L’électricité à tout âge –
Le rock est mort, preuve en trois
Trois générations de rockers britanniques sortent de nouveaux albums : Ringo Starr, Franz Ferdinand et les Lambrini Girls.
Publié aujourd’hui à 10h23
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- Ringo Starr persiste avec un album country, « Look Up », produit par T-Bone Burnett.
- Franz Ferdinand lance « The Human Fear », accentuant sa signature sonore.
- Les Lambrini Girls sortent « Who Let The Dogs Out », un projet punk très énergique.
- Le rock, bien que marginalisé, continue d’être redécouvert et apprécié.
L’abbaye de Westminster n’a pas encore officiellement sonné le glas du rock britannique, ni même du rock lui-même, même si les insulaires ont (presque) toujours mieux craché de l’électricité que leurs homologues américains… Personne ne veut l’admettre – surtout les derniers fans – mais le rock s’est transformé au cours du dernier quart de siècle en musique pour nostalgiques et mélange la même demi-douzaine de recettes et de références pour animer un cadavre qui bouge encore parfois de manière convaincante.
Une esthétique des morts-vivants, voire des zombies, donc. Le rock ne prend cependant pas le pas sur la « hantologie » théorisée par Mark Fisher et Simon Reynolds. Les fantômes redondants du passé insufflent d’autres musiques, d’autres formes artistiques, à commencer par le cinéma qui utilise à la limite les mêmes formules, du moins lorsqu’il s’agit de monopoliser l’attention du grand public.
De son côté, le rock peut tout répéter d’un coup à volonté ses versions ultra-ploucs destinées à accompagner la consommation de bière de ses aficionados les plus rudes, ou bien à reprendre ses formes les plus perversement arty comme on aime reconstituer une pièce de Shakespeare. Une sorte de tribalisme ou d’approche patrimoniale, en somme.
Amusez-vous librement
Pourquoi pas, au fond ? Il faut s’amuser librement même si on ne voit pas le rock apparaître dans le top 10 des artistes les plus acclamés ou consommés de 2024. A l’ère de Taylor Swift, The Weeknd, Bad Bunny et Drake, le rock revient au nid comme un bon chien que l’on aime promener lors d’un moment festif, quand on est en colère ou quand on est content. Tout comme une rave, en 2025, vaut plus pour la quantité de drogues qui y sont ingérées que pour les épiphanies sonores qui s’y produisent.
“Restez sous terre”, a enjoint NTM et ce retour aux marges vaut peut-être mieux qu’un enterrement de première classe. Le rock pourrait s’envelopper dans cette singularité retrouvée. Mais il ne veut pas… Trois exemples de survivalisme britannique plutôt bien réalisé avec trois sorties d’album le même jour, ce vendredi 10 janvier.
Ringo Starr, «Lève les yeux»
Sous les lunettes noires qu’il arbore sur la pochette de son nouvel album – une vingtaine en solo, déjà – on ne sait trop où se situe le regard de Ringo Starr, un ex-Beatle de 84 ans au look de shérif, va. Selon le titre de sa prestation, « Look Up », il contemple le ciel où l’attendent déjà deux de ses anciens collègues. Mais à l’écoute de ce recueil de 11 titres produits et presque tous écrits par T-Bone Burnett, il devient clair que le vétéran mange sa musique par les racines, à savoir la country. Fleuri dans les cachots, le genre anobli par la sommité Johnny Cash est devenu le standard de la classe pour les vieux rockers et Ringo Starr y excelle depuis au moins ses « Beaucoups of Blues » de 1970. Aussi parfaitement rythmé qu’une ballade sur un vieux mule, cet enregistrement qui ne renouvelle rien pour le plus grand plaisir de ceux qui croient que tout était mieux avant a néanmoins embauché la puérile Molly Tuttle, une chanteuse de près de 32 ans.
«Look Up», Ringo Starr, Universal Music
Franz Ferdinand, « La peur humaine »
Vingt ans après leur premier album, le groupe écossais récidive avec un 7e pour la route « La peur humaine ». Fouettant toujours ses rythmes avec autant d’assiduité, Franz Ferdinand bénéficie également de la voix de son chanteur, Alex Kapranos qui maîtrise la dramaturgie de ses refrains avec une grandiloquence maîtrisée. Issu d’un des derniers booms du rock – le début des années 2000, déjà marqué par la citation – le groupe de Glasgow fait partie de ceux qui ont trouvé leur propre veine même s’ils sont un peu obligés de réitérer leur marque d’usine. L’album réalisé avec les Sparks, « FFS » en 2015, a laissé des traces et l’électronique reste encore une tentation (le titre « Hooked ») pour ces héritiers des Talking Heads capables d’évoquer les Kinks. En concert à Zurich21 février.
«La peur humaine», Franz Ferdinand, Domino Records
Lambrini Girls, «Qui a laissé sortir les chiens»
Les festivaliers de La Cité ont déjà pu mesurer la pugnacité des Lambrini Girls en 2023. Le duo originaire de Brighton, formé de la chanteuse-guitariste Phoebe Lunny et de la bassiste Lilly Macieira, ne manque pas de dynamisme pour servir sa férocité punk à un rythme épileptique. . Adoubé à ses débuts par Iggy Pop, le duo riot grrrl qui ouvre ses concerts en demandant aux gays de se manifester sort un disque qui rend hommage à leur blitzkrieg queer et féministe avec des titres comme « Big Dick Energy » ou « Filty Rich Nepo Baby ». « Who Let The Dogs Out » exige que cet album soit ajusté comme un coup de matraque de la part de Bobby ? Les chiens sont de sortie avec leurs colliers cloutés. Mais cet album, aussi pointu et jouissif soit-il, marche sur le terrain là où d’autres ont déjà levé la patte depuis longtemps. Un album excité comme un punk sur le speed des années 1980. En concert à Genève lors Antigel28 février.
«Qui a laissé sortir les chiens», Lambrini Girls, argot de la ville
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