C’était au tour de Mary Sicari de témoigner mardi au procès civil de Gilbert Rozon, accusé d’agressions sexuelles et de viols dans neuf affaires distinctes. M.moi Sicaro a raconté en détail le harcèlement et les attouchements non désirés dont elle aurait été victime pendant plus de 15 ans alors qu’elle était employée par Juste pour Rire.
M.moi Sicari, qui avait 22 ans lorsqu’elle a été embauchée par Juste pour Rire en 1988, travaillait à la comptabilité et à la facturation pour une division appelée Les Films Rozon. Plus tard, elle a travaillé dans la billetterie et la production. Selon son témoignage, elle faisait référence à Richard Bleau, François Rozon, Judy Suissa ou Mark Goldman, mais pas à Gilbert Rozon.
Pourtant, environ un mois et demi après avoir débuté son emploi chez JPR, elle reçoit un appel de Gilbert Rozon à son domicile.
“J’étais avec mon copain Richard, c’était un vendredi soir, et il m’a proposé de venir me chercher en limousine, d’aller au restaurant, de voir un film”, a-t-elle raconté en anglais. Il voulait qu’on sorte ensemble. Mon copain m’a demandé qui c’était, je lui ai dit : c’est mon patron, je ne sais pas ce qu’il veut ! J’étais mal à l’aise, mais j’ai refusé. »
Mary Sicari, qui réclame une somme de 1,25 million, a raconté par la suite comment Gilbert Rozon la sollicitait par téléphone, de manière hebdomadaire, avec des propositions similaires.
«À chaque fois, j’ai refusé», dit-elle. Il était comme un record à sauter. Il fut même un moment où je lui raccrochais. Au bureau, un collègue m’a dit un jour : ne t’inquiète pas, c’est Gilbert, ignore-le, tu es la saveur du mois, c’est tout, ça va passer. Mais ça a continué. »
L’année suivante, en 1989, Mmoi Sicari rencontre Lucie Rozon, la sœur de Gilbert, qui rejoint le groupe. “Nous nous sommes tout de suite entendus”, a-t-elle expliqué. Au point qu’elle se confie sur les appels répétés de son frère.
«Quand je lui ai raconté ce qui se passait», a poursuivi M.moi Sicari, Lucie roula des yeux. Elle m’a dit : je vais lui parler. Mais ça a continué. Au bout d’un moment, je suis revenu vers elle pour lui dire qu’il ne s’arrêterait pas… Elle a pris le téléphone devant moi et l’a appelé. Elle lui dit : « Lâche-la, Gilbert ! Elle ne veut pas savoir. »
Mais selon le témoignage de Mary Sicari, qui souffre désormais d’anxiété et de fibromyalgie, c’est à ce moment-là que les attouchements non désirés ont commencé.
« Il m’a touché les fesses avec ses mains, puis il a dit : Oh ! Excusez-moi. Ou bien il me frôlait en passant derrière moi et s’excusait. Un jour, alors que toute l’équipe était au restaurant, il s’est assis à côté de moi et j’ai senti son bras sur ma poitrine. Il s’écria encore : Oh ! Excusez-moi. A table, tout le monde l’a remarqué, la moitié des salariés avaient un demi-sourire complice… »
« Ces attouchements étaient fréquents, selon le témoignage de Mme.moi Sicaire. « Où que j’étais, il apparaissait de manière inattendue, comme un serpent. » Un jour, alors qu’elle était seule, à l’heure du déjeuner, dans la salle des photocopieurs – elle imprimait des rapports – elle sentit quelqu’un derrière elle. C’était Gilbert Rozon.
« Je ne l’ai jamais entendu venir. Il s’est frotté à moi, puis est parti en riant aux éclats. Une autre fois, alors que je travaillais au service billetterie, j’étais au téléphone avec un client, il s’est approché de moi et m’a mis sa langue dans la bouche. Il m’a embrassé si fort que j’ai saigné. Et il est reparti en riant, comme Mary Poppins ! Je me suis dit : c’est un psychopathe. »
M.moi Sicari se souvient d’un autre épisode dans lequel elle discutait avec le comédien Normand D’Amour à la fin d’un spectacle. Elle sentait que sa main droite, qui pendait, touchait un pénis. Elle s’est retournée, c’était Gilbert Rozon qui avait posé la main sur son sexe. «J’ai prononcé le mot F… en retirant ma main. Mais je n’ai pas pu en dire plus, a-t-elle déclaré à la juge Chantal Tremblay, qui préside le procès. Il est parti en riant. »
Dans la salle d’audience mardi, l’acteur Michel Courtemanche était présent pour la soutenir, tout comme les autres plaignants qui avaient déjà témoigné.
Mary Sicari, qui a travaillé chez JPR de 1988 à 1999 et de 2001 à 2004, a expliqué au tribunal pourquoi elle n’avait pas dénoncé M. Rozon. « Sa famille était ma famille », a-t-elle déclaré avec émotion. François, Lucie, Martine… Je ne voulais pas leur faire de mal et j’adorais mon travail. Mais la vérité est aussi que j’avais peur. J’ai prévenu Lucie et Gilbert a continué. J’avais peur qu’il essaie de me violer… »
Quant aux raisons qui l’ont motivé à revenir travailler chez JPR en 2001, M.moi Sicari a expliqué que M. Rozon avait plaidé coupable en 1998 à une agression sexuelle contre un marchand du Manoir Rouville Campbell. « Je travaillais avec une autre équipe, et puis j’ai pensé qu’il s’était calmé après son plaidoyer de culpabilité, mais ensuite ça a recommencé… »
Mary Sicari a porté plainte à la police en 2017, après des discussions avec Sophie Moreau, la fille du regretté comédien Jean-Guy Moreau, qui accuse également M. Rozon d’agression sexuelle et qui témoignera ce mercredi.
Un contre-interrogatoire tendu
Lors de son contre-interrogatoire, la défense a brossé un portrait complètement différent de Mary Sicari, soutenant qu’elle avait utilisé un langage vulgaire envers ses collègues et M. Rozon et qu’elle avait eu un comportement à caractère sexuel suggestif.
M.e Laurent Debrun, qui a dirigé le contre-interrogatoire, a même suggéré que Mmoi Sicari avait un jour “exhibé ses seins”, ce que Mmoi Sicari a nié avec véhémence. « Je n’ai jamais, jamais fait ça de ma vie ! » » s’insurge-t-elle avant d’évoquer les soirées VIP où M. Rozon « prenait de la cocaïne et invitait des prostituées ».
M.e Debrun a également relevé des contradictions entre des éléments de son témoignage et sa déclaration à la police en 2017.
M.moi Sicari, qui a montré plusieurs signes d’impatience, a déclaré qu’elle n’avait aucun souvenir de son témoignage. Elle a expliqué au tribunal qu’elle avait été agressée dans un restaurant de Saint-Sauveur par un inconnu peu avant son témoignage. Ce qui aurait ravivé le souvenir des prétendues agressions de M. Rozon.
Selon la thèse de la défense, les allégations de Mary Sicari découlent de problèmes de santé mentale dont elle souffrait et de conflits qu’elle a eu avec des membres de la famille Rozon, dont Lucie, avec qui elle était amie depuis plusieurs années.
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