A 39 ans, Mylène Bertaux publie une enquête sur la place unique qu’occupent les chiens dans nos vies aux Éditions Fayard. Des mots mordants de la part d’un « dogmum ».
« Elle est absolument adorable, incroyable, belle, objectivement parfaite. D’accord, ce n’est peut-être pas la chips la plus croustillante du pack, mais à mes yeux, c’est HPI. A écouter Mylène Bertaux, 39 ans, on pourrait croire qu’elle nous parle de sa fille. Ne vous y trompez pas, elle fait l’éloge de sa « fille » : Toutoute, un bouledogue français de 2 ans et demi. Cette « boule d’amour de 10,5 kg » a révolutionné sa vie et lui a même inspiré une enquête mordante, qu’elle vient de publier chez Fayard : Toutoute – La nouvelle place du chien dans nos vies (1).
En 2020, le monde est en pause. Le coupable ? Le Covid-19 qui plonge la planète dans une crise sanitaire sans précédent. En France, c’est la paralysie et plusieurs confinements sont décrétés. Mylène Bertaux, journaliste à Paris, vit au même moment un tournant. « Je me suis retrouvé seul dans mon appartement mansardé. Très mignon, mais aussi très petit. Et là, comme tout le monde, la solitude me pesait.» L’épreuve est d’autant plus compliquée que la trentenaire a rompu quelques temps plus tôt et que depuis, elle ne côtoie plus le petit staff de son ex-compagne. «Pendant la séparation, ce chien m’a beaucoup manqué. C’est la première fois que je ressens le manque d’un non-humain.
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Après l’extase, le “puppy blues”
Outre cette rupture canine, un coup de cœur pour un autre chien – Pep’s, la mascotte de l’agence d’influenceurs Follow rencontré lors d’un rendez-vous professionnel – a suffi à faire germer dans l’esprit de la journaliste l’idée qu’elle pourrait elle aussi adopter une petite boule de poils. « À l’époque, j’étais un peu instable et quand j’ai vu ce bouledogue, j’ai eu une révélation : je me suis dit que ces influenceurs avaient l’air heureux. A partir de ce moment, je commencerai à scroller Instagram où le petit chien représentait pour moi la vie parfaite, la réussite sociale, le bonheur.
Mylène Bertaux retrouve enfin l’amour et convainc son nouveau partenaire d’adopter un chiot. Elle jette son dévolu sur un petit bouledogue français, aussi mignon qu’elle. Après un voyage en train jusqu’à Sin-le-Noble, près de Valenciennes, l’adoption de Toutoute est finalisée. Le journaliste se souvient encore de leurs premiers instants : « Clairement, il y a un avant et un après Toutoute. À la ferme, quand on me le met sur le cœur pour la première fois, quelque chose de chimique se produit. Je vois des arcs-en-ciel, je m’emporte parce que je me sens tellement submergé d’amour. Cette extase dure une semaine. « Toute mon attention est concentrée sur cette bête. Je lui achète des petits alèses, des jouets, des croquettes…. Et surtout, j’ai très peur qu’on la vole.»
Petit à petit, la vie commence à se mettre en place mais Mylène se sent soudain dépassée par la montagne de responsabilités. « Je me rends compte qu’il faut souvent sortir un chien. Et puis elle grossit. La charge me paraît énorme et m’écrase. Et je commence à déprimer. Ce phénomène porte un nom : le « Puppy Blues ». Des chercheurs de l’Université d’Helsinki l’ont récemment souligné dans une étude portant sur 2 000 « parents » de chiens. Environ 10 % d’entre eux ont ressenti de l’anxiété, de la frustration et de l’épuisement après leur adoption. Partant de ce constat, les entreprises vantent aujourd’hui les bienfaits du « pet at work » : moins de stress, une meilleure communication entre les équipes et tout simplement plus de bien-être au travail.
Une nouvelle sociabilité
Après des premiers mois d’angoisse, Mylène Bertaux doit surmonter « l’adolescence de Touteoute », garder son calme face aux chaussures mâchées et aux câbles électriques mâchés. Et là, les premières disputes surviennent avec son compagnon. La cause : une mauvaise répartition des tâches (visites chez le vétérinaire, promenades, achat de croquettes…). « Je me dis que si c’est déjà compliqué avec un chien, ce sera encore plus compliqué avec un enfant. En réalité, Toutoute a exacerbé nos problèmes relationnels préexistants. Mylène finira par se séparer, quelques mois plus tard, du « papa chien » de Toutoute.
