La relation est légendaire haine-amour de l’Amérique avec la France. Une légende qui dure depuis de nombreuses années et à plusieurs niveaux, à commencer par la gastronomie.
J’adore le Frites, les Américains les avaient boycottés en 2003, mais à regret. Il s’agissait de représailles contre la France… qui n’avait pas pris le parti des États-Unis lors de la guerre contre l’Irak.
Une petite parenthèse qui ne leur fera pas perdre leur enthousiasme pour cette fameuse cuisine tricolore, mythique à leurs yeux, inculquée par Julia Child. L’emblématique chef américaine avait en effet introduit la gastronomie française dans les foyers de la ville de l’Oncle Sam dans les années 1960, animant à sa manière des programmes télévisés tournés dans sa propre cuisine, terminant ainsi chacun de ses épisodes avec son accent californien par un inoubliable”. Bon appétit!” »
Julia Child (1912-2004) fut aussi la grande référence pour les plats de son terroir qu’elle avait bien peaufinés dans divers ouvrages (toujours consultés). Sa cuisine est devenue historique depuis qu’elle a été réinstallée au National Museum of American History sous la Smithsonian Institution. Loin d’être une installation fixe, elle donne toujours lieu à des activités socioculturelles. Plus récemment, c’est là qu’a eu lieu un gala organisé par le musée sous le titre Food History Gala.
L’œuvre qui vient de sortir, un bel hommage à Child Photo prise sur les réseaux sociaux
Un prix qui perpétue une tradition
Lors de cet événement, dans sa dixième édition, le Julia Child Award, décerné par la Fondation Julia Child pour la gastronomie et les arts culinaires, a été décerné, comme le veut la tradition, à une personne ou à un groupe qui a eu un impact significatif sur la manière dont les Américains cuisiner, manger et boire. Cette année, la gagnante était une chef active dans ce domaine, Alice Waters, fondatrice du restaurant Chez Panisse en Californie. Le plaçant ainsi dans la lignée « tricolore » de Julia Child, dont l’attachement culinaire français a représenté une étape importante dans sa vie et sa carrière.
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« Huîtres, sole meunière et bon vin, une ouverture d’âme »
Tout a commencé pour Child lorsque son mari, Paul Cushing Child, a été nommé par le Département d’État au poste de directeur du renseignement à l’ambassade américaine à Paris. Le couple s’y installe en 1948. Julia Child évoque à plusieurs reprises son premier repas au restaurant La Couronne à Rouen, qui fut pour elle une véritable révélation culinaire. Il avait donc confié cette affaire à New York Times que « le repas des huîtres, de la sole meunière et du bon vin fut pour moi comme une ouverture de l’âme et de l’esprit ». Elle s’inscrit ensuite à la célèbre école de cuisine Cordon Bleu à Paris et en sort diplômée en 1951. Elle se perfectionne grâce à des cours particuliers dispensés par des maîtres cuisiniers et rejoint le club de cuisine féminin, Le Cercle des gourmettes, où elle rencontre Simone Beck (auteure de culinaire). qui écrivait un livre de cuisine française pour les Américains avec son amie Louisette Bertholle. Beck demande à Child de la rejoindre pour que les Américains aiment le livre. Le trio sort Maîtriser l’art de la cuisine françaisepublié à New York. Ce livre innovant, à contre-courant de la tendance de l’époque qui était de promouvoir le Fast Food, présente des plats adaptés aux goûts du public américain avec un guide étape par étape pour chaque recette. Child, Beck et Bertholle avaient également enseigné la cuisine à des Américaines à Child’s Kitchen à Paris, appelant leur école informelle L’École des trois gourmandes.
Les outils de travail de l’enfant. Extrait du livre « La cuisine de Julia Child : design, outils, histoires et héritage d’un espace iconique ».
Un grand impact sur les familles américaines
De retour chez elle, Julia Child a emporté toute la cuisine française avec elle dans ses bagages. Son apparition en 1961 dans une émission de critique de livre sur une chaîne de télévision à vocation éducative a conduit à sa première émission de cuisine télévisée intitulée Le chef françaisa commencé sous forme de série pilote en juillet 1962. Les téléspectateurs ont été particulièrement attirés par la démonstration de Child préparant magistralement une omelette. Avec un succès immédiat, Le chef français il sera diffusé en direct pendant dix ans et remportera de nombreux prix. La personnalité de Julia Child doit beaucoup à ce succès populaire auprès des familles américaines, son enthousiasme joyeux, sa voix résolument rauque mais aussi son attitude incondescendante et franche. Toby Miller, critique de télévision, rapporte les propos d’une mère : « Tout ce qui s’interposait entre moi et la folie, c’était la chaleur de Julia Child.. » De plus, Miller souligne que la série a commencé avant le mouvement féministe des années 1960, ce qui signifie que les problèmes rencontrés par les femmes au foyer ont été quelque peu ignorés par la télévision.
Jusqu’à sa retraite en 2001, Julia Child était encore derrière les fourneaux, sur le petit écran et dans la trentaine de livres qu’elle a écrit. Son art très particulier reste aussi influent aujourd’hui qu’il y a plusieurs décennies. On se souvient aussi du rôle joué par Meryl Streep dans le film Giulia et Giulia chez Nora Ephron.
En témoigne la publication à l’occasion du Prix Julia Child 2024 d’un bel ouvrage illustré de Paula J. Johnson, préfacé par Jacques Pépin, chef français, auteur d’ouvrages culinaires et animateur de programmes télévisés.
Dans La cuisine de Julia Child : design, outils, histoires et héritage d’un espace emblématiquele lecteur pourra s’immerger dans l’univers de Child, retrouver ou découvrir ses centaines d’ustensiles et électroménagers, près d’un millier, côtoyant des œuvres d’art, bibelots, livres et objets imaginaires, et lire de nombreuses interviews et témoignages de chefs qui ont travaillé avec elle. . Le tout accompagné de très belles photos. Le talent de ce jovial chef gastronomique, proche du public et protagoniste incontesté du petit écran, se confirme une nouvelle fois. Une soupe de culture et de joie de vivre.
La relation amour-haine de l’Amérique avec la France est légendaire. Une légende qui perdure depuis de nombreuses années et à plusieurs niveaux, à commencer par la gastronomie. Amateurs de frites, les Américains les ont boycottées en 2003, mais à regret. C’était pour se venger de la France… qui n’avait pas pris le parti…
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