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« Chants d’un monde perdu », le cortège mélancolique et fiévreux du Curé

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Reeves Gabrels et Robert Smith de The Cure lors du festival de musique Austin City Limits (ACL) au Zilker Park à Austin, Texas, le 12 octobre 2019. SUZANNE CORDEIRO/AFP

Faut-il s’étonner que Robert Smith ressuscite la discographie de son groupe, The Cure, à la veille du Jour des Morts ? Nous pourrions interpréter le résultat, 1ET Novembre, le Chansons d’un monde perdu comme un clin d’œil du chanteur à son statut de prince du rock gothique. Mais cette Toussaint est surtout au diapason d’un quatorzième album pétri de deuil et tonitruant de noirceur.

On entre lentement, comme pour suivre un cortège funèbre sous un ciel d’orage. Après plus de trois minutes de majestueuse procession instrumentale, une voix plaintive, reconnaissable entre toutes, nous accueille Solo : “C’est la fin de chaque chanson que nous chantons (…)/ Trinquons, avec la lie amère, à notre vide”. Robert Smith n’avait pas pleuré avec autant de classe depuis longtemps.

Seize ans séparent cet album du précédent, 4:13 Rêve. Annoncé régulièrement depuis la fin des années 2010, ce nouveau chapitre, toujours anticonformiste, est devenu tellement bâillon courant. Le leader de Cure a-t-il eu le vertige en répondant à cette attente, en se souvenant des déceptions provoquées par leurs derniers albums ? Du succès de Désintégrationen 1989, la qualité des enregistrements était devenue caricaturale, décousue Souhait (1992) pour le moins insignifiant Sautes d’humeur sauvages (1996), Le remède (2004) o 4:13 Rêve (2008), Fleurs de sang relever un peu la barre, en 2000.

Des concerts puissants et généreux

Pourtant, depuis seize ans, The Cure n’a pas disparu. Smith a commencé à réaliser de nombreuses rééditions de son ancien catalogue. Le groupe a surtout continué d’offrir une présence scénique (250 concerts depuis 2008) dont l’impact n’a jamais cessé d’étonner. Même améliorés au fil du temps, à l’image de la tournée « Shows of a Lost World », débutée en mai 2023, ces concerts puissants et généreux – près de trois heures de spectacle – permettent de célébrer la cohérence exceptionnelle d’un répertoire. Et de mesurer l’importance de ce groupe né en 1978, façonnant, tel un pionnier du postpunk, de nouveaux sons et refrains qui font écho aux désillusions et obsessions autodestructrices d’un leader capable d’avouer ses fragilités.

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Un groupe qui a su se réinventer même au rythme de périodes parfois froides (Dix-sept secondesen 1980) et contemplatif (Bague de mariageen 1981), parfois apocalyptique (Pornographieen 1982) ou – presque – ludique (Dirigez-vous vers la porteen 1985), Robert Smith construit progressivement ce personnage aux cheveux noirs et sauvages, maquillés de mascara et barbouillés de rouge à lèvres. Un look iconique dont il semblait parfois prisonnier.

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