Il aurait eu 100 ans en 2025. Cent années pleines de créativité inassouvie dont il laissera une marque indélébile sur le patrimoine culturel libanais. Mansour Rahbani, poète, philosophe, compositeur et producteur, aura, à travers son art, embrassé la cause des opprimés, des laissés-pour-compte et aurait encore beaucoup de travail à faire. L’homme était visionnaire. Le poète multidisciplinaire. Avec son frère Assi, il a façonné le théâtre et la musique de la belle époque, mais aussi celui des conflits et tensions extrêmes dans une région qui peine à trouver un répit. Sur une initiative personnelle où le grand absent reste l’État, ses 3 fils, Oussama, Ghady et Marwan, accompagnés d’Henri Zogheib, poète et directeur du Centre du patrimoine libanais à l’Université LAU – qui était très proche de Mansour –, ont organisé toute une cycle d’activités à l’occasion du centenaire de sa naissance.
Les frères Rahbani, Assi et Mansour, avec Feyrouz au retour d’une tournée aux Etats-Unis en 1971. Photo de famille Mansour Rahbani
Mansour Rahbani, le visionnaire de la scène et de la musique orientales
Mansour Rahbani est né le 17 mars 1925 à Antélias, environ 12 mois après la naissance de son frère aîné Assi. Tous deux ont grandi comme de vrais jumeaux et ont noué des liens indestructibles au sein d’une famille de 6 enfants, originaires d’un village du Nord, Rahbé, d’où le nom Rahbani. Le père Hanna Assi el-Rahbani possédait des restaurants et les 2 anciens l’aidaient en servant. Il leur avait aménagé un grenier où ils dormaient et écoutait leur père jouer les chansons de Sayed Darwich et Abdelwahab sur son bouzouk, après le départ des clients. Une enfance entre musique et scènes de la vie quotidienne qui « nourrira leur inspiration pour la plupart de leurs œuvres », dit Henri Zogheib. Le père décède la veille de Noël 1944, laissant Assi et Mansour pratiquement responsables du ménage, qui sont alors contraints de travailler. Mansour rejoint la police de Beyrouth. « Au lieu d’écrire des rapports, Mansour, beau mec et coureur à l’époque, écrivait des poèmes qu’il déclamait aux jeunes filles qu’il courtisait », s’amuse Henri Zogheib. Vers 1945, le club Antélias est créé, et le duo Rahbani y joue ses pièces. Un soir, un cadre de Radio Liban, Nicolas Abourousse, découvre le talent d’écriture des deux frères et décide de les faire passer à la radio. Petit bémol : Mansour est déjà employé de la fonction publique. Il a démissionné de la police pour rejoindre son frère Assi au sein de l’institution. C’est également là qu’Assi rencontrera Nouhad Haddad (Feyrouz). A partir de là, ils apposent la signature des Rahbani Brothers sur leurs œuvres et imposent un nouveau thème rythmique qui suscite la polémique. Leurs créations, ancrées dans les traditions musicales maronites, byzantines et folkloriques, dialoguent avec la musique classique occidentale. Ils reflètent les aspirations et les luttes de la société arabe.
Les frères Rahbani, Assi et Mansour, avec Feyrouz au retour d’une tournée aux Etats-Unis en 1971, dans le salon VIP de l’aéroport de Beyrouth. Photo de famille de Mansour Rahbani
En 1957, le président Camille Chamoun leur confie l’inauguration du Festival de Baalbeck qui sera la pierre angulaire de l’éclat d’une carrière qui sera toujours l’affaire de deux jusqu’à la mort d’Assi, le 21 juin 1986. Mansour poursuivra une carrière dans en solo et signera 11 œuvres dont la première est Page 840 qu’il dédia à son frère Assi, 5 recueils de poésie, chansons et séries télévisées. « Le génie de Mansour, c’est sa dimension de grand poète et son esprit novateur », souligne Henri Zogheib.
