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Le Goncourt des lycéens pris dans la tourmente, un livre accusé d'”incitation à la débauche”

C’est l’un des prix littéraires les plus prestigieux. Décerné par des lycéens, il initie les jeunes lecteurs à la littérature contemporaine, suscite le débat entre lycéens et avec les écrivains. Mais cette année, la 37e édition du Goncourt des lycéens fait aussi la une des journaux suite aux inquiétudes des parents face à un livre en compétition : Le Club des Enfants Perdus de Rebecca Lighieri (POL) qui soumet ses lecteurs à des scènes explicitement sexuelles.

► Comment s’organise le Goncourt pour les lycéens ?

53 lycées, plus de deux mille jeunes. A partir de la première sélection de livres réalisée par l’Académie Goncourt, les élèves de deuxième, première ou terminale peuvent lire les 14 romans (Gaël Faye et Carole Martinez, déjà lauréats du lycée Goncourt étant exclus de la liste), en discuter, s’exprimer. leur choix. Du 7 au 17 octobre, les lycéens ont même pu débattre avec les auteurs à Toulouse, Paris, Strasbourg, Rennes… Un délégué par région participera à Rennes jeudi 28 novembre aux délibérations qui désigneront le lauréat de le lycée Goncourt 2024.

Toujours en sélection, Le Club des Enfants Perdus pourrait-il encore remporter le Goncourt 2024 des lycéens ? C’est peu probable, mais les lycéens restent libres de faire leurs propres choix et de faire preuve de maturité. N’ont-ils pas choisi, l’année dernière, tigre triste de Neige Sinno (POL), l’émouvante histoire d’inceste vécue depuis des années ? Un livre qui avait déjà suscité beaucoup d’émotion.

► D’où vient la polémique ?

Les parents, sans doute aussi curieux de littérature que leur enfant, lisent certains livres de la sélection, dont le roman de Rebecca Lighieri. Dans un livre de 500 pages, l’auteur décrit sans fard la vie d’une adolescente – Miranda – auprès de ses parents, adeptes d’une sexualité débridée. Les pages licencieuses ont choqué, tout comme le ton du roman et aussi le suicide de l’héroïne, au point que plusieurs associations se sont indignées. SOS Éducation, de sensibilité conservatrice, a exprimé son inquiétude auprès du Premier ministre, dénonçant « un livre au contenu pornographique et psychologiquement dangereux. (…) Un tel livre remis entre les mains (d’un lycéen) par l’éducation nationale constitue une forme de garantie morale qu’il comprendra comme une initiation sourde et malsaine. »

De leur côté, les Associations familiales catholiques (AFC) alertent leurs membres dans un bref communiqué : « Il semblerait qu’une des œuvres proposées cette année décrit des scènes pornographiques et incestueuses et se termine par un suicide. Il est inacceptable d’en proposer la lecture à de jeunes mineurs. » Et certains faisant référence au code pénal, article 227-24 : « Le fait de diffuser par quelque moyen que ce soit un message à caractère pornographique (…) est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur. »

► Quelle est l’intention de l’auteur ?

« Mon livre pose question, ça peut déranger. Je ne l’ai pas écrit pour les jeunes, mais en pensant à la génération d’aujourd’hui, sacrifiée, confinée”confie Rebecca Lighieri à La Croix. L’auteure, qui a déjà été distinguée sous son vrai nom Emmanuelle Bayamack-Tam, par les prix du livre Inter et Médicis, a voulu évoquer ce choc générationnel, entre des parents préoccupés par le plaisir et leur fille qui éprouve des limites, multiplier les expériences.

« Les scènes à contenu sexuel – qui sont sans violence, toujours consensuelles – font partie de mes personnages. Mais je peux comprendre les parents attentifs à la réception de mon texte par leur enfant. Il n’en reste pas moins que personne n’est obligé de le lire. » Et l’écrivain invite au dialogue, peut-être à partir de son livre, même si l’on observe une dégradation de la santé mentale des jeunes, qui sous-tend implicitement l’ensemble de l’ouvrage.

Quant à l’éditeur, qui ne souhaite pas entrer dans la polémique, il reconnaît qu’il s’agit d’un livre sombre, difficile, mais vrai, dans le sens où il met en lumière la dépression des jeunes. Par ailleurs, il n’y a pas de comparaison, selon lui, entre des pages de littérature, même grossières, et des vidéos pornographiques dont on sait qu’elles sont largement visionnées par les adolescents.

► Quel accompagnement pour les lycéens ?

Faisant partie de la sélection pour le prix Goncourt, le livre incriminé figurait de facto dans la liste des ouvrages proposés aux lycéens. Pas n’importe quels jeunes : ceux qui sont dans l’une des classes sélectionnées, avec des temps de discussion prévus à l’horaire des cours de français, c’est à l’enseignant de créer le débat.

Interrogé, le ministère de l’Éducation nationale a répondu « pleinement attentif et conscient des inquiétudes qui peuvent être exprimées à l’égard de certains romans, mais assure que, chaque année, l’accompagnement des étudiants par les équipes pédagogiques vise à établir pour eux les meilleures conditions possibles de participation au prix Goncourt du haut niveau ». les élèves de l’école.

En pratique, certains enseignants regrettent qu’un avertissement n’ait pas été joint à l’ouvrage. « Les enseignants, les parents, les lycéens ne comprennent pas qu’aucune mesure de précaution n’a été prise au préalable et que de jeunes mineurs peuvent accéder à la pornographie en milieu scolaire »réagit un professeur de français.

 
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