Critique de théâtre –
Le Pulloff accroché à la moustache d’un tableau
A Lausanne, la Compagnie Gianni Schneider interprète « Nocturne/Nachtland » de Marius von Mayenburg. Avec des morceaux d’Hitler dedans.
Publié aujourd’hui à 11h52
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- La pièce « Nocturne/Nachtland » explore une famille en conflit après un décès.
- Une aquarelle signée « A. Hitler » provoque la discorde au sein du foyer.
- Les personnages débattent de l’argent provenant de l’art nazi.
- Cet ouvrage pose des questions sur la culpabilité et les démons allemands.
Aux Théâtres Pulloff de Lausanne, la mort du père ne suscite qu’une tristesse mesurée pour la famille comme le révèle « Nocturne/Nachtland » de Marius von Mayenburg. Fini les engueulades… Un frère, une sœur – et leurs conjoints respectifs – retrouvent la banalité maussade de leur filiation dans une mise en scène venimeuse de Gianni Schneider qui redessine pour l’occasion son « cercle de craie caucasienne » sur une scène dépouillée de tout artifice.
Au milieu de cette acrimonie silencieuse, un adjuvant va néanmoins mettre le feu : la découverte, dans le grenier, derrière une paire de skis, d’une aquarelle soigneusement emballée, voire cachée. Le tableau lui-même, qui représente une église, ne change rien à cette rencontre acariâtre. En revanche, l’examen plus scrupuleux de la toile a valeur d’éruption lorsque la signature « A. Hitler”.
Le jackpot d’Adolf ?
La perspective de décrocher le jackpot suscite la polémique. L’épouse du frère ne conçoit pas la bonne fortune sous la forme d’une croûte kitsch signée du père du nazisme, même si elle valait son pesant d’or. Commence alors une danse martiale, ponctuée de séquences de tango – Argentine, ce pays tant aimé des Allemands en fuite… –, pour un examen de conscience où la honte de profiter d’un fétichisme criminel et la perspective très simple rivalisent pour obtenir une bonne affaire. La fameuse séparation de l’œuvre et de l’artiste…
Personne n’est dupe, avec cette querelle de famille dans sa dernière pièce (2022), Marius von Mayenburg remet le couteau de la culpabilité sous la gorge d’une Allemagne qui semble plus encline que jamais à oublier ses vieux démons. Si les propos insultants et antisémites adressés à la belle-sœur semblent parfois « lancinants », cette « Nocturne » pose néanmoins une question lancinante : est-ce que de l’argent vaut la peine d’être pris ? Entre ceux qui ne voient pas le problème et ceux pour qui cette ligne est brune, l’écart est mortel. Tandis qu’un collectionneur et spécialiste des aquarelles hitlériennes chipote sur des bagatelles historiques.
Servi par un casting brillant – même si on n’a pas pu apprécier Carine Barbey lors du général – où Vincent Bonillo, Anne-Catherine Savoy, Barbara Tobola, Jean-Pierre Gos et Thierry Jorand rivalisent d’énergie, en soirée performance du Gianni Schneider Company est aussi divertissante qu’édifiante.
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