Il est impossible d’atteindre, après un seul tour à l’animation, le niveau de perfection dont Louis-José Houde a fait preuve pendant 18 ans à la tête du Gala de l’ADISQ.
Publié à 1h38
Mis à jour à 5h30
Louis-José Houde, c’était le souci du détail maniaque, l’aisance totale sur scène, le texte élaboré avec une précision redoutable, les gags épicés, mais toujours respectueux, et cet amour sincère et ressenti de la musique québécoise, qu’il a transmis de son première association avec l’ADISQ, en octobre 2006.
Pierre-Yves Roy-Desmarais n’a pas été mal dimanche soir à la barre du 46e présentation des Félix. Mais le poids des comparaisons a joué en sa défaveur, car l’humoriste de 30 ans a offert une prestation bien différente de celles de son légendaire prédécesseur, moins histrionique et plus formel, disons.
Mais il fallait briser le moule de Louis-José Houde pour repartir à neuf et c’est ce que propose le talentueux Pierre-Yves Roy-Desmarais, dans le respect de son univers et de ses influences, à mi-chemin entre celles de Jim Carrey et de Bo Burnham. Sa drôle de chanson Une bonne mélodie est une bonne mélodieinclus dans le numéro d’ouverture, était savoureux, conforme à ce qu’il fait à Au revoir de Radio-Canada depuis plusieurs années.
Ce qui était le plus déstabilisant dans l’animation de Pierre-Yves Roy-Desmarais, c’était le décalage entre les moments d’humour très physique qu’il affectionne (voir son hilarant Brian Manson dans Complètement lycée) et la seconde suivante, où il reprend son rôle de maître de cérémonie super sérieux. On n’a pas l’habitude de voir autant de grimaces et de faux sang dans un gala télévisé.
Les niveaux d’humour devront être ajustés l’année prochaine, si Pierre-Yves Roy-Desmarais reprend ce contrat ingrat et ennuyeux. Il y a quand même un certain décorum à respecter. Les textes devront également être peaufinés davantage, loin d’être aussi efficaces que ceux de Louis-José Houde, qui a établi un standard très, très élevé pour ses camarades.
Mais n’oublions pas ceci : Louis-José Houde avait 29 ans lorsqu’il a dirigé son tout premier festival de musique, en 2006. À 30 ans, Pierre-Yves Roy-Desmarais, musicien accompli, se retrouve au même point de sa jeune carrière. . Donnons-lui une chance de mettre la main sur ce gala et d’acquérir un plus joli smoking, d’accord ?
Pour rajeunir et fidéliser son public, le Gala de l’ADISQ aurait dû débuter avec le monologue de Pierre-Yves Roy-Desmarais, plutôt que de commencer par Elisapie, qui lui avait En direct de l’univers la veille. C’était moins surprenant pour les téléspectateurs.
Le meilleur numéro musical de cette soirée de 2h20 réunissait Isabelle Boulay et Roch Voisine et il évoquait celui, tout aussi réussi, entre Patrick Norman et Martine St-Clair l’an dernier. C’était émouvant de voir ces deux stars échanger des classiques de leurs répertoires respectifs comme Hélène, Entre Matane et Bâton Rouge, Là, dans l’ombre ou Le saule.
En revanche, l’échange entre Souldia et Roxane Bruneau, sur leurs pièces Je t’aime et Côté passagern’a pas autant décollé, malgré la présence d’une voiture décapotable sur la scène enflammée.
Côté remerciements, Alexandra Stréliski a été la plus élégante et la plus inspirante des gagnantes. Quelle classe, tout de même !
Après avoir récupéré sa première statuette dorée, la pianiste a mis toute la lumière sur Les Cowboys Fringants. Et lorsqu’elle a été sacrée artiste féminine de l’année, elle a invité toutes les nominées à ses côtés pour les féliciter et lancer un magnifique plaidoyer en faveur de la différence. C’est ainsi que nous créons des moments magiques.
Finalement, cette cérémonie n’a pas suscité beaucoup d’émoi dans nos salons. Ce n’était ni désagréable, ni complètement excitant. L’ADISQ n’a remis que 10 trophées dimanche, comparativement aux 16 remis lors du dernier gala des prix Gémeaux. Lorsqu’on distribue moins de matériel, les performances doivent être spectaculaires, ce qui n’a pas toujours été le cas. Par exemple, le nombre de cinq découvertes de 2024 était très moyen.
A ce sujet, comment Barnev Valsaint, choriste de Céline Dion depuis 25 ans, peut-il remporter avec autant d’habileté le prix de la révélation de l’année ? En plus de chanter avec Dubmatique, Barnev forme le groupe R&B NoDéJà, dont la chanson quelque chose à propos de toi a fait de nombreuses tournées en 1999.
Pierre-Yves Roy-Desmarais aurait pu taquiner davantage les artistes présents dans la salle et faire davantage référence aux musiciens qui ont marqué la dernière année. L’humoriste a visé le centre de la cible lorsqu’il a évoqué la saga du cabaret La Tulipe à Montréal qui a fermé ses portes cet automne. Tout est fermé, même Roxane Bruneau a fermé ses lobes d’oreilles, il a raconté le succès à l’auteur-compositeur-interprète Des petits morceaux de toi.
On a aussi senti que les spectateurs de la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts n’abandonnaient pas leur nouveau capitaine et qu’ils se lançaient dans ses propositions les plus audacieuses, comme le sketch musical avec Les Trois Accords, très caricatural.
Louis-José Houde a officié à 18 des 46 galas de l’histoire de l’ADISQ. Pierre-Yves Roy-Desmarais n’en a qu’un derrière sa cravate. À l’image d’une Roxane Bruneau en 2020, il aura tout le loisir de faire les choses à sa manière et d’être fier de ce qu’il voit dans le miroir.
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