Pierre Bertrand vit toujours du côté ensoleillé
News Day FR

Pierre Bertrand vit toujours du côté ensoleillé

(Saint-Côme) Même affaibli, le discret Pierre Bertrand a récemment accepté d'accueillir La presse dans sa ville natale de Saint-Côme, afin de faire le point sur une carrière dont Beau Dommage aura savouré chaque instant et chaque refrain, comme s'il n'avait jamais été qu'en vacances.


Publié à 02:55

Mise à jour à 9h00



Pierre Bertrand voulait une rivière. Pierre Bertrand voulait la paix. Et c'est ainsi qu'il y a 20 ans, en avril 2004, Beau Dommage, à la voix de velours, s'installait à Saint-Côme, dans Lanaudière, au fond des bois. Mais en ce lundi de fin d'été, c'est au village, dans un parc, qu'il nous rejoint, sous un ciel sans nuage, un jour de congé ensoleillé.

Et c'est tant mieux, car même s'il a travaillé à la création d'un certain nombre de refrains inoubliables du répertoire québécois, Pierre Bertrand – et c'est là sa grande qualité – avait toujours un peu l'impression d'être en vacances.

>

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Pierre Bertrand

C’est aussi ce que sous-entendent plusieurs de ses chansons qui célèbrent la douceur de l’oisiveté – Un air d'étéévidemment – ​​quand ils ne sont pas contrariés par toutes ces heures qui doivent être sacrifiées à autre chose que pour s’amuser, comme J'attends toute l'année que l'été arrive enfin ! et Nous perdons notre vie en la gagnant..

Des chansons de pure empathie, explique-t-il, tout comme la superbe chanson-titre de son dernier album solo, Espoirpublié en 1987 (!), une prière pour une planète qui n'a jamais cessé d'en avoir besoin.

Là où je vis, c'est tellement beau, tellement agréable. Il y a une rivière qui traverse mon terrain de part en part. J'ai une petite amie merveilleuse. Mais je pense aux autres ! Je me suis toujours dit que j'avais de la chance et que j'étais privilégié d'avoir une vie aussi magique. Mon cœur a toujours été avec ceux qui travaillent aussi dur sinon plus que moi et qui ne peuvent voir ce soleil que depuis leur petit balcon.

Pierre Bertrand

Le « grand éclair violet »

D'ordinaire très discret, Pierre Bertrand a accepté de donner quelques interviews ces derniers mois à l'occasion des 50 ans du premier album de Beau Dommage, mais aussi peut-être pour raconter une dernière fois son histoire, avant de rentrer définitivement au pays.

Il préfère ne pas préciser de quoi il souffre, par pudeur ou pour ne pas laisser sa chance à la maladie, mais il avoue avoir beaucoup fréquenté les hôpitaux au cours de la dernière année. Visage émacié et démarche chancelante; l'homme de 76 ans, sous son éternel chapeau d'été, paraît diminué, mais son grand sourire accueillant a gardé cette douce chaleur, la même que porte sa voix apaisante, l'une des plus douces du Québec, dans laquelle tous nos problèmes deviennent soudainement solubles.

Il avait beaucoup à dire sur la musique, de toute façon, la grande affaire de sa vie depuis ce soir de 1963 où son père François, annonceur à Radio-Canada et également libraire-disquaire sur la Place Ville Marie, était rentré à la maison avec le deuxième album des Beatles sous le bras. C'est alors « un gros éclair violet » qui a éclaboussé l'imaginaire de l'adolescent Pierre.

Il ne s'est jamais remis de cet éclair ; il a immédiatement essayé d'imiter les garçons de Liverpool sur la solide guitare Stella de sa mère, dont il jouait à l'envers, car il était un « gaucher terminal ».

>

PHOTO MICHEL GRAVEL, LA PRESSE ARCHIVES

Pierre Bertrand (au premier plan) avec Beau Dommage en mai 1976

Qui l'a invité à rejoindre les rangs d'une incarnation embryonnaire de Beau Dommage ? Pierre Bertrand ne s'en souvient pas. Une chose est sûre : « Michel Rivard plaisantait souvent en disant que c'était parce que j'avais une Econoline qu'ils m'avaient embauché. » On rit.