Et il n’y a pas que dans ses relations amoureuses que le petit bouledogue transforme la vie de sa maîtresse. « Ce n’est pas un enfant, mais ce n’est pas non plus une plante verte. Elle m’a réconcilié avec une forme de sociabilité. Les promenades quotidiennes au parc à chiens ont ouvert de nouveaux horizons : des rencontres, des discussions légères avec d’autres propriétaires de chiens et une nouvelle routine. « Durant la période Covid, j’ai été vraiment frappé par la solitude. Toutoute m’a sorti de cette bulle et m’a sauvé d’une manière ou d’une autre. Elle m’a remis dans un quotidien plus ancré, avec le simple plaisir de rester à la maison pour la câliner, sans culpabiliser.
Un tournant dans la carrière
Inspirée par Toutoute, Mylène a même pris un virage professionnel : partir en « tour du monde » (un voyage pour explorer les destinations les plus « canines » de la planète) et écrire un livre à ce sujet. « D’un point de vue personnel, ce voyage m’a permis de renouer avec une partie de moi-même que j’avais voulu enterrer. Quand j’étais plus jeune, j’ai vécu plusieurs années au Mexique. Grâce à Toutoute, je suis revenu sur les traces de mon passé. Pendant quatre mois, le journaliste « tout terrain » a erré entre plusieurs destinations : Bangalore, Séoul, Los Angeles, New York, Mexique ou encore Chihuahua. Là, elle part à l’assaut des quartiers les plus bohèmes chien amicaloù vous buvez votre matcha latte pendant que les chiens boivent leur « puppuccino » (boisson à la crème fouettée). Au cœur de la capitale sud-coréenne, elle rencontre Kylie et son caniche Angjoo. « Quand je l’ai rencontrée, Kylie venait de fermer l’entreprise familiale d’import-export et de quitter un travail un peu ennuyeux. Depuis, elle est devenue toiletteuse pour chiens et c’est grâce à son petit chien.
Lors de son voyage en Californie, la journaliste française a contacté Ellen, derrière le très populaire compte Instagram du bouledogue et « petfluencer » Marvel – il compte désormais 383 000 followers. Dans ce cas, le chien vedette était une bouée de sauvetage pour sa mère, une Ukrainienne vivant à Los Angeles. « Lorsque la guerre en Ukraine a éclaté, Ellen était déjà aux États-Unis. Ses parents étaient toujours là et vivaient dans une zone très dangereuse. Au moment où ils ont pris la fuite, Ellen était paniquée et se sentait impuissante. Pour s’occuper l’esprit, elle a alors eu l’idée de créer des vidéos avec son chien. Deux ans et 500 publications plus tard, le succès est au rendez-vous. La preuve : même Lady Gaga a laissé un commentaire à destination de Marvel, disant à quel point il est « emblématique ». Quant aux parents d’Ellen, ils ont bénéficié d’un programme pour être réfugiés aux Etats-Unis, et vivent aujourd’hui grâce aux revenus tirés de l’entretien du petit bouledogue et de sa maîtresse.
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Désir de maternité
Lorsqu’on demande à Mylène Bertaux si elle prépare la mort de Toutoute, elle esquive : “Non, elle ne mourra jamais !” La journaliste poursuit en disant qu’elle est visiblement consciente que son petit chien « ne sera pas éternel ». D’autant qu’elle accumule les problèmes de santé. C’est pour cette raison que le trentenaire a décidé d’en profiter, préférant les soirées lovées sous la couverture en train de bécoter Toutoute plutôt que les pintes de bière en terrasses. Est-ce suffisant pour assouvir son désir de maternité ? « À vrai dire, je ne sais pas si je rêve d’un deuxième chien ou d’un enfant. Toutoute n’a pas remplacé mon désir de maternité mais elle a quand même apaisé un manque. En attendant, le nom tatoué sur l’avant-bras gauche de Mylène Bertaux est bien celui de Toutoute.
(1) Tout. La nouvelle place des chiens dans nos viesFayard, 22,90€.
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