Dans ce spectacle « L’érotisme de vivre », vous interprétez les poèmes d’Alice Mendelson, 97 ans. Comment avez-vous rencontré cet artiste méconnu du grand public ?
C’est un conteur – une personne qui vient raconter des histoires aux gens – Pascal Quéré qui fut le formateur de ce poète, ex-professeur de français. À sa retraite, cette vieille dame a décidé de devenir elle-même conteuse. C’était une amie de mon père que je ne connaissais pas. Pascal m’a parlé de ses poèmes chantant la passion de la vie, de l’amour, des gens, des couleurs, des moments, des mots simples, passionnants et émouvants à la fois. Et j’ai pensé à Alice après l’épisode COVID, quand La Huchette, un petit théâtre parisien, m’a donné carte blanche pour les aider à maintenir leur activité. J’ai demandé à Mauro, chanteur, acteur, réalisateur, de jouer le rôle d’œil et d’oreille. Il a adoré l’idée. Nous avons fait une sélection de poèmes puis il a proposé d’ajouter de la musique et a suggéré Grégoire Hetzel, pianiste, compositeur de musiques de films.
Qu’est-ce qui vous rapproche d’Alice Mendelson ?
Je ne suis pas doué pour expliquer des textes. Ce n’est pas mon domaine mais je trouve ses créations belles et intenses. Plus que de la poésie érotique, ce sont des poèmes d’amour, écrits de 1947 à 2021. Ils couvrent 50 ans de passion pour les relations humaines et l’intensité de la vie. Elle a failli publier un livre. Mais l’éditeur lui avait proposé de publier en mettant l’accent sur sa poésie sensuelle, ce qui déplaisait à Alice qui ne souhaitait pas être classée parmi les écrivaines érotiques.
C’est un problème que vous avez rencontré lorsque vous étiez plus jeune, en participant au cinéma érotique…
Adolescente, comme Judith Godrèche, j’ai été victime d’une personne qui a profité de ma naïveté et de ma jeunesse. Quand j’avais un peu de notoriété auprès de Rita Mitsouko, je préférais en parler tout de suite pour en venir au plus vite. C’est grâce au mouvement #MeToo que j’ai pu réaliser que j’avais été sous la terrible influence d’un homme plus âgé. J’ai même écrit des chansons à ce sujet, dont « C’est comme ça » qui parle de ce tabou. Avant, je n’en parlais pas, c’était dommage et pénible. J’ai souffert d’un souvenir traumatisant à ce sujet. Mais je m’en suis libéré.
Comment Alice a-t-elle réagi à votre performance ?
Elle est venue à La Huchette en 2021 et elle en était ravie. Elle a trouvé que je traduisais très bien ses poèmes et que la musique de Grégoire était parfaite avec une mise en scène simple. Elle est revenue une seconde fois, et elle considère comme une ode, un cadeau de la vie de voir ses écrits prendre vie.
Les thèmes de la sensualité ont été pensés dans les années 1940. Dans quelle mesure les poèmes d’Alice sont-ils modernes ?
Les humains ne changent pas beaucoup, contrairement à la technologie. Ces poèmes nous parlent toujours autant. Il y en a qui évoluent moins facilement comme celui sur les cheveux sublimés dans un de ses écrits. Il parle du côté viril de la poitrine poilue qu’elle exprime à merveille. Aujourd’hui, on présente des excuses pour l’anatomie glabre. Cela ne convient plus ! Cela me rappelle aussi la chanson de Boris Vian – Fais-moi mal à Johnny ! – (Rires) « Mais il était trapu comme tout… ». C’est drôle cette dissonance générationnelle quand il s’agit de mode. Ceux-ci changent et évoluent. Il y a aussi un texte où elle dit qu’elle sent son homme comme un centaure au-dessus d’elle. Ce sont des visions différentes. J’avais du mal à prononcer avec un terme en particulier – empaleur – « Toi qui m’empales »… J’ai finalement réussi à l’accepter.
Avez-vous d’autres projets en ce moment ?
Non pour le moment je suis en jachère (Rires) ! Mais il me reste encore une vingtaine de dates avec le spectacle que nous avons déjà joué à Auxerre, Fontainebleau et même Capri à l’été 2022, en italien sur une traduction du poète Igor Esposito !
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