Le terme binge-watching désigne le fait de regarder de manière excessive des séries ou des films, souvent en une seule séance prolongée.
Ce comportement consiste à passer beaucoup plus de - que prévu à regarder un programme, notamment des séries comportant de nombreux épisodes et saisons.
L’essor des connexions Internet illimitées, du streaming et des contenus accessibles à la demande a largement contribué à l’intensification de cette pratique.
Durant les confinements liés à la pandémie de Covid-19, ces marathons de visionnage ont souvent remplacé la sortie au cinéma. Leur consommation avait également augmenté de 20% par rapport à l’année précédente.
Le binge-watching n’a pas de définition universelle. Il est souvent décrit comme le visionnage de 2 à 6 épisodes d’un programme en une seule séance, dépassant trois heures consécutives. Certains considèrent que cela démarre dès qu’on regarde plus de 4 épisodes dans une soirée.
Pourquoi les séries télévisées sont-elles addictives ?
Les séries les plus captivantes s’appuient généralement sur un fil narratif fort qui maintient la continuité d’un épisode à l’autre.
Ils utilisent souvent des fins marquées par des rebondissements (cliffhangers), pour susciter l’envie immédiate de découvrir la suite. Les fans de binge-watching s’immergent profondément dans l’univers de la série, développant une connexion intense, presque fusionnelle, avec l’histoire et certains personnages.
Dans un article « Fans de séries : addiction ou prise de pouvoir ? » Dina Rasolofoarison, chercheuse à Dauphine Recherches en Management, et Stéphanie Feiereisen, professeure associée à Montpellier Business School écrivaient en 2021 que « de nombreux fans de séries aiment s’immerger pleinement dans une histoire et souhaitent être transportés dans un autre monde (…).
Et le phénomène du binge-watching, dont les effets négatifs sont certes évoqués (sensation de boulimie ou d’indigestion suivie de regret de ne pas s’être arrêté plus tôt), s’inscrit souvent dans ce contexte. Un fan de House of Cards raconte par exemple avoir visionné une saison entière en un week-end pour connaître certes la fin de l’histoire, mais surtout pour pouvoir “rester dans l’ambiance”. »
Quel type de binge-watcher êtes-vous ?
Professeur Laurent Karila, psychiatre à l’hôpital Paul-Brousse (Villejuif) et auteur du livre « Médecin : toxicomane ou pas ? » (2024) « profilé » 3 catégories de binge watchers :
– Le binge watcher « très rapide » termine une saison en quelques jours, avec des séances de 3 à 4 épisodes (environ 2h30 par jour). Il privilégie les séries d’horreur, de science-fiction ou de thriller, sans que ce soit quotidien.
– Le binge watcher « rapide » termine une saison en cinq jours, en passant environ 2 heures par jour devant un écran. Il préfère les comédies dramatiques, les séries de super-héros ou celles centrées sur le monde du crime.
– Le binge watcher « assez lent » termine une saison en presque une semaine, regardant environ 1 heure 45 minutes à chaque séance. Il privilégie les séries politiques, comiques ou historiques.
Pourquoi certains d’entre nous regardent-ils de façon excessive ?
Le binge-watching est souvent motivé par le désir de créer des liens sociaux, de faire partie d’un groupe, de se sentir accepté, voire d’éviter d’être exclu des conversations.
La peur de manquer une information pousse aussi certains à regarder rapidement pour éviter les spoilers. Mais d’autres y voient une forme de gratification immédiate, un moyen d’échapper au stress, à leurs soucis et de se détendre.
De plus, les binge watchers « ont souvent une forte empathie fantastique », analyse le psychiatre, « ressentant les émotions des personnages de fiction, ce qui influence leur identification et l’évolution de l’intrigue. » Ils ont d’importantes capacités de concentration et de mobilisation intellectuelle.
Une addiction comportementale
La majorité des gens se gavent seuls, et plus de 70 % perdent le contrôle du nombre d’épisodes initialement prévus. Le spécialiste prévient : « ceux qui ressentent une gratification négative (une gratification n’est en fait pas forcément positive, ndlr) et de l’anxiété après une séance sont plus susceptibles de devenir dépendants, cherchant un « soulagement » à travers des séries, comme un cocaïnomane. » Sans aucun apaisement pour autant.
Le binge-watching excessif présente des similitudes avec une addiction comportementale, estime Laurent Karila, qui en énumère les caractéristiques : « perte de contrôle, urgence de regarder, regrets ou culpabilité, négligence des obligations personnelles, conséquences sociales et sanitaires négatives, mensonges et symptômes de sevrage tels que comme l’anxiété, la nervosité, la colère, voire la rage, ainsi que des difficultés de concentration et d’attention. »
Est-ce grave ?
Les conséquences négatives du binge watch « touchent particulièrement les personnes vulnérables, comme les enfants, les adolescents et les binge watchers excessifs », explique le psychiatre. Ils sont principalement psychologiques : stress, anxiété, troubles du sommeil, comportements alimentaires désorganisés entraînant une prise de poids et sédentarité. L’impulsivité, la perte de contrôle, l’isolement, la solitude et la fatigue sont courants. La dépression post-binge-watching est une réalité.
Pour savoir si vous êtes un « binge watcher » excessif avec des conséquences importantes dans votre vie, vous devez cocher « oui » à chacun des 6 critères :
– Tolérance : vous devez augmenter la durée de visionnage pour obtenir les mêmes effets que les premières fois.
– Rechute : après une pause, on retombe rapidement dans un cycle de binge-watching.
– Importance : le binge-watching devient l’activité centrale de la vie.
– Conflit : cette activité nuit à la vie personnelle, professionnelle et sociale.
– Humeur : nous surveillons de façon excessive pour échapper aux émotions négatives et améliorer notre humeur à court terme.
– Envie par manque : l’incapacité de se gaver crée un fort sentiment de manque.
Conseils pour modérer le visionnage excessif
Le professeur Karila suggère de fixer à l’avance un nombre d’épisodes et une heure de visionnage, de résister aux cliffhangers, de faire des pauses et de discuter avec son entourage, d’éviter de grignoter, de perturber son sommeil et de commenter les réseaux sociaux pendant les épisodes.
Si ce comportement devient un moyen d’échapper aux émotions négatives, vous devriez consulter un professionnel pour traiter le problème sous-jacent.
Sources : Baromètre Hadopi « Consommation de biens culturels dématérialisés en situation de confinement » de mai 2020, 51 % des Français interrogés âgés de 15 ans et plus ont regardé des séries sur Internet au 8e semaine de confinement alors qu’ils étaient 42% en mai 2019 ; « Médecin : toxicomane ou pas ? » par le professeur Laurent Karila, éditions Harper Collins, janvier 2024/608 pages ; Enquête Médiamétrie réalisée en décembre 2016 sur un panel représentatif de 1 424 personnes en France.
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