Arrivé chez Loewe en 2013, Jonathan Anderson a redéfini l’identité de la maison espagnole, au point d’en faire l’une des marques les plus populaires de la dernière décennie – en tête du classement Lyst au premier semestre 2023. Un succès qui repose en grande partie sur ses accessoires et ses vêtements aussi originaux qu’audacieux, le tout rapidement devenu viral.
Jonathan Anderson, un créateur espiègle et prolifique
En 2023, une étrange couvée en forme (et taille) de pigeon fait le tour d’Internet. Aperçu sur le bras de Sarah Jessica Parker dans la série Et juste comme ça… (depuis 2021), le sac fait l’effet d’une bombe, le monde de la mode et les néophytes se demandent s’il s’agit d’une parodie ou d’un véritable accessoire.
Trônant aux pieds de l’actrice américaine, l’oiseau en question accomplit alors deux exploits. En plus de voler la vedette à une paire de sandales Dior vintage de John Galliano et à un micro sac cheville Fendi, il éclipse également les principales informations du post censées faire le buzz, à savoir le début du tournage à New York de la très attendue saison 2. de la suite de la série culte Le sexe et la ville.
Signé Jonathan Anderson pour sa propre marque JW Andersonle sac a connu un large succès médiatique, auquel le créateur irlandais est d’ailleurs habitué, voyant ses créations infiltrer les réseaux sociaux et l’actualité saison après saison, année après année. La preuve par 7.
Le Puzzle bag, le premier it-bag de Jonathan Anderson
Nommé à la direction artistique de Loewe en 2013, Jonathan Anderson présente, un an plus tard, son premier accessoire qui deviendra viral : le Puzzle de sacs. Complétant les silhouettes de son défilé printemps-été 2015il met en avant le savoir-faire des ateliers de la maison espagnole qui, depuis les années 1980, ne vend plus de sac signature.
Fondée en 1846 par un groupe d’artisans, la marque est surtout connue pour sa maîtrise du travail du cuir et ses nombreuses techniques : une notion qui n’a pas échappé Jonathan Andersons’appuyer sur l’histoire de Loewe pour mieux la réinterpréter. Fabriqué à la main, le sac est composé de plus de quarante pièces de cuir, combinées tel un puzzle avec autant de pièces de tissu et de métal, et se réinvente depuis saison après saison, au gré de nouvelles matières, de nouvelles couleurs et tailles, mais aussi de collaborations. (Studio Ghibli, Ils fuient).
Le sac éléphant, prémisse de la vague Loewe
Si le Puzzle est rapidement devenu l’un des incontournables de Loewe, vu aux poignets de toutes les it-girls lors de la Fashion Week, il ne peut à lui seul résumer la créativité débordante de Jonathan Anderson. Diffusant ici et là quelques accessoires fantaisistes durant ses premières années de directeur artistique (sacs à main ornés de délicats pétales à l’automne 2015, baskets « lutins » pour le printemps-été 2018, sacs en fourrure de chat pour l’automne hiver 2017), le créateur dévoile en 2017 un pièce pour le moins… surprenante.
Ce sac en forme d’éléphant – qui démontre une nouvelle fois le savoir-faire de la maison – réinterprète littéralement la silhouette du mammifère, décliné en version maxi ou mini, et explose rapidement sur internet. Aussi ludique qu’original (le créateur dévoilera un an plus tard des chapeaux assortis), le sac marque avant tout les prémices de la future identité que compte créer Jonathan Anderson pour Loeweet à qui il donnera toute sa liberté après la pandémie…
Escarpins à talons roses, vers une mode surréaliste
Livré à lui-même pendant la période de confinement, Jonathan Anderson laisse son esprit vagabonder et imaginer pour Loewe des pièces qui deviendront toutes virales. Et imposera la maison comme une marque ultra tendance, souvent classée parmi les plus cool du moment. En témoigne ces escarpins perchés sur une rose rouge, un coup de maître du créateur, qui transforme de simples chaussures à brides noires en un accessoire de mode incontournable, dévoilé au sein de son défilé printemps-été 2022 aux côtés de sublimes robes ornées de plastrons dorés et argentés.
Vu autant aux pieds des aficionados de la mode qu’à ceux des plus grandes stars du moment (Kourtney Kardashian, Dua Lipa, Rihanna, Bella Hadid, Géraldine Nakache…), cette paire d’escarpins iconiques se décline en plusieurs versions, d’un un œuf cassé, une bougie d’anniversaire, un savon ou une bouteille de vernis à ongles.
