, à l’époque, le jeune inspecteur des finances Emmanuel Macron, qui s’alliera, dix ans plus tard, avec François Bayrou, avant de nommer Éric Lombard à la Caisse des Dépôts.
Pour autant, le grand financier “n’est pas prisonnier d’une posture politique”, ce qui fait de lui, aux yeux de Bernard Spitz, “le mieux placé” pour “trouver le chemin du compromis économique et politique”.
C’est quelqu’un de profondément politique mais ce n’est pas un politicien
“Un ami dans la vie”, pour Olivier Faure
A tout le moins, cela pourrait “permettre au gouvernement de gagner du temps”, en “entendant une musique un peu différente de la dérive droitière du macronisme”, veut croire l’ancien député Renaissance Gilles Le Gendre. Du chef d’entreprise Lombard, connu au sein de Generali, il retient, par ailleurs, une « volonté assez obsessionnelle de mettre ses convictions, plutôt de gauche, au service de ses actions ».
“Eric est un vrai gars de gauche”, qui “aime la politique” et “sait négocier”, renchérit l’ancien ministre macroniste Olivier Dussopt, lui aussi issu des rangs socialistes et qui se revendique son ami.
Il n’est pas le seul : le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, a été contraint de reconnaître que le nouveau ministre de l’Economie était « un homme de gauche » et « un ami dans la vie ».
Avec un tel soutien, Éric Lombard aurait pu franchir le Rubicon plus tôt. “Son nom a été évoqué à certains moments”, notamment pour le gouvernement Barnier mais “il n’a pas voulu entrer dans une configuration qui lui semblait être aux mains du RN”, relate l’ancien ministre socialiste Michel Sapin, qui était recruté comme conseiller au début des années 1990.
« Aujourd’hui, il est convaincu que ça peut être différent. Il mise sur l’optimisme », poursuit cet autre Rocardien, qui note cependant qu’Éric Lombard « est quelqu’un de profondément politique mais ce n’est pas un homme politique ». Ni un surhomme.
Related News :