Restez dans le bonheur

De 1973 à aujourd'hui, les membres de Beau Dommage n'ont jamais cessé, malgré de nombreuses et longues pauses, de former un cercle d'amis liés par une admiration mutuelle. Ils se sont retrouvés à nouveau, tout sourire, lors de la présentation des spectacles symphoniques Nous nous connaissons depuis 50 ans à Montréal et à Trois-Rivières. Une pérennité que Pierre Bertrand attribue à cette décision de séparer, dès le départ, tous leurs revenus en parts égales, y compris les droits d’auteur.

« Robert [Léger] nous a réunis, un peu avant d’entrer en studio, et il nous a demandé : « Bon, et si on en vend 10 000, qu’est-ce qui se passe ? » Et on a bien ri ! raconte-t-il. Je pensais que si mes parents, mon oncle et ma tante en achetaient un, ce serait génial. Mais on a fait l’exercice. Entre deux tournées, qu’arrive-t-il à Réal [Desrosiers, batteur]qui ne collabore pas à la composition des chansons, mais qui est tout aussi essentiel au groupe ?

C'est à ce moment-là que nous avons décidé que si nous avions du succès, nous le partagerions. Et c'est ce qui nous a permis de rester heureux, même lorsque nous n'étions pas ensemble, sans jamais vraiment nous disputer.

Pierre Bertrand

Les sept musiciens de Beau Dommage ont tous été très généreux les uns envers les autres. Généreux d'abord dans leurs idées. Il leur a fallu beaucoup d'abnégation, ou du moins un sens aigu de la camaraderie, pour accepter, comme Michel Rivard, de lâcher prise. Heureusement qu'il y a la nuitune de ses compositions sur un texte de Pierre Huet, à Pierre Bertrand.

« Ah, mais voyez-vous, c’est notre directeur Michel Lachance qui a décidé que je la chanterais », explique Pierre. À l’époque, Michel [Rivard] n'était pas content, mais comme notre directeur était maître après Dieu, il était obligé d'accepter. Et c'est tout à son honneur, car, humblement, j'ose dire que cela donne un bon résultat. » Au moins, oui.

>

PHOTO ROBERT MAILLOUX, LA PRESSE ARCHIVES, PROVIDED BY BANQ

En octobre 1984 au Forum de Montréal

C'est aussi celle signée Michel Rivard, paroles et musique, que Pierre Bertrand choisira pour nommer sa chanson préférée de Beau Dommage : J'ai adoré l'hiverextrait de l'album de retour de 1994.

Extrait de J'ai adoré l'hiver

« La version symphonique que j’ai entendue il y a quelques jours m’a rappelé combien elle est belle, observe-t-il, même si elle est peu connue. C’est un hommage que je rends à Michel et je pense qu’il le mérite. »

Les chansons qui courent dans les rues

La conversation durera près d'une heure et demie, parlant principalement de musique, et encore de musique. Des harmonies vocales des Hollies, le premier groupe de Graham Nash, auprès duquel Pierre Bertrand a beaucoup appris. De la ligne de basse de Huit milles de haut des Byrds, de qui il apprit que cet instrument pouvait aussi chanter. De l'autodérision de plusieurs de ses compositions, comme la très larmoyante Assis dans la cuisine« Parce que à quoi bon vivre si on ne sait pas rire ? »

Du Félix du réalisateur de l'année qu'il a remporté en 2001 pour son travail avec son ami Patrick Norman, son seul Félix en dehors de Beau Dommage, une de ses plus grandes fiertés. Des mouches qui régnaient à Saint-Césaire lors de l'enregistrement de L'Heptade d'Harmonium, sur lequel il forme un sublime quatuor de voix célestes avec Monique Fauteux, Richard Séguin et Estelle Ste-Croix. Et de la cigarette qu'il a « raflée » à René Lévesque après le concert de Beau Dommage et Félix Leclerc à la fête nationale de 1977 à Longueuil. « C'était un Sweet Caporal, monsieur !

>

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Pierre Bertrand n'a pas perdu son sourire accueillant.

Pierre Bertrand reprend alors un air d'une autre époque. « De voir que 50 ans après, le public nous aime toujours, même si Beau Dommage n'est plus sur scène depuis 30 ans, ça me donne envie de dire, comme Charles Trenet… » Sa voix se brise. « Ça me donne envie de dire que [il chantonne] « Longtemps, longtemps, longtemps, après la disparition des poètes, leurs chansons résonnent encore dans les rues. »

Le sourire aux lèvres et sa belle Hélène à ses côtés, le promeneur retourne vers sa rivière. Ne le dérangez pas, il est toujours en vacances.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

Related News :