Pour son premier long métrage en tant que réalisatrice, Céline Sallette a choisi d’aborder un très grand pan de l’histoire de l’art chez l’artiste pluridisciplinaire Niki de Saint Phalle.
La réalisatrice porte à l’écran la vie et la réinvention de Niki à travers son autobiographie, Harry and Me: The Family Years, 1950-1960.
Et pour incarner cette femme d’exception, le cinéaste français s’est tourné vers Charlotte Le Bon, dont le choix s’est immédiatement imposé.
Dans le cadre de la 30ème édition du Festival Cinémania, nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le duo de Niki.
Céline Sallette a immédiatement confié avoir envisagé Charlotte Le Bon pour le rôle après avoir vu une interview donnée par Niki de Saint Phalle dans les années 1960.
“Lors de cette interview, il a 35 ans et parle de son travail à un homme qui ne comprend rien à ce qu’il fait, qui est un peu misogyne, mais c’est normal pour l’époque et il ne s’en rend pas compte. c’est important, et c’est très en avance sur son temps, c’est super moderne »explique le réalisateur.
« Charlotte lui ressemblait tellement, ça m’a frappé et je me suis dit qu’il fallait absolument faire un film sur Niki. Et depuis, rien ne lui a été refusé, tant du besoin de raconter son histoire, d’avoir accès à sa modernité, à son pouvoir, que de sa lutte pour devenir vraiment elle-même. »
Niki est aussi une œuvre entièrement centrée sur l’artiste plutôt que sur son œuvre, qui n’est jamais montrée à l’écran.
« Le film se concentre sur les tournants, les moments clés qui l’ont transformée, qui l’ont amenée plus loin dans son voyage. Le film est construit autour de ses combats et de ses épreuves.”souligne Céline Sallette.
« La fondation Niki de Saint Phalle n’en a jamais voulu [donner la permission de présenter les oeuvres à l’écran, ndlr]et elle ne veut pas le faire pour de nombreuses raisons, car c’est très intime pour elle. Comme mes producteurs sont courageux et que je me suis tout de suite dit que je m’en fichais de pouvoir montrer ou non mon travail, nous avons quand même fait le film. »
L’histoire nous est racontée en plusieurs portraits, à travers un montage elliptique, nous présentant une artiste maîtresse de ses moyens, mais constamment en proie à certains traumatismes du passé qui peuvent resurgir à tout moment. Cela dit, ceux-ci ne le définissent jamais.
« C’est comme un fantôme, quelque chose qui est là et qu’elle lutte pour éradiquer, mais qui peut se manifester à tout moment. Elle a déclaré : « J’ai toujours eu peur de rechuter ou que cela m’emporte. » Il s’est toujours battu, mais il a toujours triomphé.affirme le réalisateur.
« C’est un score incroyable, c’est très rare qu’on nous propose des rôles comme celui-là. C’est la partition la plus riche que j’ai jouée depuis que j’ai débuté ce métier, et je savais que je serais très bien accompagnée, j’ai fait confiance à Céline”ajoute Charlotte Le Bon.
« J’avais aussi plusieurs points communs auxquels je m’identifiais. […] J’ai commencé comme mannequin, je me sentais objectivée, je détestais ce métier, puis j’ai eu envie de m’émanciper autrement. Il y a quelque chose qui s’est vraiment cristallisé en moi, en termes d’identité, lorsque j’ai embrassé mon côté créatif. »
Toujours du film Niki -Axia Films
Niki il comprend également une série de séquences assez dures, qui racontent la période passée par l’artiste à l’hôpital psychiatrique. Une scène en particulier, dans laquelle elle se confie à son psychiatre sur les abus qu’elle a subis étant enfant, est assez difficile à digérer quand on voit quels étaient les intérêts premiers du médecin.
Après le retour confirmé de Donald Trump à la Maison Blanche, on se demande jusqu’où nous avons réellement progressé en tant que société depuis quelques temps, notamment en ce qui concerne la cause des femmes.
« Je pense que le terreau de l’extrême droite est la violence et la brutalité. Et ils parlent contre les plus faibles. C’est le royaume de la domination, de l’écrasement. Plus je m’écrase, plus je dis que je vais l’écraser, plus je représente la force et plus les gens me choisiront.dice Céline Sallette.
« L’art peut être une arme qui nous aide à prendre conscience de certaines choses. Mais il faudra toujours être plus fort, chacun à notre niveau, pour lutter. La question est : à quoi ressemblons nous, soldats, culturellement ? Si nous ne créons pas un contre-pouvoir, une contre-histoire, si nous ne racontons pas les histoires différemment, nous sommes morts. »
Paradoxalement, même si les humains n’ont jamais eu accès à autant de connaissances qu’aujourd’hui, il est de plus en plus facile de faire passer de fausses informations pour des faits.
« Je ne pense pas que nous devrions nous mettre la pression, en tant qu’artistes, pour vouloir changer d’avis. Il faut rester pionnier en continuant à faire la lumière sur certaines choses. Les artistes ne changeront pas le monde, ce sont les privilégiés du sommet qui, peut-être, à la fin, bougeront les fesses. Mais je ne sais pas quand ni comment cela arrivera. »continua Charlotte Le Bon.
Pour ces derniers, l’impact positif du film se mesure déjà à travers l’accueil qu’il reçoit des spectateurs.
« Quand je vois l’impact qu’il crée sur les gens, la manière dont il résonne chez certaines personnes, j’ai l’impression que lorsque le film touche, il touche le cœur, il tremble au bon endroit. Et les gens qui viennent me voir me disent : ça me donne du feu, ça me donne de l’enthousiasme, j’ai envie de créer, de parler, de crier. Cela me donne envie d’assumer la responsabilité de tout ce que je fais. Si nous pouvons faire cela avec certaines personnes, nous avons gagné.”affirme l’actrice.
Niki montera sur scène à Québec ce vendredi 15 novembre.
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