Pierre Lapointe fait partie des instigateurs d’un projet appelé Faubourg à musique, qui vise à ramener la création musicale dans un quartier central de Montréal.
Il rêve de voir réunis dans un même lieu des espaces de répétition, de recherche, d’expérimentation, de création et de stockage, mais aussi une centaine d’hébergements de courte et longue durée pour les musiciens d’ici et d’ailleurs. …Et pourquoi pas une garderie ?
Pierre Lapointe réfléchit à ce projet avec son gérant Laurent Saulnier (ancien chef des programmes Francos et Festival de Jazz) et Yanick Masse, cofondateur de la maison de disques Bonsound. En avril dernier, ils ont créé un OBNL appelé FàM, pour Faubourg à musique. Le trio compte sur de précieux collaborateurs, dont Simon Brault (membre fondateur de Culture Montréal et ancien directeur du Conseil des Arts du Canada) et l’architecte Ron Rayside, de la firme Rayside Labossière.
Nous avons pu consulter le mémoire de l’OBNL qui sera présenté ce mardi dans le cadre des consultations publiques sur le projet de Politique de développement culturel de Montréal 2025-2030. « Les lieux de diffusion sont physiquement et géographiquement séparés des lieux de vie, de rencontre, de création et de production », peut-on y lire.
Avec trois pôles (créatif, résidentiel et collectif), le Faubourg à musique serait l’occasion de favoriser les échanges, soulignent les instigateurs du projet, tant entre artistes, avec le quartier qu’avec la communauté internationale. Le quadrilatère où la FàM s’établirait serait protégé par un trust d’utilité sociale.
Autour de cette forteresse de créateurs musicaux, il risque de devenir un quartier très chaud.
Pierre Lapointe
«C’est un projet à la fois culturel, urbain et social», souligne Simon Brault, en lien direct avec l’essai qu’il vient de publier, Et si l’art pouvait changer le monde ? (voir encadré).
Le logement trop cher
Le Quartier des spectacles regroupe de nombreux lieux, mais ce n’est pas un milieu de vie pour les artistes, explique Pierre Lapointe. Le logement est trop cher pour les « artisans du spectacle ».
Depuis la pandémie, il a vu des amis musiciens quitter Montréal en raison de la crise du logement, ou même devoir trouver un emploi en parallèle de leur carrière. Il craint que l’excitation musicale ne fasse plus partie de l’ADN montréalais. Et rappelons-le : l’un des facteurs qui ont contribué à l’engouement pour le « son montréalais » est la présence massive de personnes liées à cette musicalité au début des années 2000, grâce aux bas loyers dans les quartiers centraux, comme le Mile End.
«Je suis triste de penser que Montréal pourrait perdre son éclat musical», s’inquiète Pierre Lapointe.
Nous souhaitons également fournir des outils de base. Il y a un manque flagrant de salles de répétition ou même de stockage pour les instruments non utilisés entre les tournées.
Laurent Saulnier
Au théâtre et dans les arts visuels, par exemple, on retrouve ce genre d’espace. Pierre Lapointe se dit impressionné par La Caserne, le lieu de travail de Robert Lepage, un centre de production multidisciplinaire au Québec. Même Peter Gabriel y est venu finaliser les derniers préparatifs d’une tournée en 2012. « J’étais en colère de voir qu’il n’y a pas de place pour une expérimentation comme celle-là pour le chant ici à Montréal », se souvient-il.
Un lieu où les artistes ont du « temps », insiste Laurent Saulnier.
Si l’emplacement de ce lieu n’a pas encore été trouvé, précise Laurent Saulnier, il devrait se trouver dans l’un des quartiers centraux. Le timing tombe bien en ce moment, puisque plusieurs coins à proximité du centre-ville, dont les abords de l’ancienne maison de Radio-Canada et de la Brasserie Molson, connaîtront bientôt une nouvelle vocation.
Notons également que le projet FàM se veut complémentaire à celui de la Maison de la chanson et de la musique du Québec (MCM) de Monique Giroux, qui compte sur le soutien de Luc Plamondon.
Une fenêtre sur l’international
Pierre Lapointe aimerait également pouvoir accueillir des musiciens internationaux à la FàM. Lorsque ce dernier est à Paris, il loue une chambre dans les ateliers-résidences du centre des Récollets, où cohabitent artistes et chercheurs internationaux. « Quand les artistes se rencontrent, des liens se créent. »
Simon Brault souligne que la création musicale est « invisible » alors que la musique est une forme d’art essentielle à d’autres comme la danse et le cinéma. D’où l’idée du projet d’ouverture sur la communauté.
Pierre Lapointe et Laurent Saulnier se considèrent comme des privilégiés dans l’industrie musicale. Tous deux disent avoir beaucoup reçu : le premier comme artiste et le second comme programmateur de grands festivals. « Nous voulons créer une sorte d’héritage à redonner. »
Selon eux, avec la baisse des revenus des ventes d’albums combinée à la crise du logement, il est d’autant plus important de soutenir la création musicale. Leur projet permettrait d’inclure la culture dans le développement urbain de Montréal. C’est ce qu’ils soutiennent dans leur mémoire, déposé ce mardi à la Commission de la culture, du patrimoine et des sports de Montréal.
Et si l’art pouvait changer le monde ?
Simon Brault est membre fondateur de Culture Montréal, dont le rôle est de positionner Montréal comme métropole culturelle. Son nouveau livre, Et si l’art pouvait changer le monde ?, est la suite de son essai Le facteur Cpublié il y a 15 ans. À l’ère de l’intelligence artificielle et d’un plus grand souci d’inclusion et de diversité, il explique avec optimisme comment l’art et la culture peuvent contribuer au vivre ensemble, mais aussi nous aider à faire face aux crises, notamment la crise climatique.
Et si l’art pouvait changer le monde ?
Simon Brault
Septembre
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