Depuis le 13 décembre, le président iranien Massoud Pezeshkian refuse obstinément de signer une loi drastique sur « la promotion de la culture de la chasteté et du hijab », pourtant adopté par le parlement iranien, traditionnellement très conservateur. “Cette loi, qui contient des ambiguïtés, n’est pas facile à appliquer” a estimé sur X le président Massoud Pezeshkian, élu en juillet dernier, sans l’appeler « portant atteinte à l’harmonie et à la solidarité nationales ». “S’il est contraint de le signer pour des raisons constitutionnelles, il demandera à la police de ne pas l’appliquer”, assure Bernard Hourcade, directeur émérite de recherche au CNRS.
Le texte est draconien : amende pouvant aller jusqu’à 2 000 euros pour un avant-bras exposé ou une mèche de cheveux sortant du hijab ; interdiction de quitter le territoire ou retrait du permis de conduire si le montant n’est pas payé dans les dix jours ; prison pour récidive; les chauffeurs de taxi incités à signaler leurs passagers… Le tout couronné par un réseau de caméras de surveillance aux mains de la police des mœurs pour identifier celles qui ne portent pas le foulard, obligatoire depuis 1979.
Une loi inapplicable
Bien que la loi soit critiquée depuis plusieurs mois par les défenseurs des droits humains dans le pays et à l’étranger, c’est le régime iranien lui-même qui ralentit sa mise en œuvre.
« Le mouvement Femme, Vie, Liberté, lancé en 2022 par la mort de la jeune Mahsa Amini, ça a eu l’effet d’une révolution culturelle» précise Farid Vahid, spécialiste de l’Iran à la Fondation Jean-Jaurès. Les femmes se voilent de moins en moins, à Téhéran mais aussi dans le reste du pays. Les plus fanatiques sont prêts à criminaliser le non-port du foulard plutôt que le trafic de drogue, mais le gouvernement hésite à mettre en œuvre une loi inapplicable, qui pourrait servir d’étincelle dans une situation déjà explosive. »
« Par peur »
De manière plus inattendue, le coup décisif est venu du Haut Conseil de la sécurité nationale, au sommet de la pyramide du régime, qui a jugé cette législation susceptible de « porter atteinte à la défense nationale ». Dans une lettre envoyée samedi au Parlement, l’instance a demandé que la mise en œuvre de la loi soit reportée afin qu’un amendement puisse être envisagé.
« Le guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, comprend qu’une loi aussi drastique sur le port du foulard affaiblirait la République islamique déjà affaiblie. » crédo Bernard Hourcade. “La situation économique est catastrophique, le taux du rial est en chute libre depuis que le régime a perdu son allié syrien, espion Farid Vahid. Il y a une forme de panique au sein du régime. S’il recule, ce n’est pas par amour pour la liberté de la femme, mais par peur, car il est conscient de sa vulnérabilité. »
En voyant s’effondrer coup sur coup deux de ses « délégués » – le Hezbollah, vaincu militairement au Liban par Israël, et le régime de Bachar Al Assad, fidèle allié de Téhéran depuis 1979 -, la République islamique a soudainement perdu une partie de son éclat pour un seul, Ce « axe de résistance » conçu pour le protéger. « Les Gardiens de la révolution, tant dans leurs ambitions idéologiques que stratégiques, viennent de recevoir une gifle magistrale, tant militaire que politique, analyse Bernard Hourcade. Ce n’est pas le moment d’inciter à des émeutes anti-hijab…”
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