La texture des souvenirs prend la forme d’empreintes douces, réalisées en latex à l’échelle architecturale par Heidi Bucher (1926-1993). « Les morceaux sont des coquilles, ce sont des peaux. Enlevez peau après peau, jetez-la avec ce qui est refoulé, négligé, gaspillé, perdu, englouti, aplati, désolé, inversé, dilué, oublié, persécuté, blessé. »» a écrit l’artiste et performeuse féministe d’avant-garde suisse. Redécouverte tardivement grâce à une rétrospective à Munich, en Allemagne, en 2021, son œuvre, aussi mélancolique que saisissante, a été réalisée au prix d’énormes efforts physiques pour extirper ces restes fantomatiques. Dans la galerie parisienne, un couloir de 9 mètres de long, éloigné de la demeure de ses ancêtres, devient une tenture verticale ; un spectre de fenêtre vient habiter un mur aveugle ; la porte d’entrée du sanatorium Bellevue au bord du lac de Constance, où Freud a traité son premier sujet, hante ce qui était un cabinet de psychanalyste. Fragiles au fort pouvoir évocateur, ces lambeaux monumentaux deviennent des réservoirs sensoriels de mémoire et d’étonnants exorcismes, parfois rehaussés de couleur nacre. Emmanuelle Jardonnet
“La Rose de Paris”. Galerie Mendes Wood DM, 25, place des Vosges, Paris 4ejusqu’au 25 janvier 2025.
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