à Nice, une immersion dans les monochromes d’Yves Klein et les gouaches d’Henri Matisse

Nice (Alpes-Maritimes), envoyé spécial.

D’emblée, la proposition est jolie : « le pouvoir écrasant de la couleur ». La promesse d’une immersion totale dans un bain de lumière, une plongée sans repères dans le monde du pigment, une entrée dans un monde habituellement difficile à toucher. Une proposition d’accrochage – comme indiqué – d’Hélène Guenin, directrice du Musée d’art moderne et contemporain (Mamac), et d’Aymeric Jeudy, directeur du musée Matisse. Deux lieux niçois qui se combinent intelligemment.

Avec Henri Matisse (1869-1954) et Yves Klein (1928-1962), il n’était pas nécessaire de trop longtemps chercher des affinités. Quand il commence sa vaste composition murale Danse (1930-1933), commande d’Albert Barnes, le maître du fauvisme se retrouve confronté à une dimension nouvelle, celle de l’immensité, de l’absence de limites.

Pour éviter de se noyer, il a cet éblouissement génial : découper des formes dans des aplats de couleur. Bien plus tard, allongé sur les galets (durs) de la plage niçoise, contemplant le ciel bleu clair et parfait, sans un nuage, Yves Klein se met à rêver sans honte : « Je signe mon nom au dos du ciel, je passe de l’autre côté du ciel. »

Du côté de la sculpture et des œuvres anciennes

Nous sommes prêts à traverser le miroir et à observer les cinq stations de l’exposition, dont la première est « Ciel primitif, architecture moderne ». Tel un Klein-d’oeil de Matisse, il réalise les reliefs en éponge (1958-1959) pour l’Opéra de Gelsenkirchen. L’outil devient matériel. Plus il avance, plus ses œuvres entreront en résonance avec celles de la dernière période matissienne.

Nous sommes « Au-delà du motif », deuxième étape du voyage. Les monochromes de Klein frappent à la porte des éléments découpés en papier gouache non utilisés dans ses œuvres de Matisse, patchwork tel un rébus inintelligible. LE Monochrome bleu sans titre (IKB Godet) de 1958, éblouit. LE Triptyque de Krefeld (1961), bleu, rose et or, captive.

Nous voici dans la rubrique « Modernisme et tradition ». Klein explique : « Jamais, grâce à la ligne, nous n’avons pu créer une quatrième, une cinquième ou toute autre dimension dans la peinture ; seule la couleur peut tenter de réaliser cet exploit. » Mais, comme Matisse, il s’intéressera à la sculpture et aux œuvres anciennes. Il retrouve également la trace de l’esclave mourant par Michel-Ange. Anthropométrie sans titre (ANT 84)1960, où les modèles se transforment en « pinceaux vivants », remet en cause le Pas bleu IV (1952), exceptionnellement visible.

Là, le vide du blanc participe à l’unité générale. Bien sûr, les « Enchantements du Ciel et de la Mer » arrivent. Klein avec un Sculpture en éponge sans titre (SE 90)1959, prêt à rejoindre la tapisserie de laine de Matisse Polynésie, la mer (1946), hymne à la liberté.

Enfin, pour terminer, un passage par « Vence, une conquête moderne ». LE Vitrail, étude pour l’Arbre de Vie, chapelle de Vence (1950) – cactus bleus aux feuilles jaunes, qui semblent flotter dans un liquide aux allures amniotiques – appelle à la Monochrome jaune (M56)1954-1955, parallélépipède monobloc. Promesse tenue. Nous voilà submergés, pris dans un tourbillon de couleurs devenues formes.

« Le pouvoir écrasant de la couleur », jusqu’au 14 avril, au Mamac, Nice. Rens. : mamac-nice.org