A l’ADC de Genève, qui vient de nommer sa nouvelle direction, la chorégraphe Cindy Van Acker présente jusqu’au 19 décembre sa dernière création «Quiet Light». Un spectacle entre ombres et illusions sensorielles inspiré des peintures contemplatives du Belge Léon Spilliaert. Fascinant.
Il y a des endroits qui se démarquent plus que d’autres. Nous les chantons, nous les peignons. Donc Ostende, en Belgique. Pour Alain Bashung « la mer recule, cache ses rouleaux. A l’ombre des digues, elle et moi nous ennuyons. Nos souvenirs font des îles flottantes. À Ostende, j’ai peur du foulard qui s’effiloche au cou.» Arno, né sur cette bande de sable, l’a vu comme un tableau : « Spilliaert illumine la digue comme chaque soir aux couleurs du désespoir. Il nous peint nos marées, le ciel et nos regards. Je suis seul avec toi Ostende Bonsoir”.
Léon Spilliaert (1881-1946) était également originaire de là, né à Ostende et rivé à l’horizon, face à la mer, une palette de peintre protégée du vent. À son tour, Cindy Van Acker tombe sous cet étrange sortilège. D’origine flamande, la chorégraphe genevoise a expérimenté ses premières danses à Anvers, non loin de ce rivage, mais c’est à la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, qu’elle retrouve la peinture de Léon Spilliaert et son lien si particulier à la lumière. et le contour de son paysage préféré.
Une lumière douce
C’est un tableau, ces tableaux de Spilliaert et de la mer du Nord que l’on retrouve dans «Quiet Light», la dernière création pour deux interprètes de Cindy Van Acker, qui a reçu l’an dernier le Grand Prix suisse des arts de la scène et sa bague Hans Reinhart. pour saluer sa carrière de chorégraphe émérite.
« Quiet Light » pourrait être traduit par lumière douce. Il baigne la scène dans la pénombre et projette sur le fond de la scène de danse le reflet des deux interprètes, Stéphanie Bayle et Daniela Zaghini, avec l’extraordinaire fluidité du geste. L’effet magnétise le regard, offrant parfois de mystérieuses silhouettes de sylphes ou des apparitions de géantes aux bras tels de redoutables albatros nocturnes.
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Ombres dansantes
Dans «Quiet Light», la lumière imaginée par Victor Roy, maître des ombres et des illusions d’optique, effectue elle aussi une danse, doublant le reflet des corps et montrant une sorte de cinéma fantastique des corps en mouvement. La mer n’est pas loin de « Quiet Light » avec ces bruissements d’ailes et cris de mouettes mêlés à la musique contemplative et spectrale de l’artiste Léa Bertucci, revisitée façon dub par l’inspiré Denis Rollet.
On a souvent dit que les spectacles de Cindy Van Acker formaient un tout singulier, réalisant une parfaite osmose entre le mouvement, le son et la lumière. «Quiet Light» constitue sans doute une forme de climax de ce point de vue.
L’écriture géométrique et mathématique du chorégraphe dessine des digues, des oiseaux au vent, des points de fuite, des horizons, des vagues, des phares, des sémaphores et des drisses qui claquent sur les mâts. Au centre de la scène, un mince filet de lumière apparaît soudain, reliant le sol au plafond, vibrant au rythme de la musique, offrant une lumière crépusculaire entre jaune safran et encre bleue.
Les danseurs deviennent des silhouettes qui s’effacent lentement dans un ciel iodé. Les mouvements ralentissent, les corps se mélangent, la musique se tait. Ce n’est plus un spectacle de danse, c’est devenu un tableau vivant. Spilliaert éclaire la digue. Et Cindy Van Acker partage avec nous la plus belle de ses visions.
Thierry Sartoretti/ld
« Quiet Light » de Cindy Van Acker, avec Stéphanie Bayle et Daniela Zaghini à l’ADC, Genève, jusqu’au 19 décembre 2024 ; Théâtre Vidy-Lausanne, du 21 au 25 janvier 2025 ; Théâtre des Halles, Sierre, les 2 et 3 octobre 2025.
Performance “Les impromptus” at the Fondation de l’Hermitage, Lausanne, March 20, April 10 and May 8, 2025.
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