Malgré l’ère numérique, la radio traditionnelle résiste en Acadie
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Malgré l’ère numérique, la radio traditionnelle résiste en Acadie

Malgré la disponibilité accrue de contenu au cours des dernières décennies, grâce à Internet, les auditeurs francophones de la radio traditionnelle semblent toujours écouter au Nouveau-Brunswick.

La radio est diffusée sur les ondes au Canada depuis plus d’un siècle. En 1919, la première licence d’exploitation a été accordée à XWA, une station montréalaise appartenant à la Marconi Company of Canada. Des dizaines d’autres stations seront diffusées au cours de la décennie suivante.

Cet outil de communication fera partie du quotidien de la population, lui permettant de s'informer sur la météo et l'actualité, de se détendre en écoutant des pièces radiophoniques, de faire des découvertes musicales (des quotas de contenu canadien et francophone seront mis en place à partir de 1970) ou d'entendre ses succès préférés, ou encore d'éclater de rire.

Plusieurs de ces habitudes ont été conservées jusqu’à aujourd’hui par les Canadiens, même si l’arrivée d’Internet a créé un bouleversement au niveau de l’offre, qui se mondialise.

Au XXIe siècle, la démocratisation des connexions permettant une transmission rapide des données au point de pouvoir écouter une chanson en ligne, voire un podcast ou une vidéo, en un instant, sans délai apparent, permettra l’essor de plateformes comme YouTube et Spotify. Les internautes auront alors le luxe d’écouter ce qu’ils veulent, et quand cela leur convient. Ils pourront toujours suivre des émissions numériques en direct, s’ils le souhaitent, y compris des contenus radiophoniques locaux.

Mais quel impact ce bouleversement technologique a-t-il eu sur les radios traditionnelles encore actives ?

« Il y a eu un déclin [des cotes d’écoutes]mais ce n’est pas aussi dramatique qu’on pourrait le penser», affirme Kevin Desjardins.

Malgré une concurrence accrue, le président de l'Association canadienne des radiodiffuseurs constate que 77 % des Canadiens écoutent encore de la radio chaque semaine. L'habitude d'écouter sa station préférée en déplacement demeure répandue.

« Là où on a vu le plus grand défi, c'est du côté de la publicité, qui a un peu plus délaissé les radios que les auditeurs », souligne-t-il.

Il affirme qu'environ 70 % des dépenses publicitaires canadiennes sont consacrées au marché numérique, tandis que les médias plus traditionnels, comme les journaux, la télévision et les stations de radio, doivent se partager les 30 % restants.

M. Desjardins déplore également que des déductions fiscales qui sont censées être accordées aux entreprises lorsqu'elles effectuent des dépenses publicitaires au Canada soient encore accordées lorsque les sommes investies aboutissent dans les coffres de plateformes numériques étrangères. Cette déduction est censée stimuler l'économie canadienne en favorisant la circulation de l'argent au pays, selon lui.

Il note également que, contrairement aux stations de radio, les diffuseurs numériques étrangers, qui font des affaires au Canada, n'ont pas eu à réinvestir une partie de leurs revenus dans des fonds dédiés à la culture canadienne. Il en va de même pour les quotas de diffusion de musique canadienne et francophone. La Loi sur la diffusion en continu en ligne est pourtant censée rendre la situation plus équitable.

Consolidation et équilibre

Jason Ouellette. – Archives

Selon le directeur général Jason Ouellette, la situation est toujours tenable à Radio Beauséjour, qui chapeaute Plus 90,7 et CJSE. En plus de gérer les deux stations FM du Sud-Est, il est également trésorier de CFJU et CFAI, qui diffusent au Restigouche et au Madawaska.

« Même si Plus 90,7 est légèrement déficitaire, on a quand même la grosse radio country acadienne, CJSE, qui peut compter sur 80 000 auditeurs. C'est une bonne vache à lait », illustre-t-il.

En plus de la sécurité offerte par CJSE, Plus 90.7 parvient à garder la tête hors de l'eau grâce au financement fourni par le gouvernement pour des projets spéciaux.

La complémentarité des deux stations ne se limite toutefois pas à cet aspect. C'est grâce à Plus 90,7 et à la variété musicale qu'elle offre que Radio Beauséjour peut répondre aux exigences du CRTC et se permettre de confier un mandat exclusivement country à CJSE.

Le Moniteur Acadien fait également partie de la famille Radio Beauséjour. L'hebdomadaire et les deux stations de radio peuvent donc partager entre eux des ressources matérielles ainsi que du contenu.

M. Ouellette indique également que, dans le nord de la province, les stations CFAI, CFJU et CIMS s'entraident de manière similaire.

Diffusion en ligne

Selon le directeur général de Radio Beauséjour, le créneau country acadien sur lequel s'appuie CJSE, combiné à la possibilité d'écouter ses émissions en ligne, où que l'on soit, représente une formule gagnante.

« Nous allons chercher un public qui reste fidèle », précise-t-il, notant une augmentation de l'audience numérique d'environ 5% par an.

« Nous n’avons fermé aucune station et nous n’avons pas l’intention de le faire », dit-il, tout en concédant que l’abandon éventuel des ondes terrestres est inévitable.

« C’est sûr que les stations de radio traditionnelles sont plus rares maintenant », constate Danie Aubé, directrice générale des Superstations CKLE à Bathurst et CJVA à Caraquet. « Les gens utilisent beaucoup Google Home, Alexa, Sonos, etc., d’où l’importance pour nous d’offrir un accès à la radio en streaming. »

Malgré l’ampleur de l’offre numérique, elle dit ne pas constater d’exode significatif parmi ses auditeurs.

« Nos audiences sont très stables et très bonnes, malgré tout le contenu en ligne disponible. »

Bien que ses équipes demeurent à l'affût des tendances, notamment celles observables sur Internet, et puissent intégrer occasionnellement des chroniqueurs remarqués sur les réseaux sociaux, Mme Aubé indique que l'approche globale de Superstations n'a pas changé depuis l'avènement du streaming.

« Nous avons toujours mis l’accent sur la proximité avec les gens et la qualité du service. Nous avons de la chance, nous avons d’excellents animateurs qui sont en mesure d’offrir une programmation diversifiée et intéressante. »

Radio Beauséjour PLUS 90.7, in Dieppe. – Acadie Nouvelle: Stéphane Paquette

De son côté, Jason Ouellette indique que le succès de CJSE est attribuable au fait qu'une partie importante de son auditoire est issue de la génération du baby-boom. Bien qu'il puisse faire le saut vers Internet, ce public serait moins susceptible de modifier ses habitudes d'écoute, selon lui, et, incluant de nombreux retraités, il serait davantage intéressé à être accompagné et diverti tout au long de la journée.

Le directeur général de Radio Beauséjour indique toutefois que les stations de radio desservant les populations urbaines, dans un environnement concurrentiel, ne s'en sortent pas aussi bien.

« Le numérique n’est pas super important pour eux puisque leur public est local », dit-il.

Il note que le type de musique joué sur Plus 90.7 se trouve facilement sur des plateformes comme Spotify, alors que ce n'est pas le cas de CJSE, qui construit depuis des décennies ses propres archives d'œuvres locales.

 
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