Les sandales ballons, un accessoire pop
Fort du succès de ses précédentes créations, Jonathan Anderson poursuit son exploration de la limite entre la mode et un simple objet du quotidien en créant l’année suivante des chaussures ballon. Ornant les talons d’une paire d’escarpins fermés ou coincé dans les lanières d’une paire de sandales, l’accessoire complète les silhouettes de son défilé automne-hiver 2022-2023, ponctué notamment d’étonnantes robes en cuir dont le jupon imite la forme de une voiture.
Imaginé la designer Nina Christen – qui a également collaboré avec Bottega Vénéta –, les chaussures deviennent rapidement virales, suscitant autant le rire que l’étonnement. L’inspiration derrière cette création ? La tension que peut créer un ballon, prêt à éclater à tout instant, et se voulant éphémère… Un concept qui, pour Jonathan Anderson, résonne avec les problématiques de l’industrie de la mode : «Parfois, je me dis qu’au lieu de pointer du doigt les mauvais côtés, il faudrait trouver des solutions pour protéger notre industrie, car elle est assez fragile. […] Il y a une partie de moi qui doit se battre pour avoir l’impression d’exister..» il a ainsi confié à Nombre en 2019.
Le sweat pixel, vêtement post-internet par Jonathan Anderson
Poursuivant sur sa lancée, Jonathan Anderson a fait de son prochain défilé, printemps-été 2023, un tournant : la liberté de création prime sur les tendances, et chacune de ses collections devient l’expression de son imaginaire et de ses inspirations plurielles, souvent puisées dans l’histoire de l’art (notamment contemporaine, de Lara Favaretto à Lynda Benglis, Joe Brainard ou Richard Hawkins).
Brouillant les frontières entre réalité et fiction, le créateur irlandais produit l’illusion en créant de nouveaux motifs et en jouant avec les proportions de ses vêtements, comme un sweat-shirt oversize (disponible en pantalon et en t-shirt) recouvert d’un dessin pixelisé, créant l’impression d’un problème informatique atterrissant sur le podium de son défilé de mode. Des pièces déconcertantes et totalement ancrées dans leur époque, que des célébrités comme A$AP Rocky se sont empressées de porter la saison suivante.
Le bustier arum pour les nouvelles femmes fleurs
Présenté dans le cadre de la collection Loewe printemps-été 2023, ce bustier XXL en forme d’arum reprend tous les détails de la fleur exotique. Vernies, les pièces se déclinent en versions mini (accrochées sur des sacs ou portées en cache-tétons) et en versions maxi (versions top ou robe), et jouent sur la beauté vénéneuse de la plante…
Embrassant les parties les plus vulnérables du corps des modèles qui le portent, les créations de Jonathan Anderson recouvrent plusieurs symbolismes, du spadice hérissé semblable à un phallus dressé, à la toxicité de la fleur, aussi dangereuse que séduisante. Bref, une pièce forte, qui a aussi rapidement fait le tour des réseaux sociaux, portée en couverture du magazine Un autre par Taylor Russell ou posté par Zendaya sur son Instagram quelques semaines plus tard.
Le sac de tomates, la star des réseaux sociaux
À l’image de la tempête médiatique provoquée par son pigeon minaudière en 2022, Jonathan Anderson a encore fait le buzz cet été avec une autre pochette, ressemblant cette fois à une tomate. As de la communication et génie de la mode, le créateur irlandais a réagi à un post apparemment anodin, publié le Gazouillement en mars dernier : un internaute accompagnait la photo d’une tomate coupée du commentaire «cette tomate est tellement Loewe, je ne peux pas l’expliquer».
Republié en masse par de nombreux internautes partageant son avis, le tweet a finalement retenu l’attention du directeur artistique de la maison espagnole qui a dévoilé trois mois plus tard, sur son compte Instagram, un sac de tomates ultra réaliste. “J’aime les réseaux sociaux et leur manière beaucoup plus démocratique de diffuser l’information en coupant court à toutes les conneries» a-t-il ensuite expliqué à Nombre en 2019.
S’appuyant une nouvelle fois sur l’esthétique des filtres Instagram pour concevoir des silhouettes hallucinatoires où trompe l’œil et déformations corporelles altèrent notre réalité, sa création résonne évidemment sur les réseaux sociaux comme TikTok et Instagram. Cet accessoire confirme sa vision d’une mode ultra-actuelle, où la banalité du quotidien côtoie régulièrement une certaine forme de sensationnalisme, qu’il cultive depuis plus de dix ans chez Loewe.
Une décennie de créations virales et iconiques, rassemblées cet automne par la maison dans un livre consacré à sa vision artistique… La publication marquerait-elle la fin d’un chapitre pour Jonathan Anderson ? Les prochaines semaines – et le jeu des chaises musicales à la tête des marques – nous le diront.
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