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Les femmes tunisiennes bafouées dans les années 30

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La Porte de France, à Tunis, vers 1931-1932. KEYSTONE-FRANCE/GAMMA

« Le désastre de la maison des notables » (Nazilat dar al-akabir), d’Amira Ghenim, traduit de l’arabe (Tunisie) par Souad Labbize, éd. Philippe Rey/Barzakh, « Khamsa », 494 p., 25 €, numérique 18 €.

Que s’est-il passé cette nuit de décembre 1935 qui a changé le destin de deux grandes familles tunisiennes, les Naifer et les Rassaas ? Que s’est-il passé entre Zbeida Rassaa, l’épouse de Mohsen Naifer, et celui qui fut son tuteur avant son mariage, l’intellectuel et militant syndical Tahar Haddad ? Que disait la lettre que ce dernier lui avait remise cette nuit-là par sa servante Louisa ? Comment Zbeida a-t-elle perdu l’usage de ses jambes au cours de cette même nuit ? Le lecteur n’aura jamais de réponses sûres et certaines à ces questions. En effet, ces événements, et bien d’autres qui leur sont liés, sont racontés successivement par les protagonistes, membres ou serviteurs des deux familles, des années plus tard et dans des circonstances diverses. Chacun les présente selon son point de vue, et entretient sa part de secret, que ce soit par respect des conventions ou pour préserver son image auprès de son interlocuteur. Ce processus narratif très élaboré entretient le suspense et pousse le lecteur à dévorer les cinq cents pages de cet excellent roman de l’universitaire tunisienne Amira Ghenim (née en 1978), qui connaît depuis sa parution en 2020 un grand succès critique. au-delà.

Le désastre de la Maison des Notables emprunte ses codes à la fois au roman historique (l’intrigue mêle personnages réels et personnages fictifs) et à la saga familiale, avec quatre générations représentées, arbre généalogique à l’appui. Le thème principal est celui de l’évolution des mœurs, notamment celles concernant la place de la femme, en Tunisie sous protectorat français, depuis les années 1930. C’est sans doute le sens de la présence, aussi fantomatique qu’emblématique. , de la figure de Tahar Haddad (1899-1935) dans ce roman : auteur de Notre femme dans la législation et la société islamiques (1930), essai révolutionnaire qui fit scandale en son temps, Haddad mourut quelques années plus tard dans la pauvreté et l’oubli, mais inspira directement le code du statut personnel promulgué par le président Habib Bourguiba en 1956, le plus progressiste de tout le monde arabe. Aujourd’hui encore, malgré la régression autoritaire sous l’actuel président Kaïs Saïed, la Tunisie reste pionnière dans la région en matière de droits des femmes, l’un des rares acquis de la révolution de 2011.

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