Il y a 10 ans, quelques amis rêvaient d’un projet fou : trouver un endroit pour vieillir ensemble. Aujourd’hui, 21 femmes âgées de 59 à 81 ans emménagent enfin dans leur tout nouveau logement…
“Oh non! Je ne veux pas être avec une bande de vieilles femmes ! »
C’est ce que se disait Lise Moisan lorsque quelques amies qui refaisaient le monde autour d’un verre l’ont approchée en 2015. Elles ont eu une idée : créer une communauté intentionnelle pour les lesbiennes vieillissantes… en tant que militante féministe, Lise pourrait-elle s’intéresser à une telle communauté ? projet?
(Permettez-moi de rafraîchir votre vocabulaire de l’habitat collectif : une communauté intentionnelle est un groupe qui partage des valeurs et des ressources communes.)
Si Lise n’était pas convaincue, son partenaire l’était. Elle vivait avec un cancer du sein et savait que son temps était compté… Elle a rappelé à Lise que malheureusement elle ne serait pas toujours là et l’a encouragée à réfléchir à la suite. Lise s’est rendu compte que s’unir à ses pairs pouvait en fait contrecarrer certains des aspects négatifs du vieillissement.
« Les pertes que nous commençons déjà à subir sont assez impressionnantes », m’explique Lise Moisan, 72 ans… Force physique, mémoire, puissance économique, santé, mobilité, etc. Et il y a un risque d’isolement, comme la plupart d’entre nous. ne sont plus sur le marché du travail. »
Bref, Lise a vite changé d’avis, et c’est alors que la Maison des RebElles est née. Dès 2015, l’objectif des 10 membres du collectif était clair : former une communauté intentionnelle pour les lesbiennes de 55 ans et plus et leurs alliées. Le tout selon une approche abordable, écologique et durable.
Pourquoi pour « les lesbiennes et leurs alliées » ? Car comme beaucoup de femmes, les lesbiennes sont susceptibles de connaître une précarité économique en vieillissant, mais elles risquent également de souffrir de marginalisation en raison de leur orientation sexuelle. Certains ont dû recomposer une « famille élue » lorsque leurs proches les ont rejetés. La communauté est importante pour eux ; malheureusement, certaines personnes retournent au placard pour éviter de vivre de l’homophobie lorsqu’elles emménagent dans une résidence pour personnes âgées. L’objectif ici est de protéger les membres de toute forme de haine ou d’isolement. C’est pourquoi la Maison des RebElles pourrait également ouvrir ses portes à celles qui se considèrent comme des alliées et qui choisissent de vivre parmi les femmes, quelle que soit leur orientation sexuelle.
« L’idée est de créer un environnement qui honore la vie de chacun et où il n’y a pas de honte à être qui on est », résume Lise Moisan. Où nous partageons aussi certaines spécificités culturelles et politiques… Ensemble, nous pouvons continuer à nous impliquer ! C’est un projet pilote et cela me passionne beaucoup. À notre âge, c’est le bon moment pour faire quelque chose d’inhabituel et de créatif. Nous ne pouvons pas juste se reposer.
– Pourquoi pas ?
— Le repos n’est pas pour tout le monde », a répondu le co-fondateur du magazine. La vie en rose.
Pour concrétiser leur projet, les femmes ont frappé à la porte du groupement de quartier Bâtir son, qui soutient le développement de l’habitat communautaire. En 2019, pour avoir plus de poids, elles s’associent à deux autres organisations qui militent pour l’amélioration des conditions de vie et d’hébergement des femmes vulnérables : Logifel (pour les femmes ayant vécu l’itinérance) et Lib’eux (pour les femmes mères de familles monoparentales). ). La même année, un site capable d’héberger les trois initiatives est trouvé. Il s’agissait d’un nouvel immeuble à condos situé dans le sud-ouest de Montréal, dont une superficie serait dédiée au logement social en vertu du Règlement d’une métropole mixte.
Cinq ans plus tard, le collectif arrive enfin à la maison… Saluons la COVID-19, la fin d’AccèsLogis Québec et la mise en place du Programme québécois de logement abordable pour les délais! Les déménagements ont débuté à la mi-octobre et dureront jusqu’en janvier 2025.
Qui dit « communauté intentionnelle » dit vie partagée. Les résidents disposent donc de leur propre petit logement et bénéficient d’espaces communs. Deux appartements ont été réunis pour créer une grande pièce dans laquelle ils peuvent cuisiner, faire du yoga, faire la fête et faire d’autres activités de groupe.
Afin d’assurer une certaine harmonie, comme dans plusieurs OBNL d’habitation, un processus de sélection a été mis en place pour combler les 21 logements. Alexandra Henriques, 68 ans, n’a pas hésité une seconde lorsqu’elle a vu l’annonce présentant l’initiative dans le bulletin du Centre lesbien de Montréal… Elle résidait alors au Québec et espérait déménager à Montréal depuis plus de trois ans. Cependant, elle n’a pas réussi à trouver sa place dans une coopérative et a adhéré à ce modèle pour l’aspect communautaire qui le caractérise.
Alexandra déballe aujourd’hui ses cartons chez elle et se réjouit que les premiers locataires organisent déjà des dîners de groupe.
«J’ai vécu à Vancouver et j’y ai géré un programme pour les personnes âgées LGBTQ+», me dit-elle. J’ai sensibilisé les employés des résidences pour personnes âgées aux enjeux auxquels est confrontée cette population. Plusieurs résidences ont la volonté, mais on ne peut pas contrôler les résidents… Les méchants que nous avons croisés au lycée existent toujours, c’est juste qu’ils sont dans les résidences ! Nous avons besoin de plus de projets comme celui-ci parce que nous voulons nous sentir en sécurité dans nos vieux jours. Il n’y aura pas d’homophobie ici. »
Puis, ajoute-t-elle en riant : “Mais bon, il y a peut-être autre chose… On verra bien !” »
A un mois du déménagement, Lise Moisan sait aussi que l’initiative comporte son lot d’inconnues : « C’est beaucoup de défis pour que ça marche… J’ai un peu peur et je suis très excitée en même temps ! »
La bonne nouvelle, c’est qu’elle est consultante spécialisée en développement organisationnel et en résolution de conflits… S’il y a une querelle, ce ne sera certainement pas la première. Et, dans le meilleur des cas, ce sera le début d’un nouveau chapitre sûr et stimulant pour une vingtaine de pionniers.
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