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Le Goncourt 2024 décerné au romancier Kamel Daoud

Le prix Goncourt, le plus prestigieux prix littéraire français, a été décerné lundi au romancier franco-algérien Kamel Daoud pour son roman Houris (éditions Gallimard), une fiction sur les massacres de la « décennie noire » algérienne (1992-2002).

Il a été choisi par le jury dès le premier tour, recueillant six voix, contre deux pour Hélène Gaudy, une pour Sandrine Collette et une pour Gaël Faye, a annoncé le président de l’Académie Goncourt, l’écrivain Philippe Claudel.

Gaël Faye a reçu lundi le prix Renaudot pour son deuxième roman, Jacaranda, sur la reconstruction du Rwanda après le génocide de 1994.

Le lauréat du Goncourt, Kamel Daoud, 54 ans, est un chroniqueur critique à l’égard de l’Algérie dont la liberté de ton a fini par le contraindre à quitter sa ville d’Oran pour Paris, à contrecœur.

Hourisson roman, ne pouvait être exporté en Algérie et encore moins traduit en arabe.

Comme l’écrit l’auteur dans son roman, la loi algérienne interdit toute mention dans un livre des événements sanglants de la décennie sombrela guerre civile entre pouvoir et islamistes entre 1992 et 2002.

En Algérie, Je suis attaqué parce que je ne suis ni communiste, ni décolonial, ni anti-françaisdit cet exilé par la force des circonstances au Indiquerle magazine français où il est chroniqueur, en août.

Il prend la nationalité française. Dire même, en référence au poète Guillaume Apollinaire, né polonais et naturalisé en pleine Première Guerre mondiale : J’ai le syndrome Apollinaire, je suis plus français que les Français.

Un écrivain controversé chez lui en Algérie

Il ne peut se débarrasser, auprès d’une grande partie de l’opinion et de l’intelligentsia algériennes, de l’étiquette de traître à son pays.

Le livre de Kamel Daoud ne peut être publié ni même traduit en arabe en Algérie en raison de la loi qui interdit de raconter les massacres et les événements sanglants qui ont déchiré le pays dans les années 1990.

Photo: afp via getty images / JULIEN DE ROSA

De nombreux Algériens admirent au contraire ses écrits, sa connaissance de l’histoire du pays et son entêtement à poser des questions controversées.

A commencer par l’éditeur Sofiane Hadjadj, des éditions Barzakh, qui a publié en 2013 Meursault, contre-enquête.

Il a inventé sa propre façon d’écriredisait-il au moment du succès fulgurant de ce roman, repéré par Actes Sud.

Sortie en à 3000 exemplaires en mai 2014, cette relecture de l’intrigue de L’étranger d’Albert Camus sera l’un des succès littéraires de l’année, avec plus de 100 000 exemplaires vendus.

Finaliste du prix Goncourt, l’œuvre a remporté, entre autres, le Goncourt des lycéens.

Des propos tenus à la télévision française valent alors à Kamel Daoud une diatribe de la part d’un imam salafiste, qui aurait été une fatwa si son auteur en avait eu la légitimité. Un tribunal condamnera cet imam en 2016 pour menaces de mortavant qu’une cour d’appel n’enterre l’affaire.

Fils de gendarme, Kamel Daoud est né à Mostaganem (nord-ouest) en juin 1970, aîné de six enfants. Il a été élevé par ses grands-parents dans un village dont il est devenu imam dès son adolescence, côtoyant les islamistes, avant de s’éloigner de la religion.

Seul de sa fratrie à avoir étudié la littérature, il s’oriente vers le journalisme, d’abord à DétectiveVersion algérienne du magazine d’information, puis dans un grand journal francophone, Le Quotidien d’Oran.

Un métier dangereux

Comme il l’a expliqué lors de la promotion de Hourisdes postes de journalistes sont devenus disponibles après les assassinats. Le métier était dangereux et très délicat : il fallait rendre compte de massacres que chacun voulait dissimuler, minimiser ou exagérer.

Sa réputation d’intégrité lui vient de cette période, puis d’articles et de tribunes où il dénonçait sans détour tout ce qui ronge la société algérienne : la corruption, l’hypocrisie religieuse, l’abandon du pouvoir, la violence, les archaïsmes, les inégalités.

Père de deux enfants, il a arrêté le journalisme en 2016, au profit de la littérature.

C’est après une vive polémique, en France et au-delà, autour de sa dénonciation en Le monde de la la misère sexuelle dans le monde arabo-musulman, le rapport malade à la femme, au corps et au désir. Certains l’avaient accusé d’entretenir un cliché raciste.

J’ai le droit de penser et de défendre mes idéesa-t-il répondu, dans un entretien à l’AFP en 2017. Il n’est pas nécessaire que tous les Algériens soient sur la même longueur d’onde.

 
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