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« Mansour le père était très affectueux, mais il avait les pieds sur terre et savait garder la distance nécessaire à l’autorité parentale », précise son fils Ghady qui ajoute qu’il était intransigeant et très strict lorsqu’il s’agissait de donner le meilleur de soi-même. travail. « Avec lui, rien n’était acquis. Jusqu’à son dernier souffle, il n’y avait pas de place pour la médiocrité, il fallait toujours faire mieux, viser la perfection, mais nous étions très proches. C’était un homme qui connaissait tous les sujets et qui fréquentait toutes les catégories et tous les âges», raconte Ghady, qui confie que la leçon la plus importante que son père lui a inculquée est l’humilité.
Un héritage qui perdure
Les poèmes, les pièces de théâtre et la musique de Mansour Rahbani, enseignés dans les universités les plus prestigieuses comme Harvard ou la Sorbonne, continuent d’inspirer les nouvelles générations. Avec sa création finale, Le retour du Phénixil a confirmé sa place en tant qu’esprit d’avant-garde qui a façonné l’identité culturelle arabe et rappelé au monde que l’art est une arme puissante pour transcender les frontières. Disparu le 13 janvier 2009, Mansour Rahbani restera une référence de la culture arabe. Abdelwahab a d’ailleurs décrit son talent comme une révolution dans la musique orientale. Une myriade d’activités sont prévues en 2025 pour rendre hommage à son patrimoine culturel. Neuf d’entre eux sont déjà confirmés et d’autres devraient suivre :
1. Une conférence en deux séances l’après-midi du samedi 25 janvier au Salon littéraire de l’Institut Philokalia d’Aintoura, avec les interventions de Sœur Marana Saad, du journaliste Rafiq Khoury, du poète Suheil Matar, du Père Youhanna Geha et de l’artiste Ghassan Saliba.
2. Une conférence de deux séances au Centre du patrimoine libanais de l’Université libanaise américaine (LAU) dans l’après-midi du lundi 17 mars 2025, avec des interventions du Dr Philip Salem (de Houston), de la journaliste Warda Zamel, du père Dr Badi’ al- Hajj, le poète Abdul Ghani Taliss et le Dr Naji Kozaily.
-3. sélection de plusieurs pièces filmées de Mansour et leur projection dans divers centres culturels, notamment à Tripoli (Centre al-Safadi), Beyrouth (Centre culturel français), Zahlé (Palais municipal), Ajaltoun (Centre culturel municipal), ainsi que dans d’autres centres culturels à travers le Liban.
4. La réédition des cinq recueils de poésie de Mansour : Je suis l’autre étranger, j’erre solitaire en souverain, Les Châteaux d’Eau, Le Marin d’Hiver, et Les premiers poèmespublié aux éditions Sair al-Machreq.
5. La création d’une page spéciale sur la chaîne « YouTube Mansour Rahbani », pour suivre l’évolution des programmes et annoncer ceux à venir durant l’année du centenaire.
6. Le lancement d’un oratorio symphonique avec chant choral et solo, composé musicalement par Oussama Rahbani, d’après les poèmes de Mansour de son recueil J’erre solitaire en souverainavec la sortie de l’oratorio sur CD.
7. La préparation d’une série d’épisodes télévisés sur les chaînes libanaises et arabes concernant Mansour et ses œuvres.
8. Le ministère de l’Éducation publiera une circulaire demandant aux écoles publiques de participer aux programmes sur les frères Rahbani et Mansour.
9. Une table ronde spéciale dans le cadre des activités du Salon du livre libanais (mars 2025) organisé par le mouvement culturel à Antélias.
Il aurait eu 100 ans en 2025. Cent années pleines de créativité inassouvie dont il laissera une marque indélébile sur le patrimoine culturel libanais. Mansour Rahbani, poète, philosophe, compositeur et producteur, aura, à travers son art, embrassé la cause des opprimés, des laissés-pour-compte et aurait encore beaucoup de travail à faire. L’homme était visionnaire. LE…
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