si cruel et si actuel
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CRITIQUE – Au Théâtre de l'Atelier, Pauline Bayle met en scène le roman de Balzac avec beaucoup d'audace.

Créée en 2020, interrompue par le Covid puis partie en tournée, l'adaptation de Pauline Bayle deIllusions perduesLe roman épique de Balzac, revient au Théâtre de l'Atelier pour un mois. Presque tout le monde connaît l'histoire – l'ascension et la chute – de Lucien de Rubempré, ce jeune homme charentais venu à Paris chercher la gloire littéraire. Un voyage funeste. Il est joué ici par l'actrice Anissa Feriel, ce qui ne gênera pas du tout le spectateur. Ce cher Lucien est décrit par Balzac comme un homme-femme. C'est un beau garçon, élégant, mélancolique. Anissa Feriel est brune, Lucien était plutôt blond, peu importe ; les quatre autres actrices et acteurs endosseront une vingtaine de rôles.

LE Illusions Le spectacle commence par une humiliation. Lucien est seul sur scène, devant le rideau. Nous sommes toujours à Angoulême, chez Madame de Bargeton (Manon Chircen). Au cours de cette soirée poétique, Lucien lit un de ses (mauvais) sonnets et, dans la salle (parmi les spectateurs), une voix se fait entendre, celle de Monsieur de Saintot (Frédéric Lapinsonnière, qu'on retrouvera dans les rôles de Daniel d'Arthez, Dauriat, Canalis et Hector Merlin). Il dit qu'il voulait aller se coucher. Lorsque le rideau se lève, sur scène, une partie du public est assise en position quadrifrontale. Il n'y aura pas de décor ; c'est le choix très judicieux de la metteure en scène Pauline Bayle, adepte d'un théâtre brut – et, ici, immersif.

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Ici, tout est audacieux. L'espace de jeu devient une sorte de piste parsemée de craie, subtilement irisée par les éclairages de Pascal Noël. Le public sur scène devient « partenaire » de la pièce ; il représente la société parisienne observant ces personnages balzaciens peu recommandables. A Paris, Lucien découvre l'opéra, rencontre Étienne Lousteau (le superbe Adrien Rouyard), le futur romancier Daniel d'Arthez, l'éditeur Dauriat ou Coralie (l'énergique Zoé Fauconnet), actrice du Panorama dramatique soutenue par Camusot… Dès lors, la corruption pointe le bout de son nez et les scènes cultes bien huilées se succèdent sans friction.

Une histoire palpitante

Tout est parfaitement rythmé, les répliques volent et le cynisme s'infiltre. C'est un plaisir sadique de se vautrer, sous la direction de Pauline Bayle, dans ce monde du journalisme qui était, selon Balzac, « pure prostitution »Les journalistes écrivent sans conviction, vendent leur salade et surtout leur âme pour trente sous. Une bande d'imbéciles. Pauline Bayle a merveilleusement passé au peigne fin les 700 pages de IllusionsElle en a fait un scénario palpitant.

Tout ici est cruel. Lucien est « un enfant qui courait après les plaisirs et les jouissances de la vanité »écrivait Balzac à propos de son « héros », personnage peu recommandable, et dont les petites bêtises inspirent plutôt la pitié. « Lucien a eu une chance avec Mme de Bargeton : il l'a laissée le quitter. Une chance avec la littérature : il l'a abandonnée. Une chance avec les libéraux : il les a trahis (…). Cela lui a valu la haine de ses anciens amis et le mépris de ses nouveaux. Il ne suffit pas de retourner sa veste. Encore faut-il le faire avec sagesse. »wrote Félicien Marceau in Balzac et son monde. Très actuel, n'est-ce pas ? C'est pour cela que les acteurs et les actrices s'habillent comme vous et moi. Car fondamentalement, rien n'a changé depuis les années 1820.

Illusions perduesau Théâtre de l'Atelier (Paris 18)et), jusqu'au 6 octobre.

 
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