Longtemps cantonné à la sphère de l’art numérique, exposé principalement en Asie, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient, Miguel Chevalier a attiré l’attention du monde de l’art contemporain français en 2014 avec 3 installations de réalité virtuelle générative (Sur-Natures, Fleurs Fractales, Trans-Nature) à la saison artistique du Domaine de Chaumont-sur-Loire. Trois ans plus tard, l’artiste imagine dans le parc du domaine IN/OUT – Paradis artificielsinspiré des dômes géodésiques de Richard Buckminster Fuller, plongeant le visiteur au cœur d’images animées de plantes artificielles projetées à 360°, au son de la musique spatiale de Jacopo Baboni-Schilingi. « Un projet d’œuvre d’art totale »a-t-il affirmé.
Germinations numériques
Pionnier de l’art numérique, ce « jardinier numérique » utilise le langage informatique dans le domaine des Arts visuels depuis 1978. L’artiste français né en 1959 à Mexico propose désormais au Centre d’art contemporain Matmut, un voyage au cœur d’une nature réinventée, « Pixels Botaniques ». Extra-naturel (2024), œuvre monumentale en réalité virtuelle, fait surgir, s’épanouir et disparaître une végétation luxuriante inspirée de la flore mexicaine au gré des mouvements des visiteurs. A cette grande fresque générative et interactive s’ajoutent des fleurs fractales (Fleurs fractales2008-2024), un herbier composé de 200 « graines virtuelles » ce qui donne lieu au hasard à des fleurs géométriques qui s’inclinent au passage du public.
Miguel Chevalier, Donna Sive Linnius Hypericum Digitalissérie Fleurs fractales2021, œuvre en réalité virtuelle, logiciel : Cyrille Henry ©Miguel Chevalier.
Parallèlement, Miguel Chevalier matérialise ces créations hybrides entre végétal, minéral, animal et robotique sous la forme d’une installation de 12 sculptures en impression 3D (Belle femme 1 > 12). “J’étais enthousiasmé par le potentiel révolutionnaire de transformer certaines de mes œuvres génératives en sculptures tridimensionnelles, transformant l’immatérialité en matérialité”confie Miguel Chevalier.
Miguel Chevalier, Jolie femmeSérie 2021 Fleurs fractales, Sculpture par impression 3D @ Thomas Granovsky.
Une esthétique virtuelle
Installé depuis vingt-cinq ans à Ivry-sur-Seine dans un atelier-laboratoire dont il a conçu la façade (un cube de métal rouge percé de pixels appelé L’usine), il réalise également des dessins réalisés avec des robots, dans la lignée des Dessins de traceurs (dessins de traceur) par la pionnière de l’art numérique Vera Molnár. « Les artistes s’approprient invariablement les moyens de leur époque et en deviennent représentatifs au fil du temps. Je me suis inspiré d’artistes comme Man Ray, qui exploitait tout le potentiel de la photographie à travers ses rayogrammes, élevant ainsi ce médium au rang d’art à part entière. Nam June Paik a également eu une influence significative sur ma démarche en ouvrant de nouvelles voies dans le domaine de la vidéo avec ses installations sur écran. Mon engagement dans l’art numérique n’est pas une apologie de cette technologie, mais plutôt une exploration pour montrer que je peux développer une esthétique virtuelle à part entière.précise-t-il.
Co-création de l’artiste et de l’ordinateur
Le travail de Miguel Chevalier puise donc sa source dans l’histoire de l’art, notamment les explorations visuelles de l’art cinétique, Op Art et Grav (Visual Art Research Group). Elle exploite des thèmes récurrents comme l’immatérialité dans l’art, le rapport entre nature et artifice (Sur-Natures, Trans-Nature), le monde des flux et des réseaux (Mailles complexes, mailles cosmiques), les transformations urbaines et l’architecture des villes (Méta-villes, paysages de données du cyberespace).
Miguel Chevalier, Cyberespace/Paysages de données2024, original music: Thomas Roussel, virtual reality work – video 15 min Grand Palais Immersif, Paris @Miguel Chevalier
La plupart de ses installations sont interactives : les images se transforment en fonction des mouvements du visiteur. Et ils sont génératifs : créés des informaticiens, ils utilisent des algorithmes empruntés, pour certains à la biologie, qui permettent de créer des univers de vie artificielle, des effets de croissance, de prolifération et de disparition, comme L’origine du monde (2012). « Avec ce logiciel sur mesure, j’introduis en amont des paramètres précis (formes, couleurs, taille), mais une partie est aléatoire. Cela vous permet de créer plusieurs compositions qui n’apparaissent qu’une seule fois. L’œuvre devient une co-création entre l’artiste et l’ordinateur, évoluant de manière autonome tout en restant fidèle à ma vision initiale. »
Miguel Chevalier, Herbier Extra-Naturel2016, Matmut pour les arts, Saint-Pierre-de-Varengeville @ Thomas Granovsky
L’intégration de l’intelligence artificielle dans son processus créatif ouvre désormais de nouvelles perspectives et élargit son champ d’expression. Au Grand Palais immersif de Paris, elle utilise l’IA dans sa nouvelle installation, I.maginaires A.rtificiels, explorant les thèmes de la surveillance, de la biométrie et de la reconnaissance faciale. « L’œuvre invite le spectateur à réfléchir sur l’omniprésence des écrans et des technologies de surveillance dans nos sociétés modernes »il explique.
Related News :