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ce but ramené du bout du monde

Un but renversé au bord de la route, quelque part près d’Arusha, en Tanzanie.

NJR

Puisque nous sommes entre nous, partageons ce secret : je n’aime rien de moins que photographier le monde qui nous entoure. Et surtout en voyage, où je n’imagine pas découvrir un pays, une région et ses habitants sans rapporter des milliers de photos liées à cette plongée dans une terre inconnue, parfois lointaine. Avec pour fil conducteur : la conviction qu’il y a tant de mondes différents coexistant dans un seul monde, le nôtre.

Et parce que tout peut m’émouvoir, je ne suis pas loin de tout photographier. Pour s’imprégner ensuite des espaces, des villes, des villages traversés – chaque image suggère toujours une émotion enfouie dans son cadre. A côté de mes clichés assez « touristiques » (monuments, marchés, paysages) apparaissent quelques loisirs plus personnels, dont celui de photographier tous les paysages rencontrés au cours de mes pérégrinations, et plus particulièrement ses cages ou ce qui leur ressemble. Sur cette terre meurtrie, quoi de plus universel qu’un objectif ?

Laissé en réparation

Par pur mimétisme, faut-il voir ici une banale distorsion professionnelle ? Ou ne serait-ce pas plutôt l’expression de l’attaquant contrarié que j’étais modestement durant ma jeunesse ? Il s’agit d’une double thèse qui pourrait être défendue sur le divan d’un psychologue. Mais c’est comme ça : là où certains collectionnent les maillots, moi je suis obsédé par les buts. Un objectif, le mien comme le vôtre, est bien sûr aussi celui que l’on a devant nous, que l’on cherche à atteindre et qui nous fait rêver autant qu’il peut parfois faire peur.

Mais le destin, venu d’un récent voyage en Tanzanie, m’a confronté à un exemplaire rare, en forme de cage d’un autre temps, posé, ou plutôt renversé, sur la devanture d’un ferrailleur, quelque part près d’Arusha, non loin du Kilimandjaro. Nul doute que ce but aux dimensions improbables, après avoir déjà tant servi, était là pour être réparé selon la personne qui m’accompagnait.

Une passion mondiale

Entre lions, girafes et zèbres en liberté, mais aussi troupeaux interminables de buffles et d’éléphants, voir la cage des hommes m’a fait un effet étrange. Dans le grand zoo qu’est notre condition humaine, n’est-ce pas à travers lui que se reflète une passion planétaire, liée à l’émotion de pouvoir taper dans un ballon – n’importe où et comment.

Parce que personne n’en voudrait ici, cet objectif n’a évidemment aucune chance d’exister en Suisse. Mais là-bas, il apporte un bonheur intact aux Tanzaniens et certainement à d’autres aussi, sans que personne n’y trouve à redire.

Avant chaque nouveau cliché photographique, la même réflexion nous vient. Devant un but nu, en l’occurrence sans filets rapiécés, j’imagine tous les buts qui auraient pu y être marqués, je pense aussi à tous ceux (et parfois ceux) qui les ont empêchés d’encaisser.

Du Groenland à la Patagonie, de Romanshorn à Arusha, de Moscou à Kiev, de Tel Aviv à Gaza ou au Liban, des milliers de terrains poussent partout, avec ou sans gazon, accueillant des millions de joueurs à travers la planète – existent – ​​Existe-t-il juste un recensement pour établir un chiffre plus précis ?

Terrain de football près de Stone Town, Zanzibar.

NJR

Un domaine, des objectifs, quel que soit leur état, sont des marqueurs de la vie des hommes, racontant la passion commune qui les unit quand elle ne les divise pas. Comme le sont probablement aussi les musées, les salles de concert, les théâtres et les salles d’exposition, etc.

Seules la crétinité et l’avidité humaine pourraient nous faire croire qu’il s’agit de tout autre chose qu’un gigantesque jeu sans cesse réinventé, avec à chaque fois d’autres codes à déchiffrer. Pour un peu, on arriverait à se convaincre que le décor est plus important que la pièce qui s’y joue.

Bon, on vous laisse : un autre objectif nous attend quelque part, là-bas ou ici.

 
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