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Sharon Stone et Alec Baldwin se déchaînent contre les Américains

Cette semaine, les acteurs Alec Baldwin et Sharon Stone se sont déchaînés sur les citoyens américains pour expliquer la victoire de Donald Trump.image : getty, montage : watson

Commentaire

« Ignorants », « arrogants », « sans passeport ni culture ». Cette semaine, les acteurs Alec Baldwin et Sharon Stone se sont déchaînés sur les citoyens américains pour expliquer la victoire de Donald Trump. Tous les quatre ans, des célébrités sortent de leurs bunkers nichés à Hollywood pour tester leur influence et leurs compétences politiques. Ce n’est pas seulement condescendant, mais contre-productif.

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« Les Américains sont-ils stupides ? Cette question tourmente les politologues européens, les équipes de campagne, les médias, les écrivains et les comptoirs des bars du PMU depuis des décennies. L’Américain a toujours obsédé le reste du monde. Ce monde qui pourtant utilise ce qu’il invente, qui parle son langage pour être universellement compris et qui attend sa réaction pour remuer un cil.

Cette obsession maintient l’Américain en permanence immergé dans des clichés rassurants. À savoir, il mange de la merde, boit du sodium, tire avec son arme, dort dans son SUV, se brosse les dents avec du beurre de cacahuète, vote avec ses pieds et ne peut même pas indiquer la Finlande sur une carte. (Comme si on pouvait citer le Paraguay ou le Wisconsin sans se tromper, mais c’est une autre histoire.)

Bref : une cible facile.

Hollywood a peu ou prou la même idée de ces cous rouges sans matière grise qui n’auraient pas réalisé à quel point Donald Trump est un danger pour leur propre avenir. Cette semaine, à quelques heures d’intervalle, deux acteurs démocrates se sont déchaînés sur les citoyens américains pour expliquer la victoire du milliardaire populiste. Invités du Festival du Film de Turin, Sharon Stone et Alec Baldwin ont profité d’être à des milliers de kilomètres des Etats-Unis pour se lancer dans des analyses politiques.

En gros, voici à quoi cela ressemble :

Pierre Sharon :

« Les Américains qui ne voyagent pas, dont 80 % n’ont pas de passeport et qui sont sans instruction, sont extraordinairement naïfs. Ce pays est dans son adolescence ignorante et arrogante.

Alec Baldwin :

« Les Américains ne savent pas grand-chose du monde »

Même si la moitié des Américains possèdent effectivement un passeport (désolé Sharon), la question n’est pas de savoir si leurs analyses sont pertinentes. Le problème est que nous n’avons jamais eu besoin de la science hollywoodienne pour savoir que de profondes inégalités réduisent l’accès à l’éducation à une course du combattant. Qu’une fois loin des grands centres urbains, il faut se lever tôt pour trouver du travail, un médecin disponible, un bus qui ne grince pas, un guichet ouvert.

Sharon et Alec auraient pu s’exprimer sur les institutions, l’état de l’administration et les politiques en place, mais cela demande un peu plus de compétences et de temps que de traiter le citoyen moyen comme un imbécile devant les micros européens.

Quelle étrange condescendance de profiter d’un aller-retour gratuit en jet privé et d’un palais italien pour engueuler l’ouvrier américain qui ne met pas les pieds dans un avion. Le réflexe des deux millionnaires ressemble aussi à la réaction de Joe Biden, lorsqu’il a perdu son sang-froid en traitant les électeurs de Donald Trump de « détritus flottants ».

En d’autres termes, les cibles visées vivent précisément là où le mot démocratique résonne le moins. Où l’élite de gauche n’arrive plus à convaincre. Là où les célébrités ne possèdent pas de propriété : États clés. Dans sa première interview d’après-défaite, mercredi soir, le patron de campagne de Kamala Harris s’exprimait les yeux grands ouverts :

« Pour 2028, surtout là où nous constatons une dérive parmi les électeurs non universitaires, les démocrates ne peuvent pas se permettre de perdre davantage de leur base avant les prochaines élections »

David Plouffe, sur le podcast Démocrate Pod Sauver l’Amérique

Le simple fait de traiter les Américains d’ignorants aidera-t-il les caïds démocrates à rassurer leur base ? Le doute est permis. Bien entendu, les célébrités ne sont pas des robots et se barricader dans les collines d’Hollywood ne les empêche pas de vouloir apporter leurs fraises à tout et son contraire. Leurs cris bruyants doivent encore servir les intérêts de leur parti et l’avenir du pays.

Si le poids du soutien des stars aux candidats démocrates est difficile à mesurer, la grosse machine à paillettes déployée par Kamala Harris ne l’a pas fait gagner. Taylor Swift et Beyoncé ont peut-être un pool de groupies qui leur confère une certaine influence, mais leur style de vie et leur carrière n’auront jamais d’impact sur la qualité de vie des Américains qu’elles ne rencontreront jamais.

Cette semaine, en faisant la leçon aux Américains sans s’appesantir sur les conséquences, Alec Baldwin et Sharon Stone, malgré leur bonne volonté, n’ont fait qu’alimenter l’extrême droite et creuser le fossé entre le parti et son électorat. Si les démocrates veulent se faire comprendre d’ici 2028, ils feraient bien de briefer (bâillonner ?) ceux qui les soutiennent.

Comme le disait le génial Ricky Gervais il y a quatre ans, abordant avec un humour cruel ce fléau hollywoodien :

« Si vous gagnez un prix ce soir, ne l’utilisez pas pour prononcer un discours politique. Vous n’êtes pas en mesure de faire la leçon au public. Vous ne connaissez rien du monde réel et la plupart d’entre vous ont passé moins de temps à l’école que Greta Thunberg.

Ricky Gervais, aux Golden Globes en 2020.

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