« Je voulais un livre traversé par de forts courants d’amour »
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« Je voulais un livre traversé par de forts courants d’amour »

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L'écrivaine britannique Susie Boyt, en 2017. CHARLIE HOPKINSON

« Loved and Missed » de Susie Boyt, traduit de l'anglais par Stéphane Vanderhaeghe, La Croisée, 240 p., 22 €, numérique 15 €.

Nous fermons Amours manquées Dans un mélange d'émerveillement devant la splendeur de ce livre et de reconnaissance envers l'auteur pour la puissance des émotions qu'elle transmet. Tourmenté aussi par une question : comment est-il possible que le septième roman de la Britannique Susie Boyt soit le premier à être traduit en français ? L'écrivaine fait preuve d'un savoir-faire littéraire et d'une connaissance du cœur humain admirables. Les sanglots authentiques qu'elle provoque chez le lecteur sont dus à la sobriété même de l'ensemble du récit.

Cette retenue est celle de Ruth, une femme courageuse, sarcastique, solitaire. Après que sa fille Eleanor, toxicomane, ait donné naissance à Lily, Ruth parvient à garder l'enfant auprès d'elle et à l'élever, vivant dans une double peur permanente : celle du jour où Eleanor voudra reprendre Lily et celle de la mort d'Eleanor. Cette peur plane sur le récit sans jamais être clairement formulée par Ruth. D'une manière générale, la narratrice se garde bien de mettre des mots trop précis sur les choses, et en particulier sur la condition de sa fille (elle excelle, en revanche, à pointer ses propres erreurs et défauts). Non qu'elle soit aveugle à son visage. Mais sans parler de” aiguille “d'“héroïne” ou de« surdosage »ne pas figer l'état d'Eleanor par le langage est sa façon de l'aimer.

Depuis le bureau de son appartement londonien où elle donne une interview à « Le monde des livres »Susie Boyt se souvient de la façon dont les débuts du roman lui sont venus. « L’année où ma mère est morte, je ne supportais pas l’idée de passer Noël à Londres comme d’habitude, alors je suis partie avec mon mari et mes filles à Miami – comme je devais être malade ! Le soir du 24 décembre, nous sommes allés au cinéma et en sortant, nous sommes tombés sur un grand monument rose, qui s’est avéré être une église spécialisée dans les problèmes de santé mentale. En entrant, nous avons vu des gens qui étaient clairement ivres ou drogués. Je me souviens de deux petites filles en manteaux synthétiques juste à côté de grosses bougies qui se balançaient ; je les ai surveillées en écoutant le sermon, qui parlait du deuil, ce qui était parfait pour moi. Il y avait de l’empathie dans le lieu mais aussi une atmosphère menaçante. Je voulais un livre où couraient de forts courants d’amour, mais un amour insuffisant, inefficace. » Ce moment en particulier a inspiré le chapitre sur le baptême de Lily, où tout le monde, y compris le prêtre, essaie de faire bonne figure, et qui culmine dans le moment où Ruth emmène Lily loin de ses parents, à la fois diaboliquement dickensien et remarquablement théâtral.

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