Cela fait une dizaine d’années que l’ail noir est arrivé en France, séduisant les grands chefs par ses saveurs umami et les amateurs de santé végétale grâce à ses vertus thérapeutiques. Parmi les premiers à le produire dans le pays, un ancien pizzaïolo catalan qui s’est lancé dans l’aventure en 2019 depuis Villeneuve-de-la-Raho.
Une petite pépite couleur charbon mais aux reflets brillants. Ferme sous le couteau, mais fondante sous la langue. Un concentré d’arômes qui se diffusent petit à petit. Indéfinissable. Mais essayons quand même… une tête boisée de champignon, légèrement réglissée, avec un cœur confit de pruneau, entre vinaigre balsamique et soja, et en fond, oui, on devine, une lointaine touche d’ail qu’on aurait patiemment estompée. loin. aspect corsé. “Nous parlons du goût umami», définit Matthieu Martinez.
Le jeune entrepreneur basé à Villeneuve-de-la-Raho s’est lancé dans la fabrication et la commercialisation d’ail noir en 2019, après quatre années de recherches et d’essais et d’erreurs pour développer son savoir-faire. Car il s’agit plus d’une transformation qu’une production au sens agricole. L’ancien pizzaïolo, reconverti à l’ail noir, a rapidement renoncé à planter son propre ail : «Je suis allé prospecter chez des producteurs qui m’ont expliqué que les Pyrénées-Orientales n’ont pas le terroir idéal » pour cette ampoule pourtant très appréciée dans le pays catalan.
Un produit entouré de mythes et de légendes
Qu’importe, lui qui est littéralement tombé sous le charme de ce produit lors d’une dégustation proposée par un fournisseur lorsqu’il était pizzaïolo, a tout mis en œuvre pour en faire son art. Commençons par plonger dans l’histoire de ce dernier né du raffinement culinaire japonais. Il y serait apparu au tout début des années 2000. Mais Matthieu Martinez refuse de se contenter d’un scénario aussi abrupt. Alimenté tout de même par de nombreuses théories, flirtant avec le mythe. L’ail noir est né d’un accident de stockage, dans une cave inondée par la mer. Matthieu, quant à lui, imagine plus volontiers une forme de tradition secrète héritée de l’Antiquité. Reste qu’il lui a fallu trouver lui-même la recette miracle pour transmuer l’ail blanc pur en précieuse nacre noire.
Trois semaines de cuisson à basse température
Le Catalan est allé frapper à la porte des meilleurs producteurs, classés en Indication Géographique Protégée et Appellation d’Origine Protégée, exclusivement biologiques. Sa matière première est donc estampillée « ail blanc de Lomagne » et « ail violet de Cadours », élevés respectivement dans le Tarn-et-Garonne et le Gers.
Chaque année, en juin et juillet, il s’approvisionne en ail fraîchement récolté pour préserver la fraîcheur de la chair immaculée. Et aussitôt, il aligne les têtes, jusqu’à 100 kg à la fois, dans son « mûrisseur », sorte de four en forme d’armoire venue de Chine, où elles seront chauffées à basse température pendant environ trois semaines non-stop. “La température est contrôlée par ordinateur, et varie entre 60 et 80°», dit-il. Dans leur enveloppe feuillagée, les aumônières brunies sont ensuite délicatement alignées sur des étagères, sous une moustiquaire pour empêcher les insectes de s’y nicher. Ils y mûriront encore au moins deux mois avant de pouvoir être mis en vente. Après quoi, assure Matthieu, ils se conservent aussi longtemps que l’on veut, s’affinant dans le temps comme un bon vin…
Reste à savoir si un jour un autre Catalan inventera l’aïoli noir.
En crème, au sirop, au vinaigre aromatisé, au brandy… des variantes et des recettes signées Jocy à l’infini.
Jocy Duval est la maman de Matthieu Martinez, à ses côtés à chaque étape de l’évolution de l’entreprise V2V qui commercialise de l’ail noir né à Villeneuve-de-la-Raho – aujourd’hui affiné dans le site de production établi à Bages – elle regorge de idées, même en développant une bouillie d’ail noir. “Je viens du monde médicalexplique Jocy, et c’est pourquoi je me suis passionnée pour ce produit riche en acides aminés, dont nous avons besoin au quotidien« . Certains clients, poursuit-elle, n’hésitent pas à le prendre en cure d’un clou de girofle par jour pendant 1 à trois mois afin de booster leur système immunitaire. L’oxydation très particulière de l’ail confère aux épluchures, assure-t-elle, une spécificité : «Contrairement à l’ail blanc, dont les pelures sont bactéricides, et doivent donc être réduites en cendres, celles de l’ail noir peuvent retourner à la terre. Tout est bon dans ce produit !« Jocy a donc extrait un fumier, qu’elle vend comme produit phytosanitaire et engrais.
Quant à l’oxydation des gousses elles-mêmes, elle inspire des recettes qu’elle pratique en élaborant dans un festival de créations. Elle a écrit un livret qui met l’eau à la bouche : brouillade, tartare, huîtres chaudes au beurre d’ail noir, queue de lotte, gambas compotée d’ail noir, paupiette de poulet, crème d’oursin, Fusilli au pesto d’ail noir etc.
V2V produit environ 500 kg d’ail noir par an. On les retrouve au prix de 6 euros par personne, avec toute la gamme des produits dérivés, sur les marchés de Céret le samedi matin, de Port-Argelès le dimanche matin et de Collioure le mercredi.
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