Connaissez-vous « L’Origine du Monde » de Gustave Courbet ? Un historien vous propose de découvrir une version « préhistorique » de l’œuvre la plus connue du peintre d’Ornans (Doubs), gravée il y a 21 000 ans, dans une grotte près de Fontainebleau, au temps de Lascaux.
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Il faut le voir pour le croire. Ce travail est tout simplement fascinant. Dans une grotte près de Fontainebleau, vous pourrez découvrir un triptyque gravé il y a 21 000 ans, en même temps que les peintures rupestres dessinées sur les parois de Lascaux. Cette frise représente deux chevaux encadrant le pubis d’une femme et rappelle presque ligne pour ligne le célèbre tableau de Gustave Courbet, L’origine du monde.
“Jacques Lacan disait de ce tableau que c’est un piège à regarderspiega Boris Valentin a France 3 Franche Comté. C’est exactement ce qui se passe avec cette œuvre préhistorique. Nous sommes à un mètre du pubis, comme si nous étions juste devant le tableau de Courbet et nous en sommes également fascinés.”
Dans un petit livre d’une soixantaine de pages, intitulé « De Courbet à Lascaux » et publié le 17 octobre 2024 par l’Institut national d’histoire de l’art (INHA), l’historien revient sur cette correspondance hors du commun. “C’est un clin d’œilprévient. Cela reste une coïncidence. Ce motif s’étend sur 20 millénaires d’art rupestre et je ne sais pas comment Courbet a pu le voir avant de peindre sa toile. Mais ce qui surprend, c’est le cadrage et la position. Il y a une vraie analogie. Nous avons été obligés de vérifier que nous n’étions pas victimes d’une illusion !
Car l’histoire de cette « Origine du monde préhistorique » mérite elle aussi d’être racontée. Professeur à l’Université Paris I-Panthéon-Sorbonne, Boris Valentin étudie les derniers chasseurs-collectionneurs d’Europe. Il coordonne les recherches archéologiques sur ces gravures préhistoriques à Fontainebleau après avoir dirigé les fouilles du site magdalénien d’Étiolles (Essonne). Jamais cependant il n’aurait pensé se retrouver face à un tel spectacle.
« C’est une petite grotte dans le massif forestier des Trois-Pignonsil en a besoin. On compte près de 3000 abris ainsi gravés autour de Fontainebleau. La frise a été découverte en 1981. Elle a été décrite dans les années 2000. » Mais un jour pluvieux en 2018 révélera une image complètement différente. Celle, désormais incontestable, d’un organe génital féminin, modelé dans la pierre, et dont la vulve est mise en valeur par des jets d’eau.
“Nous avons démontré qu’il y avait des apports d’eau, explique l’historienet qu’il existait des aménagements qui facilitaient ces afflux d’eau et pouvaient être provoqués. Nous avons également montré que le pubis est en grande partie sculpté par la main de l’homme, et qu’il ne s’agit pas d’un simple jeu de la nature.
C’est rare, presque unique. C’est une véritable installation, une œuvre dynamique qui « marche ». Elle est liée à d’autres œuvres similaires ailleurs qui associent l’eau, le sexe féminin et l’animal. Il existe une dimension sacrée qui fait référence aux histoires symboliques et aux mythologies qui relient les humains entre eux à cette époque.
Boris Valentin, professeur d’histoire à l’Université Paris 1-Panthéon-Sorbonne.
Un tableau « vivant », donc, qui pourrait faire écho au titre métaphysique du célèbre tableau de Courbet. Boris Valentin aime plutôt l’idée. Comme celle d’une histoire de l’art préhistorique encore à écrire.
En attendant, cette « Origine du monde paléolithique » gardera une partie de son mystère. Il ne peut pas être montré au grand public. « La grotte est ouverte à tous les vents, le grès est très fragile, et elle est située au milieu d’une zone touristique, justifie Boris Valentin. Il existe un risque de dégradation du site. Mais nous aimerions un jour en faire un fac-similé et pouvoir le découvrir ex situ.« Pour le moment il faudra se contenter des quelques photos contenues dans le livre.
L’origine du monde de Gustave Courbet est entrée au musée d’Orsay à Paris en 1995. Cette huile sur toile de petit format (46×55 cm) a été réalisée en 1866 par l’artiste franc-comtois. Le premier propriétaire du tableauet certainement son parrain, était un diplomate turco-égyptien, Khalil-Bey (1831-1879), récemment installé à Paris. Ce collectionneur l’aurait gardé caché pendant des années derrière un rideau, ne le révélant qu’à ses visiteurs exceptionnels.
L’identité du mannequin qui a posé pour Courbet reste encore une énigme. Même si un chercheur pense l’avoir résolu en 2020. Ruiné par les dettes de jeu, le diplomate quitte la capitale en 1869 en emportant le tableau avec lui. Par la suite, le sort du tableau reste très peu connu. L’origine du monde il faisait partie de la collection du psychanalyste Jacques Lacan avant d’arriver au musée d’Orsay. Œuvre provocante, ce nu féminin continue de fasciner le public et parfois de déchaîner les passions comme lors de sa dernière sortie au Centre Pompidou-Metz.
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