Comédie de Genève –
Savoir ou ne pas savoir où l’on va, telle est la question
Dans le cadre d’un focus sur la dramaturgie suisse, François Gremaud dévoile son processus de création à la Comédie. Nous suivons ses traces.
Publié aujourd’hui à 18h39
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- François Gremaud explore son art avec une approche poétique et décalée.
- Ce spectacle unique rassemble sur scène diverses inspirations et personnalités.
- Le théâtre devient un lieu d’expérimentation et de réflexion personnelle.
- Gremaud invite les spectateurs à un voyage philosophique imprévisible.
C’est peut-être l’une des mises en abyme théâtrales les plus longues à être ouvertement présentée comme telle. Arrivé au sommet d’une carrière d’auteur, de réalisateur et d’interprète qui n’a pas dit son dernier mot, François Gremaud il décortique son art poétique au fur et à mesure qu’il le parle en direct, pendant une heure quarante-cinq minutes. Tout ce qu’il dit au présent, face au public, a été écrit dans le passé, seul devant la page blanche, en vue de ce moment futur de parole. « Aller sans savoir où – Tentative de description du mode de fonctionnement » il sait donc partout où il va, sans le savoir entièrement. Comme toi, comme moi, comme la vie elle-même.
Vous pensez que vous allez dans une chambre du Comédiequi insère ceci création de 2021 dans le «Focus Heimweh» qu’elle consacre aux dramaturgies nées sur le territoire suisse. Certainement pas. Depuis le foyer bas du grand navire, vous êtes emmené ailleurs. Au bout d’un couloir, une cage d’escalier vous mène à un autre couloir, qui s’ouvre sur un studio de répétition vide, où vous attend un François Gremaud vêtu de vert, au sourire « surpris » et « joyeux ». « idiot » montrant les dents. Les qualificatifs sont les siens, il vous les expliquera.
En près de 250 phrases numérotées, soit plus de 15 000 mots comptés au total, le chantre des ébats mentaux avance au gré des associations d’idées qu’il accueille pêle-mêle, démocratiquement, s’entassant dans le vide, ici les meilleures, là les moins bonnes. – l’alchimie artistique se chargera de les ennoblir. Chaque petit morceau sera récupéré, promet l’orateur, comme ce « euh » une fois inscrit au clavier au nom de l’oralité à venir, et que la performance met sous vos yeux en chanson. “Le plomb c’est déjà de l’or, c’est le look qui change.”
Idem pour les dizaines de personnalités convoquées sur la petite scène du 3e sol. Un Deleuze rencontre un Trump, un Héraclite côtoie le chéri de l’interprète, Michaël. Tandis que François Gremaud s’éloigne, trébuche, se perd, revient sur ses pas ou prend un raccourci, il prend soin de présenter au public, sans discrimination, une foule d’inspirations diverses, à qui la magie du théâtre permet l’invisibilité. Il n’a pas non plus peur de se citer lui-même et de citer sa production actuelle : il répond après tout à une invitation de la Manufacture de réaliser une exposition « sur son travail ».
Alors, certes, à côté d’un peu d’histrionisme et de narcissisme, il y a une astuce : la manifestation emprunte un chemin soigneusement tracé, malgré l’errance philosophique qu’elle prône. L’orateur assume la responsabilité des ficelles qu’il tire, anticipant les critiques potentielles une à une. Le tout, selon lui, consiste à « faire face au chaos », à faire « naître des arrangements ». Heureux de son parcours, François Gremaud conclut par un « ouais ».
Quant à votre personne dévouée, il ne lui reste plus qu’à suivre les traces du pèlerin, de tant d’autres avant lui, de tant à suivre, sur le chemin qui serpente dans un éternel demi-brouillard. Et, puisque ces lignes mettent fin à son parcours journalistique, de vous saluer très humblement, au niveau de sa signature. Allez, ouais.
« Partir sans savoir où »jusqu’au 1er novembre à la Comédie, www.comédie.ch
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Katia Berger est journaliste à la section culturelle depuis 2012. Elle couvre l’actualité du spectacle vivant, notamment à travers des critiques de théâtre ou de danse, mais traite aussi parfois de la photographie, des arts visuels ou de la littérature.Plus d’informations
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