Romy mène une vie fabuleuse. Agée d’une délicieuse cinquantaine d’années, elle est fondatrice d’une entreprise florissante et est mariée à un célèbre réalisateur, avec qui elle a eu deux adorables filles. Cependant, lorsque Samuel, un jeune stagiaire, lui tient tête dans le bureau, Romy ressent une excitation qui la perturbe. Entre le patron et l’employé, commence bientôt une liaison sadomasochiste où Romy, en risquant tout, se libère paradoxalement des carcans de la perfection auxquels elle s’attache dans toutes les sphères de sa vie. Thriller érotique doté non seulement d’audace, mais aussi d’un but, Petite fille (VF), de la scénariste-réalisatrice Halina Reijn, voit Nicole Kidman livrer une performance à fleur de peau.
Entouré d’une aura sulfureuse, le thriller érotique est un genre volontiers discrédité : vulgaire, pas sérieux, bref, frivole. Acclamé par la critique lors de sa première à la Mostra de Venise, où Nicole Kidman a remporté le prix de la meilleure actrice, Petite fille Il est intéressant de noter que ce n’est pas toujours associé à ce genre, selon les publications. Comme si un film d’auteur respectable, ici d’un auteur, ne pouvait appartenir à ce genre insolite.
Pourtant, Halina Reijn le revendique sans honte. Et c’est aussi l’un des thèmes de son film, qui explore les fantasmes muets d’une héroïne conditionnée à les réprimer, comme l’ont été historiquement les femmes. Oui, affirme le film, une femme peut avoir du plaisir en demandant (et en maintenant ainsi son libre arbitre) d’être dominée pendant les rapports sexuels. jeux sadomasochistes. Et oui, une réalisatrice peut tourner un véritable thriller érotique sans rougir, ce qui est traditionnellement réservé aux hommes : voir Chaleur corporelle (Fièvre dans le corps), de Lawrence Kasdan, Attraction fatale (Affaire fatale), d’Adrian Lyne, Instinct de base et Ellede Paul Verhoeven, La dernière séduction (La dernière séduction), John Dahl, etc.
La vision que propose Halina Reijn, décomplexée comme Romy se permet de l’être, se démarque de toutes ses prédécesseurs, certains redoutables, mais là n’est pas la question.
Regard et subversion
D’un côté, la perspective adoptée par le cinéaste n’est pas la même, et de l’autre, Reijn bouleverse les clichés associés au genre. Un genre, pour mémoire, héritier du film noir, où le protagoniste est la plupart du temps un homme manipulé par une femme fatale qui le mènera éventuellement à sa chute après l’orgasme. Le suspense qui se déroule dans un thriller érotique repose sur cette dynamique culpabilisante : le plaisir sexuel égale le danger.
Comme la pionnière Jane Campion dans le secteur sous-évalué Dans la coupe (Brut), à partir de 2003, Halina Reijn reprend cette même dynamique génératrice de tensions, mais l’utilise finalement à des fins libératrices pour son protagoniste, dans une inversion du modèle établi.
Il en va de même pour la figure de la femme fatale, qui s’efface au profit d’un « homme fatal », Samuel (Harris Dickinson), par qui arrivent le « plaisir sexuel » et le « danger ». Est-il bien intentionné ou pas ? L’ambiguïté est aussi source de suspense.
Et évidemment, il y a le fait que nous sommes en présence d’un protagoniste et non d’un protagoniste. La femme n’est plus « fatale », ni objet, mais sujette (même dans l’excellent ElleIsabelle Huppert incarne une variante de la femme fatale, les motivations profondes de son personnage étant présentées comme ambiguës). Sans être un cauchemar, la vie apparemment rêvée de Romy est remplie de frustrations : manque de sexualité satisfaisante avec son partenaire (Antonio Banderas), charge mentale liée à la famille, responsabilité de projeter une image plus qu’impeccable de femme chef d’entreprise… Un carcan de perfection. , Oui.
Certes, les moyens qu’utilise Romy pour se libérer sont parfois éthiquement ou moralement discutables, et Halina Reijn expose avec lucidité ces glissements. Cependant, la cinéaste refuse de juger ses personnages, laissant cette tâche au public. Ce qui l’intéresse, comme elle nous l’a confié dans une interview, ce sont les « désirs refoulés » de Romy.
Intelligence folle
En plus Dans la coupe, Petite fille fait partie de la lignée de Fair-play (Fair-play), de Chloé Domont, un autre film qui participe à un renouveau du thriller érotique par le changement fondamental d’orientation associé au regard féminin (« regard féminin »).
La mise en scène sans fard, pour ne pas dire crue, est au diapason d’une héroïne qui laisse enfin échapper cette part primitive qu’elle retenait jusque-là. À cet égard, les sonorités gutturales du compositeur montréalais Cristóbal Tapia de Veer offrent un écho musical aussi saisissant que approprié.
Un peu à l’image de Demi Moore qui, dans un registre différent, semble commenter son propre parcours hollywoodien dans Le fond (La substance), de Coralie Fargeat, Nicole Kidman apparaît ici pour mettre à nu sa propre image publique, tandis que l’on voit Romy imposer (ou se faire imposer ?) une routine de soins et d’interventions cosmétiques.
Fascinant, ce jeu de miroirs enrichit encore un thriller érotique d’une intelligence folle, et qui est tout sauf frivole.
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