Ateliers, insertion, formation… En créant son institut dédié aux différents métiers du secteur, le festival Séries Mania ajoute un nouveau volet à la construction d’un écosystème.
A Lille, à l’Institut Séries Mania, les créateurs de séries ont les mains sales. Ce vendredi après-midi de décembre, ils sont trois sur la scène de l’auditorium du Musée des Beaux-Arts, laboratoire des ambitions scénaristiques. Un Finlandais, un Espagnol, un Français et un accessoire : une branche d’arbre. Voyez ses branches, disent-ils, comme une métaphore des complexités de l’amour. Il faut du courage à ces débutants pour affronter les regards dubitatifs de professionnels aguerris et vendre leur histoire, imaginée en dix semaines dans un atelier Eureka Séries. Coût, 3 500 euros pour la prochaine session de printemps. Dans le métier, on l’appelle “pitchman”. Une branche d’arbre à laquelle s’accrocher et à laquelle champ d’amour séduire. Ils se trouvent dans le registre COM ROM. Pascale Deschamps, consultante fiction à France Télévisions, hausse le ton et a bien voulu se prêter au jeu : « Et le sexe ? Comment allez-vous tourner les scènes de sexe ? Sur le grill, restez calme, ne rougissez pas.
Depuis deux ans, le festival Séries Mania dispose de sa propre école, dotée d’un budget annuel de 1,4 million d’euros, financé à 60 % par des acteurs publics, principalement l’État et l’Union européenne. Elle a déjà formé 250 personnes, en présentiel et à distance. Ateliers, formation initiale avec le master management des métiers de la culture réalisé avec Sciences-Po Lille, formation continue, insertion… L’institut couvre toute la gamme. Dans ce créneau de la série, c’est assez unique en Europe. Marianne Guillon, la réalisatrice, insiste : il existe de nombreuses formations en cinéma et il existe des spécialistes des séries.
“Notre secteur est assez difficile d’accès”
L’école est une pièce de plus dans la patiente construction d’un écosystème, explique la directrice générale Laurence Herszberg. Outre le Forum, le marché des contenus et les Dialogues de Lille, «un mini-Davos du secteur audiovisuel», sourires, invités professionnels du secteur et politiques. Bientôt, espère-t-il, une académie de télévision sera créée, qui décernera les prix de l’année. « Nous aurons alors pleinement répondu à l’ordre de l’État. Nous aurons placé la France, et effectivement au sommet, dans la galaxie de la fiction. assure Laurence Herszberg. Les locaux correspondent à l’ambition, un ancien palais privé du Vieux Lille, avec de belles hauteurs sous plafond. “Il faut former les gens aux nouvelles histoires, en France et à l’étranger” souligne le directeur général. Le nombre de séries a explosé, avec les plateformes de streaming, et le recrutement est sous pression. Comme celui de l’administrateur de production, pas très glamour mais indispensable, responsable de la comptabilité et de la paie. D’ici 2030, il faudrait quatre fois plus de scénaristes qu’aujourd’hui, souligne Marianne Guillon.
Pause cigarette devant la porte cochère, les étudiants sont les mêmes partout. Ce sont des jeunes, pas vraiment étudiants, pas vraiment amoureux du système scolaire : ils bénéficient d’une formation à l’institut Tremplin, un dispositif d’insertion réservé aux habitants de la région. « Il est assez difficile d’entrer dans notre secteur si on ne dispose pas d’un minimum de réseau. » explique Marianne Guillon. Ces sept mois sont gratuits pour les jeunes, rémunérés par l’Afdas, l’institut de formation aux métiers de la culture. Virgilio, 21 ans, à l’humour mordant, croupit dans un métier dans l’agroalimentaire, employé dans un escape game. “Je n’ai pas eu mon diplôme d’études secondaires, toutes les portes se sont fermées d’un coup” dit-il. Mais son amour pour le cinéma d’animation le rattrape, il postule par hasard et touche au bingo. «Disons qu’un peu de confiance en soi a augmenté» il a souri. Il aimerait devenir chef électro : « J’ai tout de suite aimé donner de la cohérence à l’image. »
“Il y a trop de mots”
Ses collègues apprentis scénaristes ont des cernes, un scénario de 5×5 minutes, l’histoire d’une entreprise mondialisée, “entre Google, Tesla et Michelin pour le côté paternaliste”, sourit leur porte-parole, le scénariste Matthieu Bernard. Ce matin-là, ils assistent au jeu massacreur de leur texte, tous les passages étant édulcorés en rouge. Le travail de docteur en scénario, Stéphanie Girerd : mise sur le dialogue. « Il y a trop de mots. «Je ne veux pas que ça sorte“C’est suffisant.” Dans la salle voisine, l’équipe de production apprend à déconstruire les scénarios : elle évalue les prix et dit non, c’est trop cher. « Nous devons réfléchir au plus vite à des alternatives moins coûteuses » explique l’enseignant, Henri Genty, producteur. Séries, votre univers impitoyable.
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