Elle fait partie des étoiles montantes. Née en pourpre, Elisabeth Allaire, fille de Philippe et petite-fille de Pierre-Désiré, deux très grandes figures du trot, n’a cependant pas totalement suivi les traces de ses prédécesseurs. Et pour cause, il y a deux ans, elle a décidé de se lancer comme entraîneuse… au galop. « Quand j’étais jeune, je voulais rejoindre l’Afasec de Grosbois mais mon père me l’a interdit. La raison ? J’étais petit et léger donc, selon lui, je devais galoper à tout prix.” » avoue la jeune femme qui soufflera sa 31e bougie en décembre prochain. « Donc je me suis retrouvé à Afasec, mais finalement à Gouvieux ! Parallèlement, j’ai passé deux années chez Alain de Royer Dupré où j’ai passé de très bons moments. A l’époque, Francis-Henri Graffard était son entraîneur adjoint. Et au terme de ces deux années, cette dernière m’a permis de rejoindre John Gosden. Je n’avais que seize ans. Avec le recul, je le regrette un peu car peut-être je n’étais pas assez indépendant. J’aurais préféré y aller quelques années plus tard car je suis convaincu que j’aurais appris plus de choses.Forte de ces expériences à l’étranger, Elisabeth Allaire décide néanmoins de revenir sur ses pas ou plutôt au sein du cercle familial. « Dès mon retour en France, j’ai travaillé pour mon père et j’ai obtenu mon brevet de jockey. J’ai réussi à perdre la décharge, mais une fois que je l’ai perdue, c’était plus difficile. Mon père n’avait pas forcément beaucoup de chevaux pour moi, et pour ma part, je n’avais pas envie de monter juste une seconde chance. Vainqueuse soixante fois (56 à cheval et 4 à l’attelé), Elisabeth Allaire donne donc (encore) un nouvel élan à sa carrière et décide de se remettre au galop. « Cela m’a permis de voyager aux États-Unis mais aussi en Irlande, chez Willie Mullins et Joseph O’Brien. Je suis resté trois ans chez ce dernier” détaille notre interlocuteur avant de nous expliquer exactement ce qui a pesé sur la balance pour décider de rester définitivement dans le monde du galop « J’ai toujours aimé voyager. Au trot c’est plus compliqué et surtout plus restreint. Pour être honnête, je dirais que même si j’avais eu la chance de rouler dans la fissure, je serais quand même allé au galop. Cette discipline me fascine. À l’époque, je ne me voyais pas travailler pour quelqu’un d’autre que mon père. En plus, j’ai travaillé à ses côtés pendant deux ans et ça m’a suffi (rires) !
« Mon envie a toujours été de devenir coach »
Débuts en tant que réalisateur
Après toutes ces années d’apprentissage aux côtés des grandes figures du galop, Elisabeth Allaire décide de franchir le pas et de créer sa propre entreprise à l’âge de 28 ans. “Mon envie a toujours été de devenir coach. J’adore rouler tous les matins. Je ne me voyais pas assis là à bouder. J’aime le contact avec le cheval. L’obstacle m’excite plus que l’appartement. Avec un joli pourcentage de réussite de 15%, Elisabeth Allaire fait partie de la vague des jeunes développeurs qui s’autonomisent. Interrogé sur les qualités nécessaires que doit avoir un jeune entraîneur, il répond : « Il faut avoir des résultats. A Paris, c’est encore mieux. Les nouveaux outils numériques comme Arioneo (des capteurs pour suivre les performances et la santé des chevaux, ndlr) nous aident, mais ne remplaceront jamais l’œil de l’entraîneur. Il est important d’être en contact avec vos chevaux. Je ressens le besoin de les travailler, de les faire exploser. Je dois les connaître par cœur. Comme mes morceaux que je connais comme ma poche. Les yeux de la jeune femme brillent lorsqu’elle évoque ses tracks. D’ailleurs, tout laisserait penser qu’il s’agit d’un centre d’entraînement public ou d’un hippodrome, mais il n’en est rien ! Il s’agit en fait d’une structure privée. Tout près de la grange principale, qui abrite une trentaine de boxes, se trouve une piste circulaire de 1 200 mètres avec un huit au centre. Deux marcheurs sont également présents. Tout comme une piste droite (faite de copeaux de bois) longue de 1 100 mètres qui se termine en montée. Ce dernier est aussi sa plus grande fierté. “J’ai toujours rêvé d’avoir une piste sur les collines. Cette envie m’est venue grâce à mes différentes expériences à l’étranger. Pour les bêtes de somme, c’est génial. J’ai eu beaucoup de chance car cette structure était incluse au moment de mon installation. De l’extérieur, l’ensemble semble consolidé et très fonctionnel, mais le propriétaire des lieux ne cache pas sa volonté d’introduire de nouveaux outils. « J’ai pour ambition de faire un parcours de cross, des lignes d’obstacles sur une étendue d’herbe ou encore un parcours d’obstacles de type « point à point » avec un dénivelé comme on peut le voir outre-Manche. Cela permettrait de mieux entraîner les jeunes chevaux mais aussi de redonner du moral aux plus âgés. J’ai vraiment envie de sauter à cheval en montée. J’aimerais vraiment ça.
