L’affaire est emblématique du mouvement #Metoo au cinéma. C’est ce qu’a révélé le 3 novembre 2019 une enquête et un entretien avec Adèle Haenel à Mediapart. Dans cet article, l’actrice accuse le réalisateur du film je les diablesChristophe Ruggia, pour l’avoir agressée et agressée sexuellement lorsqu’elle était enfant. Des révélations prises très au sérieux par le parquet de Paris qui a ouvert, trois jours plus tard, une enquête confiée au groupement central des victimes mineures de l’OCRVP (Office central pour la répression des violences aux personnes).
Après près de cinq ans d’enquête, le juge a décidé, fin juillet 2024, de renvoyer le réalisateur devant le tribunal correctionnel. Christophe Ruggia sera jugé lundi et mardi pour agression sur enfant de moins de 15 ans par une personnalité d’autorité. Il risque dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
“Il n’avait pas une relation saine avec eux”
L’actrice a rencontré Christophe Ruggia lors du tournage du film je les diablesCOMME. La directrice de casting Christel Baras a senti que quelque chose n’allait pas le jour où elle a accompagné Adèle Haenel chez le réalisateur pour la lui présenter. Interrogée par la police, elle a déclaré qu’elle souhaitait être seule avec l’enfant. « Laissez-moi », lui aurait-il dit. Une demande qui l’a gênée et mise en colère. “Attention, c’est une fille, une fillette de 11 ans et demi”, aurait répondu Christel Baras. Par la suite, elle a été retirée du tournage de la production, qui a eu lieu entre juin et septembre 2001.
Une période décrite par les membres de l’équipe du film comme intense, “difficile” et fatiguante, notamment pour les deux rôles principaux. « Il y avait une sorte d’obsession du réalisateur à pousser les acteurs dans leurs derniers retranchements. Cela faisait traîner inutilement le tournage. L’équipe n’était pas à l’aise avec cette durée, d’autant plus qu’il y avait des enfants qui jouaient”, a indiqué le scénario du film aux enquêteurs. Avec les enfants, Christophe Ruggia s’est comporté “comme un grand adolescent, un grand frère”. “Mais pas un grand frère protecteur”, a-t-il précisé. « Il n’avait pas de relation saine avec eux. »
“Ma chérie”, “ma chérie”
“Il n’a pas eu un comportement inapproprié, mais il ne s’est pas comporté de manière appropriée envers une jeune fille de 13 ans”, a déclaré le réalisateur du film, qui a quitté le tournage par “épuisement”.
Loin de sa famille et de ses proches, Adèle Haenel a eu l’impression d’être isolée lors du tournage par le réalisateur, un « gourou » sous « l’influence » duquel elle était. Ses parents et la nounou des deux acteurs, a-t-il expliqué aux enquêteurs, avaient été tenus à l’écart du plateau par le réalisateur. « La relation avait commencé à évoluer et on n’avait plus vraiment conscience de la frontière entre moi et le personnage. C’était vrai pour moi car pour toute l’équipe du film, Ruggia leur avait demandé de ne pas venir me parler car cela risquerait de me distraire. » Il l’appelait « ma chérie », « ma chérie », il la prenait à genoux au restaurant. Il était très attentif à son égard, lui répétant souvent qu’il l’avait « créée » et qu’elle n’était « grande que grâce à lui ».
“Christophe m’a dit qu’il était amoureux”
Les attaques signalées se sont produites après cette fusillade. Adèle Hanael a commencé à se rendre régulièrement chez le réalisateur le week-end. Un « rendez-vous » qu’il a honoré « par obligation ». “Je n’ai pas pu m’en empêcher”, a-t-il ajouté lors de l’audience. Christophe Ruggia lui a demandé de s’asseoir sur le canapé, il lui a caressé les cuisses, sa poitrine, son ventre, il lui a touché l’aine. « Christophe m’a dit qu’il était amoureux de moi, que la différence d’âge était une malédiction pour lui et que malheureusement j’étais une adulte dans un corps d’enfant. » Fin 2004, après une dernière agression sexuelle, Adèle Haenel comprend et explique au réalisateur que « ce n’est pas bien ». « Il faut que ça s’arrête, ça va trop loin. » En février 2005, elle lui écrit une lettre exprimant le désir de ne plus le revoir.
Début 2019, Adèle Hanael apprend que Christophe Ruggia prépare un nouveau film avec des adolescents intitulé L’apparition des papillons. Les personnages principaux doivent porter les mêmes noms que ceux du film je les diables. C’est ce qui pousse l’actrice à révéler les faits aux médias. Entendu à plusieurs reprises par le juge d’instruction, le cinéaste a toujours contesté les accusations, affirmant qu’il n’avait jamais forcé la jeune femme à se rendre chez lui, et qu’il ne s’était jamais senti mal à l’aise. Selon lui, elle aurait pu être traumatisée par le tournage du film et lui en voudrait de ne pas en faire plus avec lui.
« Répercussions psychologiques »
« Adèle Haenel a rapporté de manière détaillée, constante et précise plusieurs épisodes d’attouchements sexuels sur son pénis et sa poitrine, apportant des précisions sur l’évolution des faits, sur leur caractère systémique lors des visites au domicile de Christophe Ruggia, sur la configuration des lieux. , de leurs positions respectives et de leurs modes opératoires”, a observé le juge d’instruction dans l’ordonnance de renvoi.
Il a souligné “les répercussions psychologiques” des agressions sur la plaignante, qui s’est confiée “au fil des années” à des proches. Pour le magistrat, “l’absence de consentement”, donc “la contrainte”, se caractérise par l’âge d’Adèle Haenel au moment des faits et “par la différence d’âge notable entre les deux protagonistes”. Depuis plusieurs années la comédienne ferme la porte au cinéma français.
Les avocats du réalisateur, Fanny Colin et Orly Rezlan, n’ont pas souhaité commenter avant le procès.
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