Nous l’avons rencontré pour discuter de son 17e roman « Les Enchanteurs », où il raconte les nombreuses collusions entre les studios de cinéma de Los Angeles dans les années 1960, ses acteurs obsédés par l’argent et le sexe et les magouilles politiques et policières. Après 15 jours de marathon promotionnel en France, James Ellroy est fidèle à lui-même : chemise à fleurs, feutre noir vissé sur la tête et regard d’acier.
Qu’est-ce qui vous a intéressé chez Freddy Otash, cet ancien policier véreux reconverti en détective privé, pour en faire le personnage principal de votre roman « Les Enchanteurs » ?
J’ai connu Freddy Otash pendant les trois dernières années de sa vie. C’était un homme mauvais, mais je savais que je pouvais me réapproprier sa vie pour raconter l’histoire de Los Angeles en 1962, décrire les intrigues politiques dans lesquelles il était impliqué, les scandales du cinéma et des studios. J’ai recréé ce demi-monde du cinéma, avec leurs films aux images corrompues, leurs associations avec des policiers et des hommes politiques tout aussi corrompus.
Vous souvenez-vous de la mort de Marilyn Monroe et cela vous a-t-il marqué à l’époque ?
Non, je ne l’aimais pas, en tant que femme et actrice, et sa mort ne m’a pas affecté. D’ailleurs mon livre ne raconte pas sa mort, mais elle fait partie de cet univers de starlettes et d’acteurs en quête de reconnaissance qui s’associent aux mauvaises personnes qui sont dans le livre.
Peut-on dire que vous profanez l’histoire de votre pays dans vos romans, que vous en montrez la face sombre ?
Je n’écris pas de livres sur l’Amérique, sur toute l’Amérique, j’écris des tranches de vie. Quand je m’inspire de l’histoire, c’est comme un outil, je l’utilise. C’est pourquoi je ne réponds jamais à la question du rôle de la fonction et de la réalité dans mes livres. Vous savez, la plupart des Américains sont comme les Français, des gens bien, qui travaillent tous les jours et qui sont honnêtes.
Je crée cet univers, ce demi-monde démoniaque qui coexiste avec le nôtre, et même si je désapprouve ce qui s’y passe, je ne peux m’empêcher d’apprécier d’y vivre de toute façon. Mon personnage Freddy Otash évolue et change également dans ce monde, il se rapproche progressivement d’une forme de vérité et de Dieu. Il était également maronite, libanais catholique. Sa croyance le tire, d’ailleurs dans le roman il fait le signe de croix à chaque fois qu’il voit quelque chose de choquant.
N’y a-t-il pas un peu de vous dans ce personnage de Freddy ? Il est organisé, précis, voyeuriste et voyou, lorsqu’il espionne la maison et l’intimité de Marilyn Monroe durant les derniers mois de sa vie au printemps 1962 ?
Oui, il y a des décennies, pendant un bref instant de ma vie, je suis entré dans des maisons et j’ai regardé les gens à travers leurs fenêtres. J’étais très jeune.
Pourquoi pensez-vous que les lecteurs français apprécient autant vos romans ?
Je pense que c’est parce que les Français ont un amour très fort et de longue date pour les romans noirs. Ils aiment les thrillers durs, comme ceux de James M. Cain par exemple, « The Postman Always Rings Twice » et « Double Indemnity ». Dans ces livres, il n’est pas question de « L’Étranger » de Camus… Côté français, vous nous avez offert la Nouvelle Vague et le cinéma français dans toute sa splendeur.
Vous dédiez ce livre à François Guérif (éditeur et créateur de l’édition Rivages/Noir en 1986). Est-ce un rendez-vous professionnel important pour vous ?
Pau : Le salon des amoureux du thriller est ouvert
Si rencontres et lectures ont commencé en Béarn et à Pau il y a quelques jours, Un aller-retour dans le noir a été officiellement inauguré ce samedi matin en présence de la marraine de l’événement Dolores Redondo et du maire de Pau.
C’était un très bon ami, il a été contraint à la retraite par les précédents dirigeants de Rivages, je n’aimais pas ça mais c’est comme ça. Mais c’est lui qui m’a fait connaître et découvrir en France, qui a publié ici pour la première fois mes romans, « Lune Sanglante » (1987). Et nous avons fait Rivages/Noir tous les deux.
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