“Quand on est jeune, c’est très difficile d’avoir des chevaux de qualité dans ses écuries”
Avoir la confiance des grands propriétaires
Les bons résultats ne sont pas uniquement dus aux pistes de son site situé à Crèvecœur-en-Auge (14). Ils tirent aussi (beaucoup) du talent du jeune développeur. Sans hésiter, il accepte de nous livrer ses secrets. « Ma méthode d’entraînement est basée sur l’entraînement fractionné. J’ai appris cela de mon père. Au trot, cela arrive souvent. Les chevaux doivent parcourir des kilomètres. Je les fais beaucoup travailler leur cardio. Cela va très bien avec des chevaux un peu en dessous des meilleurs, car cela permet de travailler longtemps mais pas avec difficulté. Chaque jour, Elisabeth Allaire peut compter sur l’aide et l’expérience précieuse de son partenaire et jockey Théo Chevillard. “Il m’aide beaucoup à l’écurie. Nos personnages sont différents, donc c’est très positif. Pour ma part, j’ai tendance à être rapide dans mes pensées mais aussi dans mes décisions. Théo est plus calme. Cela me convient un peu car je reconnais que j’ai toujours mon personnage « Allaire » ! Plus sérieusement, quand il mène mes pilotes en course, c’est évidemment un avantage car il les connaît presque aussi bien que moi.” Ces derniers mois, une autre aide précieuse est venue s’ajouter, celle d’importants propriétaires comme Hugo & Pierre Pilarski, l’écurie Hub de Montmirail et le Haras Scea Hamel. « Il est important d’avoir leur confiance s’exclame-t-il, Car quand on est jeune il est très difficile d’avoir des chevaux de qualité dans ses boxes. Au début, nous collectons principalement des femelles et des seconds choix. Cependant, c’est très appréciable lorsqu’on arrive à obtenir des résultats avec un cheval qui n’a pas un bon palmarès. Cela signifie que le travail a payé et qu’il s’est endurci. Et qui sait, dans le futur j’aurai la chance d’avoir des chevaux de bonnes origines.”
Sa vision de son écurie et de la course
Chaque jour Elisabeth Allaire veille sur une trentaine de chevaux. Un chiffre qui ne souhaite visiblement pas particulièrement augmenter. « Cela ne changera pas mon organisation si j’avais moins de chevaux. En revanche, je recherche constamment et activement la qualité. Je me fiche de la quantité. Ce que j’aime, c’est la qualité. Cela ne sert à rien d’avoir soixante-dix chevaux qui n’avancent pas. J’en préfèrerais trente qui soient bons. Elisabeth Allaire « sort » de bons chevaux chaque année depuis son installation. L’année dernière, Kamsinée lui offre une victoire de prestige en remportant le Prix Magalen Bryant (Gr. II) (anciennement Prix Bournosienne) à Auteuil. Dans le processus, Guarana il remporte le Prix André Michel (Gr. III), toujours sur la colline de Mortemart. Cette saison est appelée son joyau de la couronne Kamaro d’Huez (voir encadré), vainqueur de l’AQPS « Arc », du Prix de Craon (Gr. I). Ces trois individus sont nés pour prospérer face aux obstacles. L’issue de l’affaire ? Pas vraiment, puisque son effectif est majoritairement composé de sauteurs. « C’est plus compliqué de réussir en plat, surtout quand on n’a pas de grandes origines. Dans les sauts, il est plus ouvert. Je trouve qu’on est moins coincés en termes de handicap. Il y a plus de possibilités. Ainsi, on peut plus facilement façonner un cheval de plat qui n’est pas très bon et en faire un bon cheval de saut.Elisabeth Allaire ne cache pas qu’elle préfère l’obstacle à l’appartement et cela se voit clairement lorsqu’elle évoque ses objectifs futurs. “J’espère avoir un bon cheval pour courir le Grand Steeple-Chase de Paris (Gr. I), mais je ne suis ici que depuis deux ans, donc je sais que je dois être patient. Il ne faut pas baisser les bras et continuer à obtenir des résultats et surtout être le plus constant possible. Battre le record de victoires, c’est bien. Mais être cohérent, c’est encore mieux. Alors, si je pouvais n’avoir que cinq chevaux pour courir les belles courses d’Auteuil, ce serait déjà magnifique…” Magnifique, c’est certainement l’adjectif idéal pour décrire sa vie, celle d’une amoureuse du travail bien fait.
Pourquoi Kamaro d’Huez n’a-t-il pas couru contre Renaud du Vivier ?
J’ai décidé de ne pas courir avec lui parce que je ne voulais pas qu’il fasse une course difficile. Ce n’est pas mon envie de courir juste pour me dire que j’ai un partant dans le Groupe I. Je pense avant tout au cheval. Il aura des courses plus faciles comme le Prix Léopold d’Orsetti (Gr. III), le 29 novembre à Compiègne, ou le Prix François de Poncins (L.), le 8 décembre à Auteuil. Ensuite, je reste convaincu qu’il a les qualités nécessaires pour réussir au Putois. Une chose est sûre, je choisirai le plus simple en fonction des adversaires.
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