L’équipe du studio indépendant Unreliable Narrators entre dans l’histoire cette semaine avec le lancement de Deux chutesnon seulement sa première création mais aussi le premier jeu vidéo québécois à traiter d’une réalité autochtone présentée du point de vue des communautés.
L’histoire, imaginée par la scénariste et écrivaine wendat Isabelle Picard, plonge les joueurs dans le 17ee siècle au Canada, lors des premières rencontres entre les autochtones et les colons français.
Les personnages de Jeanne (à gauche) et Maikan (à droite).
Photographie : Des narrateurs peu fiables
Ces événements sont racontés sous deux angles insolites : celui de Jeanne, une jeune fille du Roy en perte de repères, récemment arrivée dans le Nouveau Monde, et celui de Maikan, une jeune Innue qui mesure l’impact de l’arrivée des immigrants sur son territoire.
Ces deux personnages ont ainsi leur propre direction artistique avec des sons, des textures et des couleurs propres à chacun.
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Les directions artistiques des deux personnages du jeu sont distinctes.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
Jeanne est dans un environnement qu’elle ne connaît pas, la forêt, qui devient pour elle un endroit un peu sombre. Maikan a été élevé dans la forêt, donc tout est plus chaleureux et plus accueillant
dans l’image, explique l’artiste 3D wendat Alexis Gros-Louis Houle.
Le fait qu’il y ait les deux personnages renforce l’empathie envers les deux perspectives. C’est le message que nous essayons de transmettre avec le jeu.
Ces points de vue ne sont pas nécessairement mentionnés dans cours d’histoire au primaire et au secondaire […]souvent raconté du point de vue des vainqueurs
fait valoir Kim Berthiaume.
Trouver les bonnes voix
L’idée de réaliser un jeu vidéo narratif autochtone a germé chez Kim Berthiaume et ses camarades d’Unreliable Narrators en 2018.
Nous sommes nerds histoire chez Unreliable Narrators. Nous avons grandi en regardant Les mystérieuses cités d’or il y a une télé
» claque le directeur du studio.
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Kim Berthiaume, directrice du studio Unreliable Narrators.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
Le problème : ce sont tous des allochtones et il était hors de question de produire un tel jeu sans inclure les membres des communautés. Il a fallu trouver les bonnes voix. Nous ne voulions pas seulement des consultants. Nous voulions que ces voix soient parties prenantes du jeu
explique-t-elle.
Habituellement, les créateurs ont le contrôle total. Mais ici, nous voulions donner le contrôle total [aux membres des communautés autochtones].
C’était un défi supplémentaire et inattendu pour l’équipe. Pour quoi? Au début de la conception du jeu, en 2018, le gouvernement et les institutions ont intensifié leurs efforts de réconciliation en subventionnant les productions autochtones.
Cependant, cela suscite des réticences au sein des communautés, devenues plus sélectives quant aux projets dans lesquels elles souhaitent investir. Alexis Gros-Louis Houle peut en témoigner : Parfois le téléphone sonne, j’écoute les gens parler et je peux dire que tu veux ton Jeton indien [justificatif autochtone] dans votre projet pour recevoir vos subventions.
Le moment est venu de réaliser des projets culturels au sein des Premières Nations. L’important après, c’est que ce soit bien fait, et dans le respect, tout en établissant un lien de confiance.
L’un des points d’entrée d’Unreliable Narrators a consisté à impliquer dans le projet la scénariste et écrivaine wendat Isabelle Picard, qui a des liens directs avec le Conseil des Aînés Innus et Wendat.
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Isabelle Picard a inclus plusieurs mots et expressions en langue wendat dans le jeu vidéo.
Photo : Radio-Canada / Hamza Abouelouafaa
L’équipe a finalement pu être complétée avec Awastaki, la compagnie d’Alexis Gros-Louis Houle, pour l’aspect 3D, Tara Miller comme directrice artistique, Eadsé comme composition ainsi que Charles Bender et James Malloch comme comédiens.
Pas une longue rivière tranquille
Une fois toutes ces voix réunies, la conception de Deux chutes ne s’est pas déroulé sans heurts au cours des six dernières années.
Le titre du jeu à lui seul a dû être modifié deux fois. Très tôt dans le processus, Unreliable Narrators l’a intitulé Kanata. La même année, une controverse d’appropriation culturelle fait couler beaucoup d’encre autour d’une pièce du même nom, mise en scène par Robert Lepage.
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Un camp Wendat dans le jeu, vu par Jeanne.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
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Le jeu vidéo Two Falls a été lancé le 8 novembre sur les plateformes Steam et Epic Games Store. Le titre est prévu sur consoles en 2025.
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Two Falls a été réalisé avec le moteur de jeu Unreal Engine 5.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
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Le jeu vidéo regorge de paysages canadiens.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
Le jeu vidéo Two Falls a été lancé le 8 novembre sur les plateformes Steam et Epic Games Store. Le titre est prévu sur consoles en 2025.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
Un camp Wendat dans le jeu, vu par Jeanne.
Photographie : Des narrateurs peu fiables
Photo de l’album : Deux chutes
L’équipe a choisi pour le deuxième titre Wendigoun être surnaturel de la mythologie des Premières Nations.
Pour nous, les Wendats, il n’y a aucun problème avec ce titre. Mais nous avons appris que pour d’autres communautés, le wendigo est plutôt une idée qui ne doit pas être représentée.
Le studio avoue également avoir dû faire marche arrière à quelques reprises lors de la conception, notamment pour le personnage de Maikan.
Son développement était bien avancé, avec des textures et des animations. Puis, une personne du Conseil des Aînés souleva qu’une des couleurs de leurs vêtements, les Innus n’auraient pas été capables de produire au 17e siècle.e siècle
dit Alexis Gros-Louis Houle.
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Alexis Gros-Louis, artiste 3D et fondateur d’Awastoki.
Photo : Awastoki
L’équilibre entre ce qui est intéressant du point de vue de l’animation et de la narration et ce qui est intéressant du point de vue des valeurs et de la culture a été difficile à trouver. L’artiste 3D pense que Unreliable Narrators a atteint cet objectif : C’est ce qui fait la force de Deux chutesc’est-à-dire être respectueux des différentes cultures et croyances.
Je pense que chaque vidéo qui sort est un petit miracle en soi. Pour celui-ci, c’est encore plus vrai.
Maintenant que la voie est ouverte, l’équipe d’Unreliable Narrators espère inspirer d’autres esprits créatifs autochtones à se lancer dans l’aventure de la conception d’un jeu vidéo.
De son côté, le studio souhaite continuer à être la voix de personnes rarement entendues dans l’histoire, qu’elles soient autochtones ou non.
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